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diligence à préparer son entrée, et on ouvrit la porte du Vigan qui était demeurée fermée pendant les troubles de religion.

Les hommages que le cardinal de Richelieu recevait en son chemin, de toutes les villes, purent faire douter, dit M. A. Bazin (1), si ce n'était pas le Roi lui-même qui traversait la France pour aller se reposer de ses victoires.

A Albi on ne négligea rien pour bien accueillir un tel hôte. Des arcs de triomphe furent dressés et enrichis des armes du Roi, du cardinal, du duc de Montmorency, de M. Delbène, évêque, et de celles de la ville. On y plaça plusieurs drapeaux aux armes de France. Les canons, tirés de l'arsenal, furent rangés sur le boulevard du Vigan.

M. l'évêque Delbène, M. de la Vrillière de Phélypeaux, secrétaire d'état, M. l'évêque de St.-Flour et quelques autres personnages, précédèrent d'un jour le cardinal de Richelieu, qui n'arriva dans cette ville que le 9 du même mois, entre six et sept heures du soir.

Les consuls allèrent le saluer au-delà de la Croix-Verte, le haranguèrent et lui présentèrent les clés d'Albi, argentées et attachées à un cordon de soie rouge et blanche. Le cardinal traversa la ville en litière, au milieu des acclamations d'une population nombreuse et entouré des consuls qui l'accompagnèrent, à cheval, jusqu'à l'évêché.

A sa suite venaient: M. de Montmorency et son train;

M. le maréchal de Marillac;

M. le marquis d'Effiat, surintendant des finances;

M. de la Vrillière de Phélypeaux;

M.ST le nonce du Pape, archevêque de Patras ;

M.gr l'archevêque de Bordeaux;

MM.grs les évêques de Valence, d'Alet, de St.-Flour, de Vabre, de Pamiers, de Mende.

Les jours suivants arrivèrent à Albi MM. l'ambassadeur d'Espagne, le comte d'Aubijoux, les marquis d'Ambres et d'Arpajon, le premier

(1) Histoire de France, sous Louis XIII, par A. Bazin.

président du parlement de Toulouse, le président de Calvière et le procureur général du Roi.

Le 12, le maréchal de Bassompierre, accompagné de M. de Biron, lui amena les députés de Montauban qui venaient lui donner l'assurance qu'ils étaient prêts à le recevoir; le cardinal leur promit sa présence et celle de toute l'armée.

Lorsqu'il se rendit à Ste.-Cécile pour célébrer la messe, le duc de Montmorency, qui était à sa droite, portait d'une main le chapeau rouge de cardinal et de l'autre un parasol pour le garantir de l'ardeur excessive du soleil. Arrivé dans l'intérieur de la basilique, il en admira long-temps la belle architecture, et ne pouvant croire que le jubé, dont la magnificence étonne l'imagination, fut construit en pierre, il se fit donner une échelle, et montant quelques degrés, il racla avec un couteau pour s'assurer si ces légers clochetons, ces feuillages gracieux aussi bien découpés que pourraient l'être de simples feuilles de carton, n'étaient pas en plâtre; il fut convaincu du contraire, et il annonça le projet de faire construire dans son hôtel, à Paris, une chapelle d'après le plan du chœur de Ste.-Cécile. Il demanda aussi à voir le portrait du cardinal Louis d'Amboise, sous l'épiscopat duquel cet admirable travail avait été exécuté. On l'obtint de M. d'Aubijoux, seigneur de Castelnau et de Graulhet, qui consentit volontiers à lui en faire don.

D'après l'auteur du manuscrit d'où nous avons extrait ces dernières lignes, le cardinal, dans l'enthousiasme que lui inspirait le chefd'œuvre qu'il venait d'examiner, et en contemplant la tête de M. d'Amboise, se serait écrié (1): Il eût mérité la couronne immortelle, s'il n'eut ambitionné la thiare. Trompé par la similitude de nom, le cardinal de Richelieu confondait Louis d'Amboise, évêque d'Albi, avec son oncle George d'Amboise, premier ministre de Louis XII, qui avait eu l'ambition d'être Pape.

En allant à Montauban, où il n'entra que le 20 août, le cardinal de Richelieu s'arrêta au château de St.-Géry, entre Lisle et Rabastens. Il y fut splendidement reçu par le propriétaire, M. de St.-Géry, qu'il (1) Immortalem meruisset coronam, nisi triplicem ambiisset.

traitait fort amicalement. Il visita avec intérêt le cabinet de curiosités que possédait celui-ci, et remarqua dans une galerie de tableaux un très-beau portrait d'Erasme qui frappa son œil observateur. Au moment où il allait monter en voiture, M. de St.-Géry lui dit qu'il avait oublié une chose à laquelle il paraissait tenir et lui demanda la permission d'aller la lui chercher. Il revint bientôt après, avec le portrait d'Erasme qu'il le pria d'accepter. Cette politesse fit le plus grand plaisir au cardinal.

Le 22 août, il quitta Montauban et repassa par l'Albigeois, le Rouergue et l'Auvergne pour aller coucher à Combefa, où l'évêque, M. Delbène, le reçut avec toute sa suite de la manière la plus splendide.

Le cardinal rétablit l'évêque Anne de Murviel, à Montauban. Quelques années après il écrivait à ce prélat les lettres suivantes dont des copies ont été découvertes à Albi.

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Lettres du cardinal de Richelieu à Anne de Murviel, évêque de Montauban. 1634.

PREMIÈRE LETTRE.

