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Après la mort du comte Alphonse (1) ce lieu ainsi que ses dépendances passèrent dans le domaine de la couronne, et les habitans ne reconnurent pour seigneur que le roi de France (2).

La navigation du Tarn (3) déjà établie jusqu'à Gaillac, au 13o siècle, permettait aux habitans de cette dernière ville ainsi qu'à ceux de Lisle et de Rabastens, de faire transporter par eau, au port de Bordeaux, les vins du pays qu'on appelait vins de marque, parce que les tonnaux qui les contenaient devaient, conformément aux statuts, être marqués du sceau de la ville d'où ils partaient. En 1286, Edouard, Roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, approuva à Bordeaux, la transaction passée entre Jean de Grolh, son sénéchal, pour le duché d'Aquitaine, et les consuls des villes de Toulouse, Moissac, Rabastens, Montauban, Gaillac, Lisle et Villemur. Par cet acte, le droit exigé pour ce qu'on appelait la grande coutume des vins, était de cinq sous quatre deniers tournois, pour un tonneau arrivant à Bordeaux, de la moitié de ce taux pour la coutume connue sous le nom d'Yssac, et de deux deniers et obole pour celle dite de Royan. Nous avons retrouvé aussi des lettres de Louis XI, datées d'Orléans, du mois de décembre 1466, qui maintiennent les et mortalitatum preteritarum plagas pestiferas, ville, loca depopulata fuissent ac etiam de medietate focorum qui antiquitus iu eisdem esse solebant et amplius diminuta..... ob sincere dilectionis fervorem quem erga regnum nostrum et predecessores nostros semper habuisse et habere dignoscuntur..... quum repertum fuerit per M. de Fonte judicem Albigesii, quod in villa Insule judicature Albigesii sunt de presenti centum tres foci; Nos volentes habitatores Insule a gravaminibus et oppressionibus indebitis preservari, concedimus quod ipsi pro subsidiis et juvaminibus regiis, quotiens et quando levabnntur, occasione guerrarum vel aliter solvent de presenti pro cetum trium focorum numero, unum Francum auri pro foco. (Janvier 1374.) Vers la même époque (1400), la claverie de Lisle était composée des paroisses suivantes : de Insula, Sancti Georgii, de Bieunan, de Sanis, de Vernheria, de Monteacuto, Sancti Vincentii de Albar, sancti Salvii de Cotenchiis, de Avenchiis, de Maseraco, de Ladinhio, de Tauro. (1) Jeanne, comtesse de Toulouse, dans son testament du 23 juin 1270, légue à un monastère de filles de l'ordre de Citeaux, dont elle ordonne la fondation dans ses domaines, la ville de Lisle en albigeois et ses dépendances, avec la juridiction et les droits dont elle y jouissait.

(2) Dans tous leurs actes les rois de France prenaient toujours le titre de rois des Français, tandis que dans les anciens documens consulaires et autres de la province de Languedoc, ils sont désignés par le titre de rois de France.

(3) Lo peatge de l'aiga: Lo vi de la Yla e daqui en sus que passa a sanh Jori, deu pagar de peatge al Rei XII deniers tor, Item paga al Rey et an Pelfort de Rabastens, senhor de Campanhac, per lo travers de l'aitga de Rabastens, etc. (Archives de la mairie de Rabastens.)

habitans de Rabastens et de Lisle dans leurs franchises pour la vente et le transport de leurs vins à Bordeaux ou autres lieux (1). Le Roi Jean leur avait accordé aussi, en 1352, sur la proposition de Bertrand, prieur de St.-Martin, réformateur général en Languedoc, et de Gérard de Montfaucon, sénéchal de Toulouse, avec la confirmation de leurs coutumes, le privilége de ne pouvoir jamais être aliénés du domaine de la couronne. Le château royal de Belbèze, compris dans la juridiction de Lisle, était alors régi, d'après le même acte, par le sénéchal.

Quoique entourée de murailles et de fossés, cette ville fut plusieurs fois occupée par des compagnies de routiers qui parcouraient les campagnes, pillant et incendiant les habitations. Nous avons la preuve qu'en 1440, des chefs de ces compagnies : Le bâtard de Béarn, Salazar et autres s'emparèrent de Lisle et qu'ils s'y accordèrent, la même année, avec le vicomte de Lomagne, lui promettant de se réunir aux armées du Roi. Près de cent ans plus tard (1537), des troupes conduites par le capitaine Montluc, et composées de Périgordains, de Gascons et de Saintongeois, prirent cette ville d'assaut et y commirent d'affreux ravages. Les maisons et les églises furent pillées et les titres de sa fondation brûlés sur la place publique. (2) Une attestation des consuls, sous la date du 29 (1) Voir les documens.

