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vacant par le décès de M. Pierre Neveu, MM. du chapitre se saisirent du temporel de l'Évêque; et pour prouver qu'ils allaient exercer les droits de seigneurie, ils firent placer leurs armes sur la porte du palais épiscopal. Les consuls à leur tour se rendirent à l'évêché pour prier et requérir, au besoin, les chanoines de garder soigneusement ledit palais et tous les objets qu'il renfermait.

« Un ou deux jours après la mort de l'évêque Pierre Neveu, dit encore le document que nous traduisons, il arriva un grand nombre de seigneurs qui venaient solliciter les suffrages du chapitre en faveur des personnes dont les noms suivent: M. Pierre Amielh, prévôt du monastère de St.-Salvi et docteur en lois ; M. Bernard de Casilhac, prévôt de Ste.-Cécile et prieur de Notre-Dame de Fargues; l'évêque de Cavalho, appelé M. Jean Rotas, natif d'Albi, excellent maître en théologie. M. Darpajon vint aussi intriguer pour un de ses fils, M. le Sénéchal de Carcassonne pour l'Évêque de Laon. L'Évêque de St.-Papoul, M. le prieur de la Daurade, fils de M. de Castelpers, un frère de M. de Castelnau-de-Breténous, et plusieurs autres se mirent aussi sur les rangs. Ils s'adressèrent au chapitre et aux consuls. Ceux-ci décidèrent qu'ils recommanderaient également aux chanoines tous ceux qui leur avaient été présentés ou pour lesquels on avait sollicité leur appui. Cependant M. Bernard de Casilhac fut unanimement élu par le chapitre. »

D'autres pièces mentionnent l'élection, en 1510, de M. de Robertet, ainsi que des lettres par lesquelles le Roi engageait les consuls à remontrer à MM. du chapitre son bon vouloir envers ce candidat à l'évêché d'Albi. Les consuls s'empressèrent d'acquiescer à l'invitation du Roi, et M. Charles de Robertet fut élu évêque.

Il y a des exemples de nomination directe par les Papes sur la présentation des Rois de France: ainsi, en 1462, le Pape Pie II annonce aux habitants d'Albi que de sa pleine autorité apostolique il a nommé à l'évêché d'Albi le cardinal Joffroy, évêque d'Arras. La lettre du cardinal, jointe à celle qui précède, fait connaître que sa nomination a eu lieu à la demande du Roi (1). Le chapitre ne fait aucune obser

(1) Voir ces pièces jointes aux notices sur les évêques.

vation sur cette nomination; il accueille et installe sans difficulté le procureur fondé de l'Évêque, qui précède son arrivée à Albi de quelques mois. Mais il n'en fut pas de même pour la nomination de Robert Dauphin, qui obtint des lettres de provision d'Eugène IV. Le chapitre refusa d'abord de le reconnaître et demanda le maintien de l'élection de Bernard de Casilhac, qui fut confirmée par le concile de Bâle (1).

Le chapitre usa de ce privilége jusqu'à l'époque où la pragmatique sanction, établie sous Charles VII, fut définitivement abrogée et qu'il eût été convenu, par le concordat passé au mois de décembre 1515, entre Léon X et François Ier, que le droit ancien d'élire aux évêchés et aux autres grands bénéfices vacants cesserait d'appartenir aux églises de France, que le Roi y nommerait désormais, mais que sa nomination aurait besoin d'être confirmée par des bulles du Pape, qui ne seraient délivrées que moyennant le payement d'une année de revenu du bénéfice.

Comme il a été déjà dit dans un article concernant la juridiction temporelle des évêques d'Albi, ces prélats étaient, au 8me siècle, investis du pouvoir judiciaire et participaient à l'administration de la commune. Leur juridiction séculière allait au-delà d'Albi et embrassait les lieux de Marssac, Rouffiac, Labastide-Denat, Monestiés, Lagarde-Viaur, Virac, Villeneuve et quelques autres localités, ainsi que l'attestent des actes des 12me et 13me siècles.

Leur juridiction spirituelle s'étendait sur tout le diocèse divisé d'abord en claveries et plus tard en vingt-deux districts et trois cent vingt-sept paroisses. Cette division est consignée dans un acte du 14me siècle. Les désignations de lieux sont en latin; il y sera joint les noms romans ou patois et les noms français (2).

La cour spirituelle de l'évêque d'Albi était composée de ses vicaires-généraux, d'un official, d'un procureur fiscal, d'un trésorier, d'un notaire, d'un avocat et de quelques autres officiers.

