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Sur deux tréteaux devant l'autel, on tendait un drap noir; le lépreux se tenait dessous, agenouillé et y entendait dévotement la messe; le prêtre prenant un peu de terre dans son manteau, en jetait sur l'un des pieds du lépreux, puis le mettait hors de l'église en lui disant : je te défends que tu n'entres en l'église ni en compagnie de gens, etc. Il le conduisait aussitôt à sa cellule.

GUERRE DES ANGLAIS.

Après la guerre des Albigeois, l'une des plus cruelles et des plus barbares qui aient affligé l'humanité; après les événements désastreux qu'elle entraîna et qui ébranlèrent le Midi durant plus d'un siècle, de nouvelles calamités vinrent encore désoler le pays: la disette, la peste, les exactions les plus intolérables le réduisirent à une profonde misère.

Les agents du Roi pressuraient le peuple; des ecclésiastiques, des bourgeois, s'appuyant sur des privilèges, refusaient de payer l'impôt; les communes étaient taillées sans merci et chaque jour voyait naître des impôts nouveaux qui augmentaient les souffrances: tantôt c'était l'apanage d'un Prince, un emprunt pour la rançon d'un Roi prisonnier, tantôt des subsides pour les guerres, l'évacuation de forts occupés par l'ennemi ou pour l'entretien des troupes qui passaient et qui se croisaient dans tous les sens. Le Roi Philippe de Valois réclame une aide pour la chevalerie de Jean, son fils, duc de Normandie, ainsi que pour le mariage de sa fille Marie: aussitôt une imposition de 20 francs par feu est ordonnée par le sénéchal de Carcassonne. Les consuls d'Albi se plaignent: ils alléguent leur état de détresse et les nombreuses dépenses auxquelles ils ont à satisfaire pour leur garnison, la construction de leurs remparts, les droits de gabelle, de fiefs, arrière-fiefs et des charges innombrables. Les cahiers de leurs délibérations sont pleins de doléances, de suppliques au Roi, aux Sénéchaux, aux Gouverneurs de la Province : « Les froids, disent-ils, ont détruit nos vignes, nous n'avons plus des bras à notre service pour cultiver les champs, la population d'Albi est considérablement réduite; plusieurs habitants se sont expatriés et d'autres songent aussi

à aller chercher ailleurs plus d'avantages et de sécurité. Vous nous demandez de l'argent et nous aurions besoin que vous vinsiez à notre secours, car nous n'avons pas de quoi suffire à notre subsistance. >> On recevait ces plaintes, mais rarement les vœux des consuls et des habitants étaient exaucés. (1)

A ces maux, il faut en ajouter d'autres, occasionnés par les guerres des Anglais, les courses des Routiers, des guerres intestines entre l'Évêque et le seigneur de Lescure, le chapitre de Ste.-Cécile et les gens du commandeur de Rayssac (2) de l'ordre de St.-Jean de Jérusalem.

Le débarquement des Anglais avait jeté la consternation dans Albi. On abandonnait les affaires pour ne s'occuper que de la fortification de la ville; on s'imposait des sacrifices considérables et tous les habitants valides veillaient à sa garde, prêts à se défendre avec courage. Jean, comte d'Armagnac, l'Évêque Hugues d'Albert, le Sénéchal de Carcassonne, Bertrand de Piberac, prieur de St.-Martindes-Champs et réformateur général de la province de Languedoc, accordèrent des exemptions de tailles et de subsides pour aider à l'exécution de ces travaux. Des commissaires du Sénéchal de Carcassonne, Amalric de Voisins, Bernard Raymond de Durfort, Guilhaume de Villespassans, seigneur de St.-Amancet, Bernard de Bonnes, co-seigneur d'Hautpoul, furent envoyés pour faire fortifier toutes les places qui pouvaient être mises en état de défense, abandonner les autres et inviter les habitants à se retirer dans les lieux fortifiés. Les consuls s'empressèrent d'offrir un asile à tous ceux qui, trop exposés aux attaques de l'ennemi, voudraient se réfugier à Albi. Des Officiers visitèrent les villages voisins, y placèrent des troupes ou les firent évacuer. Les procès-verbaux des visites aux lieux de Maussans et des Avalats se trouvent à la mairie; ils sont assez importants pour être mis en lumière (3).