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(Extrait d'un registre écrit en 1537, et déposé aux archives de l'Hôtel de Ville d'Albi.)

juillet 1569, fait connaître que les religionnaires s'étaient emparés du couvent des Augustins en l'année 1561, et que les titres de cet établissement avaient été enlevés par des moines qui avaient adopté les nouvelles doctrines religieuses. Une garnison de 300 hommes occupa cette place pendant plusieurs années; mais le 23 mai 1577, le capitaine Meric, sachant qu'elle était mal gardée, s'y achemina avec des troupes qu'il avait ramassées du côté de Castres, et s'en rendit maître durant la nuit, après avoir enfoncé une des portes, au moyen d'un pétard (1). Le 31 mai 1578, les catholiques la reprirent; le ministre protestant et quarante quatre autres religionnaires y furent tués. L'année suivante 1579, la chambre de l'édit ou mi-partie de Languedoc y fut établie. Les présidens et les conseillers y arrivèrent le 12 juin; le 22 du même mois, on en fit l'ouverture et elle y subsista jusqu'au 1er avril 1585. Elle était composée d'un président, huit conseillers et un procureur général catholiques, pris du parlement de Toulouse, d'un président, huit conseillers et un avocat du Roi, religionnaires (2). La chambre tint d'abord ses séances au château de Belbèze, mais peu de temps après son installation, la ville lui fournit une autre maison qui porte encore le nom de palais. On rapporte qu'à cause des désordres qui avaient lieu dans les campagnes, les conseillers catholiques faisaient euxmêmes la ronde de nuit, et qu'ils contraignirent les habitans à entretenir pour la sûreté de leurs personnes une compagnie de 30 soldats, recevant chacun un écu par mois. Cette cour de justice

(1) Le capitaine Méric qui avait reconnu Lisle sur le Tarn, ayant ramassé des troupes du côté de Castres, sous la conduite de Jacques et Antoine Mascarenc, s'y achemina le 23 mai, pour faire jouer le premier pétard qu'on mit en œuvre en cette province où on n'avait ouï parler de cet instrument, qui est un grand abrégé de canons et échelles pour prendre les villes et un réveille matin diabolique. Mais il se trouva en cette peine qu'étant arrivé sur le lieu, toutes les mèches furent éteintes par la pluie. Il y mit le feu par le moyen d'un poitrinal, qui le fit prendre avec tel effet que la porte fut enfoncée. Ils s'en rendirent maitres avec peu de combat. (Mémoires inédits de Gaches.)

(2) Pour les catholiques M. le président de St.-Jean; conseillers MM. d'Ouvrier, de St.-Paul, Damade, Fraissinet, de Banton, de Mainial, de Vigniaux, de Rudelle; procureurgénéral : M. d'Avérane. Pour ceux de la religion: M. le président de Clausonne; conseillers : MM. d'Arvieux, d'Auros, de Vignoles, de Scorbiac, de Vanides, de Molinier, Dufaure, de Lamer; avocal-géneral: M. de Bonnencontre. (Memes Mémoires.)

souveraine y fut rétablie par Louis XIII, le 15 mai 1623. Les lettres de provision en furent remises, le 23, aux députés du parlement de Toulouse. (1) Elles fixaient la première séance au 1er juillet, et portaient que le président catholique, M. Camynade, aurait la préséance sur le président protestant, M. de Vignoles. Mais les protestans informés à temps par M. d'Espérandieu de la décision royale, firent des démarches pour qu'elle n'eut point d'effet. Des consuls de Castres et M. Dufaure, conseiller, envoyés en députation et secondés par des amis de M. le duc de Rohan, obtinrent l'annullation de cette résolution. Le 4 juillet la chambre fut transférée à Béziers. Le président Camynade ainsi que les conseillers catholiques se rendirent à Lisle le jour assigné, ils n'en repartirent que le 27 juillet. Les consuls de Lisle (2) firent de vains efforts pour obtenir (1) M. de St.-Géry, conseiller du Roi, dont le crédit à la cour était très grand, seconda puissamment M. le premier président Le Masuyer, qui rendit compte ainsi qu'on le verra par la lettre ci-après, du résultat de ses soins. La correspondance des consuls nous apprend aussi que MM. de Cledier et de Boisset, habitans de Lisle, furent envoyés à Paris pour faire des démarches dans le but d'obtenir la conservation de la chambre de l'édit. L'année suivante, M. Turle, licencié en droit, se rendit aux états-généraux, pour obtenir le remboursement des dépenses faites par la ville.