Les revenus de l'évêché d'Albi consistaient dans le produit de

(1) Voir l'article biographique de B. de Casilhac.

(2) Documents No 82.

dìmes, rentes, fiefs, etc. Ces revenus valaient autant de fois dix mille livres de rente que le setier de froment valait de livres. Si le setier se vendait six livres, les revenus de l'évêché étaient affermés soixante mille livres; ainsi ils augmentaient ou diminuaient suivant que le prix du blé était plus ou moins élevé. L'évêque possédait encore un magnifique château à Combefa et des propriétés considérables à Marssac, Rouffiac, Villeneuve, Labastide, etc.

Les abbayes de Gaillac et de Candeil étaient tenues à l'hommage et à des redevances annuelles envers l'Évêque.

L'évêché d'Albi ayant été fondé en l'honneur de Ste.-Cécile, suivant un acte de 1038, il y a lieu de croire que la maison épiscopale fut, dès le principe, construite à côté de l'église de ce nom. Les vicomtes habitaient le Castelviel et possédaient en outre, dans l'intérieur de la ville, une maison dont s'emparèrent divers seigneurs, après la conquête de Simon de Montfort. Des pièces importantes constatent que Bernard de Castanet ajouta, à la fin du 13me siècle, de nouvelles constructions au palais épiscopal et qu'il l'entoura de fortifications; ce palais y est désigné sous le nom de Forteresse de l'Évêque nouvellement construite.

L'évêché d'Albi était suffragant de l'archevêché de Bourges. Innocent XI l'érigea en archevêché par une bulle du mois d'octobre 1678, confirmée par lettres patentes du roi Louis XIV, en date du 14 juin 1680, et lui donna pour suffragans les évêchés de Rodez, Mende, Vabre, Cahors et Castres. Aujourd'hui l'archevêché d'Albi est métropole des évêchés de Rodez, Cahors, Mende et Perpignan.

On compte 86 Évêques et 10 Archevêques qui ont occupé le siége d'Albi. Parmi ces Prélats il y a eu 14 Cardinaux; ce sont : B. de Castanet, B. des Bordes, B. de Fargis, G. de Court, Poitevin de Montesquiou, Joffroi, L. d'Amboise, A. de Gouffier, Duprat, J. de Lorraine, L. de Lorraine, L. Strozzi, D. de Larrochefoucault, de Bernis (1).

Des documents inédits sur le chapitre et sur l'église d'Albi, auront ici une place marquée. Parmi ces documents figurent : une lettre de

(1) Les légendes de l'église d'Albi, contrairement à l'opinion des auteurs de la Gaule chrétienne, mettent M. Robert Dauphin au nombre des cardinaux qui ont illustré le siége épiscopal d'Albi.

Louis XI, accordant des privilèges aux chanoines et demandant une part aux prières qui se font dans l'église de Ste.-Cécile, à laquelle le roi dit avoir une grande dévotion; un accord passé en 1248 entre le chapitre et l'évêque, au sujet de divers usages, enfin des actes constatant l'état du clergé au moyen âge, des bulles de divers Papes, des lettres particulières de Rois de France et de plusieurs Prélats.

Il nous a paru convenable de faire précéder ces renseignements de notices sur les Évêques et Archevêques d'Albi. Nous nous sommes aidés pour ce travail du savant ouvrage de MM. de Sainte-Marthe, connu sous le nom de Gallia christiana, du Spicilège du père d'Achéri, des légendes de Ste.-Cécile que possèdent les archives, des observations de l'histoire de Languedoc, enfin de la Bibliothèque sacrée et de Manuscrits de la bibliothèque publique d'Albi, qu'il ne faut pas confondre avec des manuscrits sur les Évêques, très répandus dans cette ville et dans lesquels à côté de quelques faits exacts se trouvent beaucoup d'inexactitudes et d'erreurs.

NOTICES BIOGRAPHIQUES SUR LES ÉVÊQUES ET ARCHEVÊQUES D'ALBI.

I. St. Clair est regardé comme le fondateur de l'église d'Albi. On croit que c'est vers le milieu du 3° siècle de notre ère qu'il vint y porter les lumières de l'évangile. Il reçut à Lectoure la couronne du martyre. Un tableau peint, dit-on, par Rivals et conservé dans une chapelle de Ste.-Cécile, représente ce saint Évêque, prêchant la foi aux Albigeois.