Toutes ces précautions étaient urgentes; le prince de Galles, à la

(1) Documents et pièces justificatives No 68.

(2) La maison de Rayssac subsiste encore à une lieue à l'Est d'Albi.

(3) Documents et pièces justificatives No 69.

tête d'une petite armée, composée d'Anglais et de brigands loués dans le Midi, ravageait le Languedoc; ses soldats pillaient et brûlaient. Favorisés par plusieurs gentilhommes de la contrée, ils s'emparèrent, dans l'Albigeois, des châteaux de Curvalle, Penne, Paulin, Thuriés, Jannes, Rosières, Lasplanques et Combefa, d'où ils se répandaient dans le pays pour détruire ou pour emporter les récoltes. Les communes de l'Albigeois donnèrent des sommes considérables pour se rédimer de leurs courses et obtenir l'évacuation de ces forts (1).

Bertrand de Lautar, surnommé le Pauco, se disant au service du Roi et du comte de Foix, occupait le fort de Tersac situé à 5 kilomètres environ d'Albi. Sa compagnie formée de Routiers, se livrait au pillage, rançonnait les habitants des campagnes et était secondée dans ses courses par Bertrand de Campagnac et par le Batard de Corn, qui avaient embrassé le parti des Anglais. Plusieurs fois leurs soldats furent reçus dans Albi et on leur donna de l'argent et des vivres.

Dans une supplique adressée au Roi, les habitants, pour s'excuser de leur conduite dans cette circonstance, disent qu'ils n'ont fourni de secours à Bertrand de Lautar que pour préserver de tout ravage leurs vignes et leurs champs, que les Anglais viennent jusqu'à leurs portes brûler les récoltes, et qu'ils n'ont pas cru favoriser un ennemi en donnant des secours au Pauco. J'ai sous les yeux les lettres de grâce accordées par le roi Charles VI en 1385 (2).

Toutes les pièces qui se rapportent à ces événements seront fidèlement transcrites; on n'oubliera pas non plus celles relatives à la captivité du Roi Jean et aux sacrifices que la ville d'Albi s'imposa pour sa rançon; des lettres de Charles VII, du comte d'Armagnac, du vicomte de Lomagne et plusieurs renseignements utiles sur ces guerres désastreuses. Les actes concernant les Routiers, les débats entre l'Évêque d'Albi et le Seigneur de Lescure, le Chapitre de Ste.-Cécile et le Commandeur de Rayssac, seront publiés aussi en leur rang.

(1) Documents et pièces justificatives Nos 70 et 71. (2) Documents et pièces justificatives No 72.

Un vieux manuscrit déjà cité fait connaitre qu'en 1422 la ville d'Albi fut assiégée par les Anglais. « Ils l'attaquèrent, y est-il dit, de deux côtés à Verdusse, auquel endroit leurs tranchées paraissent encore (1629) à Puymirol, et du côté du Castelviel, où ils s'emparèrent de la forteresse, mais Dieu aidant, ils furent repoussés sur tous les points. En abandonnant le château, ils y mirent le feu (1). »

En levant le siège d'Albi, les Anglais ne quittèrent pas le pays; ils y firent encore des excursions pendant plusieurs années. Un registre de la mairie fait connaître qu'en 1427, ils s'emparèrent du château de Combefa. Ce même registre contient, à la page 154, sous la date de 1428 (1429), une partie de l'histoire de Jeanne d'Ark et ce qu'elle entreprit pour faire lever le siège d'Orléans. On verra avec intérêt ce récit qui est écrit en langue romane et par ordre des consuls. DÉTAILS SUR DIVERS ÉVÉNEMENTS CONTENUS DANS LES CARTULAIRES DE LA MAIRIE D'ALBI.

