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diminuer à mesure que la politesse s'introduisait dans tous les états, à la suite de l'ordre qui renaissait avec l'autorité. Mais le premier, dit Voltaire, qui fit entendre dans la chaire une raison toujours éloquente, ce fut Bourdaloue. Peut-être faut-il un peu restreindre cet éloge en l'expliquant. Bourdaloue fut le premier qui eut toujours dans la chaire l'éloquence de la raison il sut la substituer à tous les défauts de ses contemporains. Il leur apprit le ton convenable à la gravité d'un saint ministère, et le soutint constamment dans ses nombreuses prédications. Il mit de côté l'étalage des citations profanes, et les petites recherches du bel-esprit. Uniquement pénétré de l'esprit de l'Evangile et de la substance des livres saints, il traite solidement un sujet, le dispose avec méthode, l'approfondit avec vigueur. Il est concluant dans ses raisonnemens, sûr dans sa marche, clair et instructif dans ses résultats; mais il a peu de ce qu'on peut appeler les grandes parties de l'orateur, qui sont les mouvemens, l'élocution, le sentiment. C'est un excellent théologien, un savant catéchiste plutôt qu'un savant prédicateur. En portant toujours avec lui la conviction, il laisse trop désirer cette onction précieuse qui rend la conviction efficace.

Tel est en général le caractère de ses sermons. Ceux de Cheminais, autre jésuite, ne sont pas sans quelque douceur, et celle qu'il mettait dans son débit lui procura une vogue passagère, dont l'impression fut le terme, comme elle l'a été de la réputation de Bretonneau et de quelques autres sermonnaires leurs contemporains, qui depuis long-temps ne sont plus guère lus. Les sermons mêmes de Bossuet et de Fléchier ne répondent pas à la célébrité qu'ils ont acquise dans l'oraison funèbre; et sans parler de la foule des prédicateurs médiocres, il suffit de dire que, lorsqu'on eut entendu, et plus encore lorsqu'on eut lu Massillon, il éclipsa tout.

Bossuet et Massillon sont donc les modèles par excellence que nous avons à considérer principalement dans l'éloquence chrétienne, l'un dans l'oraison funèbre, et l'autre dans le sermon. Je commencerai par le premier, en me conformant à l'ordre des temps, et même à celui des choses, puisque l'oraison funèbre réunit plus de parties oratoires, exige plus d'art et d'élévation que le sermon.

Mais je me crois obligé de jeter en avant quelques réflexions que l'esprit du moment a rendues nécessaires, par rapport aux différentes dispositions que chacun peut apporter à ces objets, suivant les diverses manières de penser. Quoique le mérite d'orateur et d'écrivain soit ici particulièrement ce qui doit nous occuper, cependant on ne peut se dissimuler que le degré d'attention et d'intérêt pour le talent dépend un peu, en ces matières, et surtout aujourd'hui, du degré de respect pour les choses, et, pour tout dire en un mot, de la croyance ou de l'incrédulité. Celle-ci, devenue plus intolérante à mesure qu'elle est plus répandue, en vient enfin depuis quelques années jusqu'à vouloir détourner nos yeux des plus beaux monumens de notre langue, dès qu'elle y voit empreint le sceau de la religion. Je laisse de côté les opinions que personne n'a le droit de forcer; mais je réclame contre cette espèce de proscription que personne n'a le droit de prononcer. Il faut se rappeler que c'est le siècle de Louis XIV qui passe actuellement sous vos yeux, et qu'ainsi que moi, vous devez considérer à la fois dans ce qui nous en reste, et l'esprit des écrivains, et celui de leur siècle. Il était tout religieux : le nôtre ne l'est pas; mais, de quelque manière qu'on juge l'un et l'autre, on ne peut nier du moins que les écrivains et les orateurs ont dû écrire et parler pour ceux qui les lisaient et les écoutaient. C'est un principe de raison et d'équité que j'oppose d'abord à l'impérieux dédain de ceux qui voudraient qu'on n'eût jamais écrit et parlé que dans leur sens. Je n'examine point encore si ce sens est le bon sens : dans l'étendue de ce Cours, chaque chose doit venir en son

