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On ignore l'époque précise à laquelle Albi commença à jouir d'une organisation municipale sagement conçue. Des renseignements contenus dans un vieux manuscrit déjà mentionné (1), font connaître que l'évêque Deodatus (2) accorda aux habitants, en 804, le privilège d'élire des consuls et des notaires. Mais ce fait n'est appuyé d'aucune preuve, et l'on est forcé de recourir aux documents authentiques que fournissent les archives de la mairie.

Tous les titres qu'elles possèdent sont postérieurs au 12me siècle. Ce qui pouvait exister avant cette époque ne consistait, sans doute, qu'en quelques transactions entre le vicomte et l'évêque, que celui-ci, devenu seigneur, n'eût plus aucun intérêt à conserver ou dont la perte peut aussi être attribuée à la coutume de piller la maison des évêques à leur mort. Probablement les archives du vicomte furent transférées à Beziers ou à Carcassonne, où il existait encore, en 1670, plusieurs pièces essentielles sur l'histoire d'Albi, ainsi que le prouvent les documents Nos 1 et 2, que nous sommes parvenus à découvrir.

Quoiqu'il en soit, à partir de 1220, une charte, qui ressemble moins à un concession otroyée par le pouvoir qu'à une convention entre les habitants et l'évêque, règle les principaux actes civils, détermine les peines pour délits et pour crimes, et confirme toutes les autres bonnes coutumes qui n'y sont pas rapportées. Dans cet accord, où le seigneur et le peuple traitent ensemble, Guillaume de Pierre promet solennellement aux consuls, qui figurent pour la première fois dans un acte public, de maintenir les franchises d'Albi. Elles sont aussitôt confirmées par les habitants et par les douze consuls assemblés. Mais il n'est encore nullement question du mode d'élection des consuls et de leurs conseillers.

Plus tard, en 1269, une transaction, approuvée par Jean de Sollié, archevêque de Bourges, métropolitain de l'évêché d'Albi, contient, indépendamment de diverses dispositions relatives aux crimes et délits, les formes à observer pour les élections des consuls,

(1) Le manuscrit original appartient à M. Gardés, d'Albi. (2) Ou Verdatus.

la nomination des notaires, des gardes forestiers, des crieurs publics, des portiers de la ville.

Cette charte, qui fait supposer des droits acquis, consacre le principe que le choix des officiers municipaux appartient aux habitants, qui, à leur tour, reconnaissent l'évêque pour leur seigneur. Elle porte en terme formels :

« Quand il s'agira d'élire les consuls et leurs conseillers, le jour étant fixé, les hommes de chaque gache (1) choisiront, suivant la coutume, deux barons prud'hommes pour consuls et deux autres pour conseillers. Les élus prêteront serment entre les mains de l'évêque de ne pas empiéter sur ses prérogatives, de maintenir intactes celles de l'église et de remplir fidèlement les devoirs de leur charge. >>

Ces dispositions générales furent suivies de réglements sur les formes à observer dans les élections. Ils sont d'un trop haut intérêt pour les négliger.

La ville d'Albi était divisée, en 1220, en six gaches ou quartiers; savoir: Verdusse, le Vigan, St.-Afric, St.-Etienne, Lascombes et Ste.-Martianne. Comme le porte l'article cité ci-dessus, chacune des six gaches avait deux consuls et autant de conseillers à élire. Il paraît que tous les habitants furent, dès le principe, appelés à exprimer leur vote, mais ce mode subit de nombreuses modifications, en 1402 (2). A cette époque, le nombre des consuls fut réduit à six et celui des conseillers porté à vingt-quatre. Il n'y eut plus que quinze électeurs par gache. Voici ce qui se pratiquait dans les assemblées électorales de ces temps reculés.

Chaque année, les consuls sortant d'exercice devaient, à une époque très-rapprochée de l'élection, convoquer à la maison commune tous les conseillers municipaux, dans le but de choisir pour chaque gache quatre habitants notables, réunissant, pour être élus consuls, toutes les conditions exigées par les coutumes de la ville. Les choix, tenus secrets jusqu'au jour de l'élection, étaient inscrits sur un billet cacheté et scellé du sceau municipal. On donnait à ce

(1) Gacha signifie guet ou garde. Dans chaque quartier il y avait une tour pour le guet; on l'appelait gacha. (2) Pièces justificatives N° 9.

bulletin le nom de Caserna. Si le consul et les conseillers d'un quartier ne pouvaient pas s'entendre pour le choix des candidats, le réglement autorisait les consuls et les conseillers des autres quartiers à les remplacer, et si de nouvelles difficultés surgissaient, l'évêque arrêtait la liste de présentation.

Immédiatement après cette opération, le consul et les conseillers élisaient pour leur quartier quinze hommes imposés à la taille connus pour leur probité et leur dévouement aux intérêts de la commune. On les prenait ordinairement parmi les gens de cour, les bourgeois, marchands, artisans et laboureurs. Ces électeurs, après avoir prêté, devant l'évêque ou ses vicaires généraux, le serment d'élire pour consul celui qu'ils croyaient le plus capable d'administrer la cité, en même-temps que le plus disposé à défendre ses intérêts, se réunissaient dans une salle du palais épiscopal, sans tumulte et sans bruit, pour procéder seuls et secrètement à l'élection. Le nom de celui qui obtenait le plus de suffrages devait être présenté à l'évêque ou à ses vicaires généraux qui confirmaient aussitôt l'opération.