II. Anthimius, Anthime. En le désignant comme successeur de St. Clair, la légende de l'église d'Albi assure qu'il en fut aussi le disciple (1).

III.-406. Diogenianus, Diogénien. Grégoire de Tours, l'historien véridique de ces temps reculés, le place, d'après le prêtre Paulin, au rang des plus illustres prélats de l'Aquitaine et des plus zélés défenseurs de la foi catholique. Il occupait le siège épiscopal d'Albi vers l'an 406.

IV. 451. Anemius, Anème, souscrivit en 451 à la lettre synodale que les évêques des Gaules adressèrent au pape St. Léon pour le louer de sa réfutation éloquente des erreurs d'Eutichès.

C'est vers ce temps que vivaient Ste. Martianne et Ste. Carissime, nées de familles

(1) D'anciens manuscrits placent après Anthime un évêque du nom de Phæbadius ou Fagadius et prétendent qu'il assista aux conciles de Béziers et de Valence. Le nom de Fagadius figure en effet sur la liste des Evêques qui souscrivirent à ce dernier Concile, mais il n'y est pas dit qu'il fut évêque d'Albi.

distinguées d'Albi et que l'Eglise a mises au nombre des Vierges qu'elle honore d'un culte public. Suivant un ancien manuscrit, la maison de Ste. Carissime était située au Castelviel, à la rue de Savenne, tout près des murailles du château. Les ruines de ce bâtiment existaient encore en 1629 (1).

V.-506. Sabinus, Sabin, approuva, en 506, les canons du concile d'Agde. Alaric, roi des Visigoths et maître de la contrée, quoiqu'Arien, permit aux Évêques de s'assembler.

VI. 549. Ambrosius, Ambroise. On tint de son temps le cinquième concile d'Orléans auquel il n'assista pas; mais il y envoya Viventius, archidiacre de son Église qui y souscrivit pour lui.

VII. — 580. St. Salvi, Salvius. La vie de ce saint Évêque, une des illustrations de l'Albigeois, a été reproduite dans plusieurs ouvrages. Nous publierons une notice sur ce Saint, extraite d'un ancien manuscrit des Frères-Prêcheurs d'Albi.

Grégoire de Tours, qu'il faut toujours citer quand il s'agit des événements de ces temps reculés, parle longuement de St. Salvi et fait connaître le crédit dont jouissait à la cour du roi des Francs, le saint patriarche de l'Albigeois. Nous ne rapporterons que quelques passages de son ouvrage :

Chilpéric, sorte d'esprit fort, voulut, au concile de Braine, essayer d'imposer aux Évêques un Credo de sa façon. Il exigeait qu'on y nommât Dieu sans faire mention des trois personnes. Grégoire de Tours désapprouva d'abord ce projet. St. Salvy, appelé à son tour à donner son avis, eut à peine entendu la lecture de cet acte qu'il témoigna hautement son indignation et qu'il aurait mis en pièces le manuscrit que tenait le Roi, s'il eut pu s'en saisir. La patience de celui-ci et l'intention qu'il manifesta aussitôt de renoncer à ce projet, indiquent assez la déférence qu'il avait pour les talents et les vertus de St. Salvi.

Ses discours étaient des oracles. Peu de temps après le synode, ajoute Grégoire, j'avais déjà dit adieu au Roi et me préparais à m'en retourner chez moi, mais ne voulant pas m'en aller sans avoir dit adieu à mon ami Salvi et l'avoir embrassé, je le cherchai et le trouvai dans la cour de la maison de Braine. Je lui dis que j'allais partir et nous étant un peu éloignés pour causer, il me dit : ne vois-tu pas au-dessus de ce toit ce que j'y apperçois ? J'y vois, lui dis-je, un pavillon que le Roi a dernièrement fait élever. - N'y vois-tu pas autre chose? Non. Et supposant qu'il parlait ainsi par manière de jeu, j'ajoutai : si tu vois quelqu'autre chose dis-le moi; et lui, poussant un profond soupir, me répondit : je vois le glaive de la colère divine tiré et suspendu sur cette maison; et véritablement, dit l'historien,

(1) Le même manuscrit ainsi que d'anciennes légendes font mention d'un Polimius qui aurait donné le voile à Ste. Martianne et qui assistait au concile d'Arles en 460. L'examen des actes de ce Concile, tenu en 455, prouve que ce fait est complètement inexact. Il en est de même pour Venance que ce manuscrit place après Sabinus.

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