temps et à sa place. Mais je puis avancer, des cet instant, que, dans ce siècle des grandeurs de la France, la religion, à ne la considérer même que sous les rapports humains, fut grande comme tout le reste; et que la France, son monarque et sa cour furent pour l'Europe entière, dans la religion comme dans tout le reste, un spectacle et un modèle. Il n'est perinis ni de l'ignorer ni de l'oublier. Ayez donc devant les yeux, pendant les séances actuelles, un Bossuet convertissant un Turenne, un Fénélon montant dans la chaire pour donner l'exemple de la soumission à l'Eglise, un Luxembourg, au lit de la mort, préférant à toutes ses victoires le souvenir d'un verre d'eau donné au nom du Dieu des pauvres; un Condé, un cardinal de Retz, une princesse palatine, donnant, après avoir joué de si grands rôles dans le monde, à la guerre, à la cour, l'exemple de la piété et du repentir, au pied des autels; une La Vallière allant pleurer aux Carmelites, jusqu'à son dernier jour, le malheur d'avoir aime le plus aimable des rois; enfin ce roi lui-même, regardé comme le premier des hommes, humiliant tous les jours dans les temples un diadème de lauriers, et se reprochant ses faiblesses au milieu de ses triomphes. Revoyez, dans les Lettres de Sévigné, ces fidèles images des mœurs de son temps, partoutla religion en honneur, partout le devoir de se retirer du monde à temps, de se préparer à la mort, mis au nombre des devoirs, non pas seulement de conscience, mais encore de bienséance; ce qu'était la solennité des fêtes et l'observance du jeûne prescrit; enfin un duc de Bourgogne, un prince de vingt ans, refusant au respect qu'il avait pour le roi son aïeul d'assister à un bal qu'il regardait comme une assemblée trop mondaine. Tel était l'empire de la religion: ceux qui n'en avaient pas (et ils étaient rares) gardaient au moins beaucoup de réserve; et ceux qui avaient de la religion en avaient avec dignité. Voilà les auditeurs qu'ont eus les Bossuet, les Fléchier, les Massillon serait-il juste de les juger sur ceux qu'ils auraient aujourd'hui? L'oraison funèbre, telle qu'elle est parmi nous, appartient, ainsi que le sermon, au seul christianisme. C'est une espèce de panégyrique religieus, dont l'origine est très-ancienne, et qui a un double objet chez les peuples chrétiens, celui de proposer à l'admiration, à la reconnaissance, à l'émulation, les vertus et les talens qui ont brillé dans les premiers rangs de la société, et en même temps de faire sentir à toutes les conditions le néant de toutes les grandeurs de ce monde, au moment où il faut passer dans l'autre. La philosophie de nos jours, qui blâme souvent et sans peine, parce qu'elle s'attache de préférence au côté défectueux de toutes les choses humaines, a réprouvé ce genre d'éloquence, parce qu'il n'est pas toujours conforme à la vérité, comme si elle était plus rigoureusement observée dans les autres genres qu'elle-même autorise ou fait valoir, Les éloges académiques sont-ils d'une véracité plus sévère que les oraisons funèbres? A Dieu ne plaise que je veuille en aucun cas justifier le mensonge! mais d'abord il y a dans toute espèce de discours oratoire des convenances et des conventions qui sont du genre. On n'attend pas, on n'exige pas de l'orateur qui loue, la même fidélité, la même rigueur que de l'historien qui raconte. L'éloquence de l'un a pour objet de donner plus de force à l'exemple du bien : le but principal de l'autre est de se servir également de l'exemple du bien et de celui du mal, et de faire voir que tous les deux, en quelque rang que l'on soit, n'échappent point aux regards de la postérité. D'après ces données reconnues, tout ce qu'on demande au panégyriste, c'est qu'il ne loue que ce qui est louable, et que son art, qui est celui de faire aimer la vertu, ne soit jamais celui d'excuser le vice. Ce n'est point à lui de montrer l'homme tout entier; il n'a pas devant lui l'espace de l'histoire, il n'a qu'une heure à parler; et ce doit être pour saisir dans son sujet tout ce qui peut agrandir en nous l'amour du devoir

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et l'idée du beau. S'il obtient cet effet, il a rempli sa mission et l'objet du panégyrique.