En cas de désaccord ou de partage des suffrages exprimés, les consuls pouvaient voter pour l'un des candidats réunissant le plus grand nombre de voix.

Quant aux élections des conseillers, elles étaient faites par les consuls nouvellement élus, de concert avec leurs prédécesseurs et les conseillers sortant d'exercice. On devait les prendre parmi les quinze électeurs présents et autant que possible dans chaque classe de la population.

Ces formalités remplies, les consuls élus, en chaperon et en robe consulaire (1), se rendaient devant l'évêque pour prêter entre ses mains le serment requis. Là, découverts, un genou en terre et la main droite sur la croix, le te igitur ou l'évangile, ils prononcaient individuellement le serment suivant:

« Je......... consul de la cité d'Albi, promets et jure à vous, révé

(1) Les consuls avaient des robes mi-parties d'écarlate et de drap noir, doublées de satin blanc; le manteau comtal et le chaperon de la même couleur.

rend père en Dieu, Messire N......, évêque, de garder soigneusement vos droits, ceux de l'église et de la ville, de remplir avec fidélité les devoirs de ma charge et de ne jamais employer contre l'évêque ou son église aucun des fonds dont je pourrai disposer. >>

Un procès-verbal d'une élection consulaire au 13me siècle, pouvant exciter l'intérêt des lecteurs, trouvera place dans cette collection avec les chartes et coutumes sur les élections municipales.(1)

Des réglements prescrivaient de faire les élections en silence; l'intrigue en était interdite et toute fraude commise dans l'assemblée sévèrement punie. Les électeurs absens sans motifs légitimes, les consuls ou les conseillers qui n'acceptaient pas leur mandat pouvaient être exclus pendant cinq ans de toute fonction municipale, et si leur absence ou leur refus empêchaient l'élection d'avoir lieu ou nuisait aux affaires, ils étaient condamnés à une amende envers la ville.

Les consuls ne pouvaient être réélus que quatre ans après leur sortie d'exercice. Il leur était interdit de désigner au choix des électeurs pour leur succéder, ni leur fils, ni leur frère, ni aucun homme de leur maison.

Après leur serment, ces magistrats recevaient des mains de l'évêque les clés de la ville, et se transportaient immédiatement après dans la maison commune pour en prendre possession.

L'usage exigeait que le lendemain de la prestation de serment, ils se rendissent à l'église de Fargues, pour assister à l'office divin et se faire représenter la belle statue d'argent de Notre-Dame, placée sous leur sauvegarde, et qui a été conservée dans cette église jusqu'en 1793.

Le premier soin des consuls, à leur retour à la maison consulaire, était de s'occuper des affaires de leur charge. Ils procédaient à la création et institution de leurs officiers et serviteurs; se faisaient représenter l'inventaire des archives ainsi que les armes de guerre; visitaient les portes et les tours de la ville, et ordonnaient sans délai les réparations qu'il convenait d'y faire exécuter. En se retirant, (1) Pièces justificatives et documents No 10.

les consuls anciens adressaient à leurs successeurs un fort long discours qu'ils appelaient leur testament. Ils rendaient un compte exact de leur gestion, de la situation dans laquelle ils laissaient les affaires et, en exhortant leurs successeurs à vivre et à agir en parfaite union et en mutuelle dilection pour le bien du service et l'intérêt commun, ils appelaient leur attention sur les points les plus importants de l'administration, en leur traçant la règle de conduite à suivre. Les projets d'embellissement ne pouvaient être exécutés sans leur participation, et ils devaient tenir en bon état les murailles, portes et fossés de la ville.

Tout ce qui se rattache à la police rentrait dans leurs attributions. Rien n'était négligé. Ils veillaient au maintien de l'ordre, de la salubrité et de la sûreté publiques; leur surveillance s'étendait aux objets de consommation, aux poids publics, aux droits de mouture, etc. Des réglements qu'on a long-temps dédaigné de connaître et qui cependant renferment des principes d'une sagesse admirable, attestent leur prodigieuse activité dans les affaires urgentes et leur dévouement sans bornes à la chose publique. Il y aurait beaucoup à citer sur cette partie de l'administration consulaire, mais il convient de se renfermer dans de justes limites, afin que le cadre de l'ouvrage ne soit pas dépassé. (1).

Si les consuls déployaient de l'activité dans les affaires de police, ils savaient mettre une pieuse lenteur dans les délibérations relatives aux votes des subsides, aux contestations qui leur étaient soumises.

On sait qu'une part des pouvoirs judiciaires leur appartenait, conformément aux privilèges de la cité. Ils avaient à statuer sur toutes les contestations relatives aux bornes, stillicides, réglements de cours d'eau, usurpations sur la voie publique. Ils réprimaient le maraudage, la mendicité et intervenaient dans les transactions des particuliers, pour en garantir l'exécution. Des amendes qu'ils prononçaient, la moitié appartenait à l'évêque et l'autre moitié à la ville. L'un d'entr'eux devait faire partie du jury appelé à statuer sur le sort des accusés pour crimes. Si, contrairement aux privilèges(2), (1) Pièces justificatives No 16.

(2) Pièces justificatives N° 17.

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