Ce n'est pas en vain que l'on fouille dans les vieilles archives de la mairie d'Albi. Riches en documents de toute espèce, elles offrent une ample moisson à celui qui se présente pour la cueillir. Les papiers ne sont plus aujourd'hui entassés confusément dans des chambres mal fermées; placés au contraire dans un local convenable, ils ont reçu un premier classement général et il y a lieu d'espérer que dans peu de temps, ils seront disposés de manière à rendre les recherches encore plus faciles à tous ceux qui s'occupent de l'histoire du pays.

A part les actes originaux ou les copies authentiques que la mairie possède sur des parchemins et des papiers détachés, on y trouve aussi un grand nombre de registres, de comptes, de délibérations remontant à une époque très-reculée et renfermant des renseignements d'une grande valeur. Plusieurs cartulaires (2) où ont été transcrits

(1) Note. M. Albert Dupuy, consul d'Albi, médecin de Louis XII et de François Ier, et auquel le Castelviel fut aliéné, fit rebatir le château au commencement du 16me siècle. (Registre de la mairie d'Albi.)

(2) Un des cartulaires était plus spécialement consacré à l'inscription des noms des consuls élus annuellement, et à recevoir, comme nous l'avons déjà dit, leurs armes et quelquefois leurs por

non-seulement les coutumes et privilèges de la ville, mais encore des réglements de police, de salubrité, des mesures contre la peste, sur l'exercice de l'art de guérir et de la pharmacie, des procès, des transactions sur les tailles, les dîmes, les préséances, contiennent en outre des correspondances, des procès-verbaux sur des événements généraux ou particuliers. Il importait d'assurer la conservation de ces titres.

C'était une louable coutume que de consigner dans les annales consulaires tout ce qui pouvait exciter l'intérêt ou éveiller l'attention des siècles à venir. Des détails sur les années d'abondance ou de disette, de sécheresse ou de froid excessif, les crues et les débordements de rivières, les attaques dirigées contre la ville par les Huguenots, le passage et le séjour des troupes, les constructions d'établissements utiles, églises, hôpitaux, ponts, fontaines, y sont soigneusement rapportés avec des notes sur la naissance ou la mort des Princes, sur le tiers-état, les corporations d'ouvriers, ainsi que sur les faits dont le souvenir paraissait aux consuls digne d'être perpétué.

Dans quelques-uns de ces volumes sont transcrits des détails sur les guerres du Roussillon, sur la conquête de Naples, etc.; des procès-verbaux d'entrée à Albi de Rois, de Princes et de grands personnages, des lettres annonçant leur naissance ou leur mort. Plusieurs de ces dernières pièces, insignifiantes en apparence, suggèrent cependant à l'observateur des indications utiles. S'agit-il de la mort d'un Prince ou d'un Roi qui ait accablé le peuple d'impôts? les consuls se bornent à consigner la date de l'événement en ajoutant: tel prince alla de vie à trépas; Dieu lui fasse merci. Si au contraire il a emporté en mourant les regrets de la nation, ce sont des éloges pompeux ou de longs récits des honneurs funèbres rendus à sa mémoire. Il sera sans doute agréable au lecteur de voir ici quelquesuns de ces renseignements.

traits. Les miniatures consulaires qui existent encore pour les années 1648—1654 et 1661 sont celles de MM. Bernard da Solier, A. Antoine Martin, médecin, Jean Maillard, bourgeois, Guilhaume Carrier, marchand, Vincent Cathala, marchand, Salvi Solier, Antoine Chevalier, bourgeois, Pierre Durand, bourgeois, Jean Lebrun, écuyer, Jean Pelatier, bourgeois, Guilhaume Gardés bourgeois, Jean Roux, bourgeois, Guilhaume Favier et Pierre Mary, marchands.

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