Je ne prétends pas qu'en atteignant à ce but d'utilité, les Bossuet, les Fléchier, les Mascaron et leurs successeurs n'aient jamais présenté les choses et les hommes que dans leur vrai point de vue; mais quand ils y ont manqué (ce qui est rare), leurs erreurs, comme nous le verrons dans l'analyse qui va suivre, étaient celles du siècle : et quel siècle n'a pas les siennes? et quel écrivain ne s'y laisse pas aller plus ou moins? C'est-là le cas où la vraie philosophie sait reconnaitre et excuser l'influence de l'opinion.

On a fait à l'oraison funèbre un autre reproche, celui de n'être réservée que pour les rois et les grands, et l'on a demandé pourquoi la religion même accordait au rang ce qui ne devrait appartenir qu'à la vertu. Cette question spécieuse, et qui peut prêter beaucoup au facile étalage des phrases, rentre, comme beaucoup de questions semblables, dans ce système d'égalité mal entendue, qui est l'opposé de tout système politique et social. On ne fait pas attention que la religion, qui est temporellement dans l'état, doit se conformer au gouvernement dans tout ce qui n'est pas contraire aux dogmes et à la discipline. Or, l'oraison funèbre, avec les caractères que je viens de marquer, et qui sont les siens, est un honneur public, qui non-seulement ne répugne en rien au christianisme, mais qui même est conforme à son esprit. L'Evangile ordonne d'honorer les puissances, et nous enseigne qu'elles sont instituées de Dieu. Ce dernier hommage que l'Eglise leur rend, ne tend, comme tous les autres, qu'à l'édification, et surtout à entretenir et fortifier le respect qu'elle nous prescrit pour ceux que la Providence a placés au-dessus de nous; respect que Montesquieu regarde comme un des grands bienfaits de notre religion. Si elle ne décerne point ces honneurs solennels à des particuliers, c'est que l'état n'en décerne aucun aux conditions privées, et qu'elle doit, dans les choses extérieures et temporelles, suivre la marche du gouvernement. Ne pourraisje pas demander aussi pourquoi les académies ne décernent d'éloges qu'à leurs membres, quoiqu'il y ait hors de leur sein des talens et du mérite? Mais c'est que les choses d'ordre public ne sont pas et ne peuvent pas ètre réglées et mesurées sur une sorte d'autorité qui n'a elle-même ni règle ni mesure certaine, c'est-à-dire, sur l'opinion. Un ordre quelconque est de tous les momens, et doit être fixe; l'opinion est incertaine et variable, et ne se fixe tout au plus qu'avec le temps. Aussi tous ces honneurs convenus n'en sont ni le témoignage assuré, ni l'expression infaillible: ils ont, comme je l'ai fait voir, un autre dessein et un dessein utile; et s'ils sont susceptibles d'abus, c'est cette même opinion qui en est le remède; car on sait que tous ces honneurs ne lui commandent point, qu'elle sait bien se faire entendre, et parle plus haut que tous les panégyriques de cérémonie. La 4 vertu n'en a pas besoin : si elle est obscure, elle se suffit à elle-même, et Dieu la voit: si elle est connue, elle occupe les cent voix de la Renommée, plus fidèle encore et plus prompte à célébrer les talens. Ainsi tout est à sa place, et les choses restent ce qu'elles sont.

Au reste, on a vu des exceptions à cette attribution exclusive de l'oraison funèbre aux princes du monde et de l'Eglise, et une entre autres dans nos jours qui a également honoré le panégyriste et le héros, car c'en était un et de la religion et de l'humanité. Je veux parler du curé de SaintAndré (1), le vénérable Léger, cet homme de Dieu, qui passa quarante ans à faire du bien dans une paroisse pauvre, qui n'en perdra jamais la mémoire. Il a été célébré dignement par un éloquent évêque (2) qui avait

(1) C'est lui qui a fourni l'idée et le caractère du curé de Mélanie.
(a) M. de Sénez.