Ayant été rapporté au Roi qu'il ne se fait aucune fonction épiscopale en votre diocèse, Sa majesté ma commandé de vous en avertir afin que, rentrant en vousmême par la considération de ce à quoi vous êtes obligé par la charge qu'il a plu à Dieu de vous commettre, vous vous en acquittiez avec tant de soin à l'avenir que vos actions réparent les défauts du passé. Je me promets que vous vous servirez utilement de l'advis que je vous donne parce qu'en le négligeant, Sa Majesté, par sa piété singulière, se sentirait obligée d'y pourvoir par les voies que sa prudence lui ferait juger les plus convenables à cette fin.

« Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Monsieur l'Évêque, en sa sainte et digne garde. »

a

« Signé le cardinal, duc de RICHELIEU. »

DEUXIÈME LETTRE.

Si j'ai été étonné par la lettre que vous m'avez écrite que vous refusiez le bien que le Roy vous veut faire et vous opposer à celui qu'on veut faire aux peuples qui sont sous votre charge, je l'ai été encore davantage des raisons que vous apportez pour vous en dispenser. Jamais on n'a pensé d'établir la polygamie en France,

mais lorsqu'un mari y est impuissant on en donne un autre à la femme qui a été premièrement trompée; ainsi qu'une mitre ne peut suffire pour deux têtes, aussi a-t-elle nécessairement besoin d'en avoir une. Ce qui a fait que le Roi a été contraint d'ordonner à M. Bertier de porter la sienne à Montauban, afin que votre chaire n'en fut pas tout à fait destituée. Il en est de même des soleils, le monde qui n'en peut avoir deux ne serait pas monde s'il n'en avait un. Il est vrai que les indispositions des Évêques sont les principaux fondemens des coadjutoreries, mais ce ne sont pas toujours, sans doute, celles du corps. Je me suis extrêmement réjoui quand j'ai vu par votre lettre que vous vous souvenez de votre ancienne philosophie qui vous a appris que deux contraires ne peuvent pas demeurer en un même sujet, puisque cette pensée m'a fait croire d'abord qu'il n'y avait plus d'huguenots à Montauban, ne voyant pas que la loi de Dieu vous permette de tenir autres personnes vous être contraires que les hérétiques de son église. Mais ma joie a été bientôt rabattue quand j'ai considéré qu'il y avait bien plus lieu de craindre qu'il n'y eût pas d'Évêque, puisque l'hérésie y a tant fleuri. Pour conclusion, Monsieur, la raison veut que vous ayez un coadjuteur qui vous aide à faire votre charge, puisque vous n'êtes pas en état de la faire seul. Le Roi vous le commande, je vous en conjure, et vous assure que suivant les commandemens de Sa Majesté je vous serai toujours contraire jusqu'à ce que vous ayez satisfait à une affaire comme celle-là, qu'elle ne désire que pour la gloire de Dieu, l'advantage de l'église et la décharge de sa conscience et de la vôtre.

« Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Monsieur l'Évêque, en sa sainte et digne garde. »

Signé le cardinal, duc de RICHELIEU. »

MONUMENTS.

Les archives anciennes de la Préfecture du Tarn possèdent sur les abbayes, les monastères et les corporations religieuses, de nombreux documents que le temps et les hommes ont épargnés et dans lesquels il faut aller chercher l'origine des monuments religieux de l'Albigeois. Je présenterai successivement les titres qu'elles renferment. Ceux relatifs à l'église et au chapitre de Ste.-Cécile sont considérables. Ils fourniront toutes les indications nécessaires pour décrire ce monument d'une manière complète (1).

(1) Je réserve cette tâche pour un autre moment et pour un autre ouvrage.

ABBAYE DE ST.-SALVI.

St.-Salvi, élevé à l'épiscopat par ses vertus et ses talents, nâquit à Albi d'une famille distinguée. Plusieurs traits de sa vie ont été racontés par Grégoire de Tours, son ami et son contemporain (1). Un manuscrit dont l'écriture appartient au 13me siècle et qui était la propriété du couvent des frères prêcheurs d'Albi, contient, une intéressante notice sur la vie de ce prélat. Je l'ai transcrite avec un soin scrupuleux (2).

On n'est pas d'accord sur l'emplacement qu'occupa l'Abbaye de St.-Salvi, fondée, suivant Dom Vaissete, vers la fin du 6me siècle, après que son saint Patron y eut été inhumé. Mais comme il ne s'agit ici que d'appeler l'attention sur ce qui existe, il convient de s'en tenir aux preuves historiques propres à fixer sur l'époque de la construction de ce monument.

En 942, Raimond et Aiméric donnent à l'évêque Miron et à l'abbé Gausbert pour y construire une Église en l'honneur de St.-Salvi, le plateau où elle a été bâtie. D'après cet acte, le terrain concédé s'étendait, au midi et à l'est, jusqu'au bas du monticule; à l'ouest, il était borné par une propriété privée, et au nord par la paroisse de Ste.-Martiane.

C'est en effet au milieu du 10me siècle que dût être construite l'abbaye de St.-Salvi; la partie d'une ancienne Église qui subsiste encore au midi de ce bâtiment et qu'on appelait la chapelle de St.Augustin, parait appartenir à une époque plus reculée. Des clercs la desservaient alors sous la direction d'un Abbé, et ce ne fut qu'au commencement du 11me siècle qu'elle n'eût plus que des prévôts.

L'abbaye de St.-Salvi avait déjà au 11me siècle de grands revenus dont l'avaient dotée plusieurs Comtes et Seigneurs. En 1035, on voit Anselme, abbé de ce monastère, céder, au nom des chanoines, à Frotaire évêque et au vicomte Bernard Aton qui prenait le titre de prince d'Albi, le port du Tarn pour y construire un pont dont les droits de péage devaient leur revenir.

(1) Greg. Tur., l. v, page 45.

(2) Documents No 73.

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