Qui pour tous les Thébains n'a plus que de la haine, Et que l'hymen attache à nos fiers ennemis? Thèbes m'a couronné pour éviter ses chaînes; JOCASTE. Dites, dites plutôt, cœur ingrat et farouche, Hé bien, madame, hé bien, il faut vous satisfaire; Il faut à sa fureur que je me livre en proie; Si JOCASTE. Ah ciel! quelle rigueur ! Que vous pénétrez mal dans le fond de mon cœur! Je ne demande pas que vous quittiez l'empire; Régnez toujours, mon fils, c'est ce que je desire. Mais si tant de malheurs vous touchent de pitié, pour moi votre cœur garde quelque amitié, Et si vous prenez soin de votre gloire même, Associez un frère à cet honneur suprême : Ce n'est qu'un vain éclat qu'il recevra de vous ; Votre règne en sera plus puissant et plus doux; Les peuples, admirant cette vertu sublime, Voudront toujours pour prince un roi si magnanime; Et cet illustre effort, loin d'affoiblir vos droits, Vous rendra le plus juste et le plus grand des rois. Ou, s'il faut que mes vœux vous trouvent inflexible, Si la paix à ce prix vous paroît impossible, Et si le diadème a pour vous tant d'attraits, Au moins consolez-moi de quelque heure de paix : Accordez cette grace aux larmes d'une mère. Et cependant, mon fils, j'irai voir votre frère : La pitié dans son ame aura peut-être lieu; Ou du moins pour jamais j'irai lui dire adieu. Dès ce même moment permettez que je sorte: J'irai jusqu'à sa tente, et j'irai sans escorte ; Par mes justes soupirs j'espere l'émouvoir. ÉTÉOCLE. Madame, sans sortir vous le pouvez revoir; Et si cette entrevue a pour vous tant de charmes, J'irai plus loin encore; et, pour faire connoître De laisser aux Thebains à se choisir un roi. SCÈNE IV. JOCASTE, ÉTÉOCLE, ANTIGONE, CRÉON, OLYMPE. CRÉON. Seigneur, votre sortie a mis tout en alarmes : Cette vaine frayeur sera bientôt calmée. Laissez, pour recevoir et pour donner ses lois, -Et sa vertu suffit pour les rendre assurés. (à Créon.) Commandez-lui, madame. Et vous, vous me suivrez. Quoi, seigneur !... CRÉON. ÉTÉOCLE. Oui, Créon, la chose est résolue. CRÉON. Et vous quittez ainsi la puissance absolue? ÉTÉOCLE. Que je la quitte ou non, ne vous tourmentez pas; SCÈNE V. JOCASTE, ANTIGONE, CRÉON, OLYMPE. CRÉON. Qu'avez-vous fait, madame? et par quelle conduite JOCASTE. Il va tout conserver; Et par ce seul conseil Thèbes se peut sauver. CRÉON. Eh quoi, madame, eh quoi! dans l'état où nous sommes Lorsqu'avec un renfort de plus de six mille hommes La fortune promet toute chose aux Thébains, JOCASTE. La victoire, Créon, n'est pas toujours si belle; CRÉON. Leur courroux est trop grand... JOCASTE. Il peut être adouci. CRÉON. Tous deux veulent régner. JOCASTE. Ils régneront aussi. CREON. On ne partage point la grandeur souveraine; Et ce n'est pas un bien qu'on quitte et qu'on reprenne. JOCASTE. L'intérêt de l'état leur servira de loi. CRÉON. L'intérêt de l'état est de n'avoir qu'un roi, |