été son élève, et qui prononça son éloge funèbre dans la chaire évangélique, devant le plus nombreux auditoire et devant une foule de prélats. la plupart élèves aussi de ce même pasteur, et formés sous sa direction a toutes les vertus du sacerdoce, dans la communauté de Saint-André, l'un des plus illustres séminaires de l'épiscopat. C'est une preuve qu'il y a des hommes privilégiés pour qui le monde même déroge à ses usages, et il est beau que ce soit en faveur de la vertu modeste et presque ignorée ; car cet homme respectable n'était guère connu que des pauvres, et de cette classe de pauvres dont la reconnaissance n'a rien à donner à la vanité.

Faite pour la chaire, l'oraison funèbre tient beaucoup du sermon, et doit être fondée, comme lui, sur une doctrine céleste. qui ne connait de vraiment bon, de vraiment grand que ce qui est sanctifié par la grâce, et qui foudroie toutes les grandeurs du temps avec le seul mot d'éternité. I! en résulte pour l'orateur un double devoir : il faut que, pour remplir son sujet, il exalte magnifiquement tout ce que fut son héros selon le monde; et que, pour remplir son ministère, il termine tout cet héroïsme au néant, selon la religion, si la piété où la pénitence ne l'a pas consacré devant Dieu. Ce plan n'est contradictoire que pour l'irréflexion, et difficile que pour la médiocrité : c'est, au contraire, une grande vue en morale, et un puissant véhicule pour le talent oratoire. En abattant d'une main ce qu'il a élevé de l'autre, l'orateur chrétien ne se combat point lui-même ; il ne combat que des illusions, et avec d'autant plus de supériorité, qu'après avoir, comme par complaisance, accordé ce qu'il devait au siècle et à ses coutumes, il semble se jouer de toute la pompe qu'il a étalée un moment, et fait voir à ses auditeurs détrompés combien ce qu'ils admirent est peu de chose, puisqu'il ne faut qu'un mot pour en montrer le vide, et qu'un instant pour en marquer le terme.

Ce genre d'écrire a donc de merveilleuses ressources pour l'imagination et pour l'instruction: il est plus étendu, plus élevé, plus varié que le sermon. Dans la peinture des talens, des vertus, des travaux qui ont illustré les empires et servi ou embelli la société, il devance l'histoire, et peut prendre un ton plus haut qu'elle heureux quand elle n'a pas ensuite à le démentir! Mais combien imposante et majestueuse doit être la voix qui se fait entendre aux hommes entre la tombe des rois et l'autel du Dieu qui les juge! Ailleurs le panégyriste des héros est d'autant plus intimidé, qu'il a plus à faire; il borne son ambition et ses efforts à n'être pas au-dessous de son sujet, à égaler les paroles aux choses. Ici l'orateur sacré, planant audessus de toutes les grandeurs, les voit d'en haut, tient d'une main la couronne qu'il pose sur leur tête, et de l'autre l'Evangile, qui renverse toutes les couronnes devant celles de l'éternité. Mais combien aussi ces mains doivent être fermes et sûres! Si elles sont incertaines et vacillantes, si tous les mouvemens n'en sont pas justes et décidés, tout l'effet est perdu. La tribune sainte est pour l'éloquence un théâtre auguste, d'où elle peut de toute maniere dominer sur les hommes; mais il faut que l'orateur sache y tenir sa place. S'il vous laisse trop vous souvenir que c'est un homme qui parle; si Dieu n'est pas toujours à côté de lui, on ne verra plus qu'un rhéteur mondain, qui adresse à des cendres les derniers mensonges de la flatterie. Au contraire, s'il est capable d'avoir toujours l'œil vers les cieux, même en louant les héros de la terre; si, en célébrant ce qui passe, porte toujours sa pensée et la nôtre vers ce qui ne passe point; s'il ne perd jamais de vue ce mélange heureux qui est à la fois le comble de l'art et de la force, alors ce sera en effet l'orateur de l'Evangile, le juge des puissances, l'interprète des révélations divines; en un mot, ce sera Bossuet.

