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n'ont

pas toujours entendues, elles n'offrent rien d'utile et d'instructif. Peut-être aussi Voltaire étoit-il seul capable de faire un bon commentaire sur Racine, et d'apprécier avec justesse ses beautés et ses défauts; mais on ne trouve dans ses ouvrages que des réflexions générales sur cet auteur, et quelques observations particulières sur BÉRÉNICE, qui sont un modèle dé goût, de précision, et qui montrent toutes un jugement sain, une étude profonde et réfléchie des principes de l'art, des vues neuves et fines sur la langue et sur la poétique, et par-tout l'admiration la plus sincère pour Racine. Voltaire le croyoit le plus parfait de tous nos poëtes, et le seul qui soutienne constamment l'épreuve de la lecture. Il en parloit même avec tant d'enthousiasme, qu'un homme de lettres lui demandant pourquoi il ne faisoit pas sur Racine le méme travail qu'il avoit fait sur Corneille : « Il est tout fait, lui répondit Voltaire; il n'y a qu'à écrire au bas de chaque page, BEAU, PATHÉTIQUE, HARMONIEUX, SUBLIME. »

X

LA THÉBAÏDE,

OU

LES FRÈRES ENNEMIS,

TRAGÉDIE.

1664.

PRÉFACE DE L'AUTEUR.

Le lecteur me permettra de lui demander un peu plus d'indulgence pour cette pièce que pour les autres qui la suivent : j'étois fort jeune quand je la fis. Quelques vers que j'avois faits alors tombèrent par hasard entre les mains de quelques personnes d'esprit elles m'excitèrent à faire une tragédie, et me proposèrent le sujet de la Thébaïde.

:

Ce sujet avoit été autrefois traité par Rotrou, sous le nom d'Antigone: mais il faisoit mourir les deux frères dès le commencement de son troisième acte; le reste étoit en quelque sorte le commencement d'une autre tragédie, où l'on entroit dans des intérêts tout nouveaux ; et il avoit réuni en une seule pièce deux actions différentes, dont l'une sert de matière aux Phéniciennes d'Euripide, et l'autre à l'Antigone de Sophocle.

Je compris que cette duplicité d'action avoit pu nuire à sa pièce, qui d'ailleurs étoit remplie de quantité de beaux endroits. Je dressai à peu près mon plan sur les Phéniciennes d'Euripide; car pour la Thébaïde qui est dans Sénèque, je suis un peu de l'opinion d'Heinsius, et je tiens,

comme lui, que non seulement ce n'est point une tragédie de Sénèque, mais que c'est plutôt l'ouvrage d'un déclamateur qui ne savoit ce que c'étoit que tragédie.

La catastrophe de ma pièce est peut-être un peu trop sanglante; en effet, il n'y paroît presque pas un acteur qui ne meure à la fin : mais aussi c'est la Thébaïde, c'est-à-dire le sujet le plus tragique de l'antiquité.

L'amour, qui a d'ordinaire tant de part dans les tragédies, n'en a presque point ici : et je doute que je lui en donnasse davantage si c'étoit à recommencer; car il faudroit ou que l'un des deux frères fût amoureux, ou tous les deux ensemble. Et quelle apparence de leur donner d'autres intérêts que ceux de cette fameuse haine qui les occupoit tout entiers? Ou bien il faut jeter l'amour sur un des seconds personnages, comme j'ai fait; et alors cette passion, qui devient comme étrangère au sujet, ne peut produire que de médiocres effets. En un mot, je suis persuadé que les tendresses ou les jalousies des amants ne sauroient trouver que fort peu de place parmi les incestes, les parricides et toutes les autres horreurs qui composent l'histoire d'OEdipe et de sa malheureuse famille.

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