A Messeigneurs de la cour du parlement de Toulouse.
Messeigneurs,

Je ne peux surseoir ung moment que je ne vous rende compte du succès de nos poursuites. Présentement donc nous avons aprins de Mgrs. le chancelier, cardinal de la Rochefoucauld, marquis de la Vieuville et d'Herbaud, chascun séparement, la résolution qui a esté prinse en conseil du Roy de restablir la chambre de l'édit de son parlement de Thoulouse en la ville de Lisle d'Albigeois. Ou a cru que l'état présent de la ville de Castres, celui des mauvais traitemens du passé, le peu de pouvoir que Messieurs les presidents et conseillers de la religion prétendue reformée y avaient eu d'y servir utilement le Roy, voire les assurances qu'ils ont données quils estoient pour y courir hasard de leur vie, si dans les derniers moments ils eussent executé les commandements du Roy, et fait ce que l'ordre de la justice et bien de son service leur prescrivaient, la sureté de vos personnes, de la noblesse catholique qui fait ses insistances et qui n'oserait sy exposer, lorsque la nécessité de leurs personnes les obligerait dy aller, estoient de justes subjets pour induire le Roy par provisions de les remettre audit lieu de Lisle, où autrefois avait esté establie la dite chambre. Il y a plusieurs autres raisons, mais celle-ci grandement considérable que la chambre estant establie pour le ciment de la paix il n'est juste qu'elle soit en lieu où la liberté de la justice souveraine soit arrestée par considération tirannique de ceulx qui se pourroient soulever. Nous allons visiter ces Messieurs, remercier le Roy pour l'exécution de ses commandements, espérant par le subséquent corrier vous en envoie les exécutions. Je demeurerai, Messeigneurs, vostre, etc. LE MASUYER.

A Fontainebleau, à la haste, ce 15 mai le malin.

(2) 1623. Consuls MM. de Boisset, Vaissete, (La famille de l'illustre historiographe du Languedoc, est originaire de Lisle), Cassanhol, Duboys.

le remboursement de dépenses considérables que la ville avait du supporter pour recevoir la chambre de l'édit.

C'est dans les archives de l'hôtel de ville de Lisle que nous avons découvert des documens sur le siége de Salvagnac, le combat de Villemur, la destruction du fort de Négrepelisse, la démolition du château de Lapérière (1), enfin, sur divers combats qui eurent lieu dans le voisinage de cette ville, entre les catholiques et les religionnaires (2). Des lettres de M. Julien de Médicis, évêque d'Albi, prouvent l'importance de cette place au 16° siècle et l'intérêt qu'il mettait à sa conservation (3). Des compagnies d'hommes d'armes (4) y tinrent long-temps garnison et la ville se vit obligée à des frais dont

(1) 1588. On trouve dans les archives de Lisle, à cette date : « Mgr. le maréchal de Joyeuse et M. le premier président Duranti, nous prescrivent de démolir les murailles et combler les fossés de la maison du sieur de la Peyrière, de laquelle tout le pays a reçu beaucoup d'incommodités et d'où il pourrait en advenir davantage. »

(2) Au mois de mars 1588 deux compagnies de Lisle commandées par les capitaines Moisset et Savinhac, attaquèrent les religionnaires conduits par le capitaine Dupuy et les défirent. Le capitaine Dupuy fut fait prisonnier et amené à Lisle. (Archives de Lisle.)

Nous trouvons dans un ouvrage, imprimé à Leide, en 1622, et intitulé: Histoire particulière des plus mémorables choses qui se sont passées au siége de Montauban.

<< M. le duc de Rohan, ayant quitté Montauban, le 11 juillet 1620, pour aller ramasser les >> forces de l'Albigeois, il va passer le Tarn de nuit entre Lisle et Rabastens, ceux de Lisle en » ayant le vent coupent les chemins, embarrassent les gués et le saluent en deux ou trois lieux » sur son passage, de quelques mousquetades. Il franchit ces difficultés sans autre dommage que >> la blessure de Duboys, capitaine de ses gardes, et d'un mulet demeuré dans l'eau. »

(3) A Messieurs les consuls de Lisle.

Messieurs, j'ay advis de bonne part que les ennemys ont une grande entreprise sur une des melheures villes de ce diocèse où ils ont de l'intelligence. Ils s'esforceront de l'exécuter, et pource qu'ils pourront aussy tost s'adresser à vous qu'à une aultre, je vous ay voulu escripre la présente et vous prier incessamment de pourvoir diligemment à votre conservation et ne mettés de nonchalance en mien advis; vous asseurant que je l'ay de si bon lien que vous et tous les autres lieux importans de mondit diocèse avez occasion de travailler plus que jamays pour interrompre ce desseing. Espérant que fairés vostre debvoir, après avoir prié Dieu de vous tenir en sa sainte garde je demeure, Mgrs les consuls, vostre bien bon amy. L'arciv. de Medicis Ves. d'Alby. 5 décembre 1587.

(4) Parmi les hommes d'armes de la compagnie de M. de Cournusson (nous copions fidèlement sa signature) figurent MM. de Planesses, de Fénélon, de Roumegous, de la Rafine, de Lalande, de Gabriac, de St.-Alauze, de Peyrole, de Caylus, de Metge, de Cunhac, de Montpinier, le capitaine Laforcade, le capitaine Monestiés, etc. Cette compagnie séjourna à Lisle, en 1586, se rendant au siége de Salvagnac. (Même dépôt).

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