il

Ce nom vous rappelle un de ces hommes rares que le siècle de Louis XIV a réunis dans le vaste domaine de sa gloire; et je ne parle pas ici du théologien profond, de l'infatigable controversiste, dont la plume feconde et

victorieuse était tour à tour l'épée et le bouclier de la religion: ces travaux apostoliques n'entrent point dans la classe des objets qui nous occupent. Quatre discours, qui sont quatre chefs-d'œuvre d'une éloquence qui ne pouvait pas avoir de modèles dans l'antiquité, et que personne n'a depuis égalée, les oraisons funèbres de la reine d'Angleterre, de Madame, du grand Condé et de la Princesse palatine, surtout les trois premières, ont placé Bossuet à la tête de tous les orateurs français, non pas, comme on voit, par le nombre, mais par la supériorité des compositions. On les met sous les yeux de tous les jeunes rhétoriciens, et c'est peut-être ce qui fait qu'on les lit moins dans la suite. On croit connaître assez ce qu'on a eu long-temps entre les mains on ne songe pas que ce n'est pas trop de toutes les connaissances que donne la maturité de l'esprit pour bien goûter et bien apprécier ces inimitables morceaux. Qu'un homme de goût les relise, qu'il les médite, il sera terrassé d'admiration : je ne saurais autre. ment exprimer la mienne pour Bossuet. Si quelque chose, indépendam. ment de leur mérite propre, pouvait d'ailleurs les faire valoir encore plus, ce serait le contraste qui se présente de soi-même entre cette éloquence si simple et si forte, toujours naturelle et toujours originale, et la malheureuse rhetorique qui de nos jours en prend si souvent la place. Dans Bossuet, pas la moindre apparence d'effort ni d'apprêt, rien qui vous fasse songer à l'auteur; il vous échappe entièrement, et ne vous attache qu'à ce qu'il dit. C'est là surtout, on ne saurait trop le répéter, la différence essentielle du grand talent et de la médiocrité, du bon goût et du mauvais; c'est que tout effet est manqué, si je vois trop vous arranger pour en produire; c'est que vous n'êtes plus rien, si vous ne vous faites pas oublier; c'est que vos efforts trop visibles ne montrent que votre faiblesse; c'est qu'on ne se guinde que parce qu'on est petit. Au contraire, si vous êtes emporté par un élan naturel et comme involontaire, vous m'entraînez à votre suite; si votre imagination vous domine, vous dominez la mienne; si votre ima gination vous commande, vous me commandez; et dans ce cas je ne verrai rien dans vous qui démente cette impression; je ne vous verrai rien chercher, rien affecter, rien contourner. Suivez de l'œil l'aigle au plus haut des airs, traversant toute l'étendue de l'horizon; il vole, et ses ailes semblent immobiles; on croirait que les airs le portent : c'est l'emblème de l'orateur et du poëte dans le genre sublime; c'est celui de Bossuet.

Que cet homme est un puissant orateur! En vérité, il ne se sert point de la langue des autres hommes; il fait la sienne, il la fait telle qu'il la lui faut pour la manière de penser et de sentir qui est à lui: expressions, tournures, mouvemens, constructions, harmonie, tout lui appartient. D'autres écrivains, et même d'un grand mérite, font sans cesse du langage l'ornement de leur pensée, la relèvent par l'expression : la pensée de Bossuet, au contraire, est d'un ordre si élevé, qu'il est obligé de modifier la langue d'une manière nouvelle, et de la rehausser jusqu'à lui. Mais comme elle semble être à sa disposition! comme il en fait ce qu'il veut! quel caractère il lui donne ! Nulle part, sans exception, elle n'est ni plus vigoureuse, ni plus hardie, ni plus fière que dans les beaux vers de Corneille et dans la prose de Bossuet. C'est ce qui distinguera toujours ces deux écrivains à qui notre langue a tant d'obligations; c'est ce qui soutiendra toujours Corneille en présence de ceux de nos poëtes qui ont eu sur lui d'autres avantages. et Bossuet contre ceux qui se rendent détracteurs de son talent, parce qu'ils le sont de sa croyance. J'ai vu de durs mécréans, et surtout des athées, dégoûtés de ses écrits et de ceux de Massillon, et tout près d'effacer leurs titres, qui sont les nôtres incrédules, laissez-nous nos grands hommes, car vous ne les remplacerez pas.

De quel ton il débute dans l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre,

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