Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Le viguier d'Albi rendit seul la justice dans ce district jusqu'à l'époque où la seigneurie de Castres fut érigée en comté. Il fut maintenu cependant dans l'exercice des justices de la vicomté de Lautrec, ainsi qu'il conste des pièces qui seront annexées à la notice sur cette ville.

Par suite d'aliénations, usurpations ou création de nouveaux juges, cette viguerie fut réduite à quatre siéges royaux particuliers; savoir : le siége d'Albi; le siége de Terre basse, à Cadalen; la prévôté de Réalmont; la baillie ou capitainerie de Briatexte.

Ce viguier avait en outre, sur la portion du diocèse appartenant à la sénéchaussée de Toulouse, une juridiction particulière pour le fait des tailles, des appels, de la convocation des assises de toutes les justices.

Sa charge était une charge d'épée, donnée ordinairement à des hommes courageux et fidèles. Cet officier convoquait anciennement la noblesse de son ressort pour la tenue des assemblées diocésaines, prenait séance parmi les officiers du présidial de Carcassonne, après le doyen des conseillers de ce siége, et devait être considéré comme le premier officier de justice du diocèse. A ce titre il était commissaire ordinaire des états-diocésains, avait la garde du scel royal et veillait à la conservation des droits, privilèges et libertés de la ville, conformément aux lettres patentes du roi Charles VI.

Au-dessous du viguier était un juge qui exerçait, conjointement avec lui, la portion de justice qui appartenait au roi. Ils connaissaient l'un et l'autre, en première instance, de tous les cas qui ne ressortissaient pas au tribunal de l'évêque. Il est inutile de faire connaître ici les attributions du vigueur et du juge: elles sont réglées par des édits de plusieurs rois de France. Il suffira de dire que le viguier d'Albi pouvait, en quelque sorte, être regardé comme haut-justicier; car quoiqu'il ne rendit pas la justice dans l'étendue de la ville d'Albi pour les crimes ordinaires, il l'avait cependant pour les cas royaux, conformément à la transaction de 1553. Cet acte important (1), qui est reproduit aux documents sur Albi, mit fin aux (1) Pièces justificatives No 26.

débats qui avaient lieu depuis long-temps entre l'évêque et les viguiers. Le siége épiscopal vacant, la haute justice appartenait à ce magistrat.

La cour du viguier, quon appelait cour royale, était composée du viguier, d'un juge, d'un lieutenant principal, d'un lieutenant particulier, d'un procureur du roi, d'un substitut, d'un greffier et d'un receveur des consignations. Un commissaire aux saisies et quatre huissiers ou sergents se trouvaient attachés à ce tribunal.

Conformément à la charte de St.-Louis, déjà citée, le viguier devait, à son entrée en fonctions, prêter serment entre les mains de l'évêque il jurait de n'usurper aucun des droits du seigneur et de travailler au contraire à maintenir intactes toutes ses prérogatives ainsi que celles de l'église d'Albi. Un registre contient les procèsverbaux de prestation de serment de plusieurs viguiers, depuis 1277 jusqu'en 1499. Il m'a paru convenable de publier un de ces actes (1) et le catalogue des viguiers dont les noms ont été conservés dans ce document ainsi que dans les procès-verbaux des états-diocésains.

Il faut mentionner ici, parmi les viguiers d'Albi qui ont rempli honorablement cette charge, plusieurs membres de la famille de Fonvieille.

Pierre de Fonvieille, gentilhomme distingué, seigneur de Saliés et d'Orban, fut nommé viguier d'Albi en 1570. M. le duc de Montmorency l'exhorta par une lettre du 6 juin 1594, à employer l'influence qu'il avait dans la contrée pour le service du roi. Il reçut des mains du prince l'ordre de se rendre maître de la ville et de la réduire entièrement à son obéissance. Pierre de Fonvieille s'acquitta si dignement de cette mission, qu'il obtint, en considération de ses services, une exemption de logement des gens de guerre pour ses terres de Saliés et d'Orban, ainsi que le prouve l'acte de sauvegarde signé par M. le duc de Ventadour, alors lieutenant pour le roi dans la province de Languedoc. Son zèle pour le roi et ses efforts à renverser les desseins du parti de la Ligue lui attirèrent

(1) Pièces justificatives No 27.

l'animosité des rebelles qui s'emparèrent de sa maison d'Albi, d'où ils chassèrent sa famille et enlevèrent tous les titres et effets.

Son fils aîné, Antoine de Fonvieille, Sr de Saussens, gouverneur de St.-Juéry, fit des actions glorieuses dans plusieurs occasions et surtout au combat de Fauch, où il prit l'étendard des religionnaires, ce qui lui mérita de la main du roi, une chaîne d'or qui, en 1621, fut ajoutée avec un drapeau pour ornement aux armes de la maison de Fonvieille. En 1618, son père lui avait résigné la charge de viguier d'Albi. Il fut tué au siége de Montauban. Le roi, Louis XIII, pour récompenser les services de cette famille, réintégra Pierre de Fonvieille dans ses anciennes fonctions. Celui-ci reçut aussi le commandement de 300 hommes placés en garnison à Lombers, et il fut commis, en 1622, pour faire exécuter la démolition des fortifications de ce château.

Jean de Fonvieille, Sr de Maussans, capitaine d'infanterie, succéda à son père en 1623. Le maréchal de Thémines lui donna ordre de se joindre au baron de Lescure, avec tous les volontaires qu'il pourrait recruter, pour procéder à la démolition des fortifications de Teillet. Le prince de Condé lui conféra le titre de commissaire de l'artillerie du Languedoc. Il commandait une compagnie de gens de pied dans le Roussillon, lors de la prise de Salses.

On rendit justice à sa valeur dans la relation qui fut dressée de la fuite des réligionnaires, contre lesquels il s'était signalé, et dans la relation du siége de Leucate, où il fit des actions héroïques. Des historiens contemporains parlent de lui avec éloges; ils rapportent ses exploits, et n'oublient pas les récompenses qu'il reçut du roi.

Antoine de Fonvieille, seigneur de Saliés, d'Orban et du Sequestre, fut nommé viguier d'Albi, par lettres patentes du roi en date du 24 septembre 1661. Il épousa Melle Antoinette de Salvan-de-Saliés, qui acquit de la célébrité, par ses ouvrages d'esprit, dans la république des lettres.

L'académie des Ricovrati, de Padoue, a rendu témoignage du mérite de Mme Antoinette de Salvan, en lui envoyant des lettres d'association. Plusieurs ouvrages parlent avec éloge de son goût exquis,

de la finesse de son esprit. Placée au rang des dames illustres avec Melle de Scuderi, Mme Dacier, Mme de Villedieu, elle put jouir plus long-temps qu'elles de sa réputation. A l'âge de 88 ans, son esprit conservait encore sa fraîcheur et ses grâces. (1)

Antoine de Fonvieille soutint un long procès contre M. de Lude, évêque, dont les prétentions sur l'administration de la justice et au sujet des priviléges de la ville, furent la cause de procès ruineux pour le viguier et pour les consuls.

L'office de viguier acheté, en 1696, à M. de Metge, par M. Legoux de la Berchère, archevêque d'Albi, moyennant la somme de 8,000 1., fut vendu, en 1703, à M. de Massé, docteur en droit.

A part la juridiction spirituelle de l'évêque, on comptait dans le rayon que forme aujourd'hui la ville d'Albi quatre autres juridictions: la cour temporelle, la cour du roi, celle du Bout-du-Pont de la judicature d'Albigeois, enfin celle du Castelviel, dépendant du siége de Lombers.

LISTE des Viguiers d'Albi dont on a pu retrouver les noms, soit dans des documents particuliers, soit au moyen des procès-verbaux des États-diocésains.

1177. Raymond d'Hautpoul, viguier d'Albi.

1229. Pierre Leu donzel, viguier d'Albi. Guittard Golfier, lieutenant.

1277. Jean Bertrandi, bailli, viguier d'Albi.

1279. Elie de Juge, bailli, viguier d'Albi et d'Albigeois. 1304. Guillaume de Pesenchis, chevalier, viguier, idem.

1339. Jean Taosca, donzel, idem. 1349. Etienne de Guilairin, idem.

(1) Lettre de M. Raymond-Louis de Fonvieille, petit-fils de Mme de Saliés.

1371. Jean de Clergue, viguier d'Albi et d'Albigeois.

1378. Grégoire de Corbière, idem.

1406. Arnaud Serres, idem.

1485. Pierre Harpin, écuyer, idem.

1499. Jean d'Auriole, idem.

1533. Pierre Garegarus, écuyer, idem.

1560. De Blanquet, idem.

1570. Pierre de Fonvieille, Sr de Saliés et d'Orban, idem.

1618. Antoine de Fonvieille, Sr de Saussens, idem.

1623. Jean de Fonvieille, Sr de Maussans, idem.

1661. Antoine de Fonvieille, Sr de Saliés, Orban et Sequestre, idem.

1681. Jean-Louis de Janin, chevalier et Sr de Gabriac, idem.

1682. Bonnaventure de Ginolhac, Sr de Belbeze, idem.

1685. Jean de Metge, Sr de Labruguière, conseiller du roi, idem. 1703. Pierre de Massé, conseiller du roi, idem.

1724. Germain de Massé, conseiller du roi, idem.

1754. Jean-François de Valat, conseiller du roi, idem.

De 1770 jusqu'en 1789. François de Gorsse, conseiller du roi, idem.

DU POUVOIR ET DE L'ADMINISTRATION CONSULAIRES A ALBI.

Sous le régime des lois romaines, chaque ville des Gaules avait, pour son administration particulière, un corps ou collége municipal, composé des citoyens les plus riches et les plus recommandables. Deux magistrats en étaient les chefs : l'un d'eux rendait la justice, et l'autre avait la surveillance des édifices, des travaux publics et l'administration des finances. Au-dessous d'eux se trouvaient d'autres magistrats chargés de la police.

Cette organisation toute romaine poussa de profonde racines. Les chefs du clergé chrétien y furent admis et entrèrent en partage de l'autorité judiciaire. Elle s'affaiblit cependant sous les rois de la seconde race, mais ne fut pas entièrement anéantie, au moins dans la plupart des villes.

« AnteriorContinuar »