Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Gratior et pulchro veniens in corpore virtus 1.

La vestale Tarpeia venait de puiser dans une fontaine l'eau des sacrifices; elle voit Tatius préluder aux combats dans la plaine, et sa blonde chevelure flottante sur son habit guerrier. Étonnée de la beauté du héros, de l'éclat de ses royales armes elle demeure immobile d'étonnement; l'urne d'argile qu'elle portait échappe des mains de la vierge, qui a tout oublié pour le voir. Souvent elle accuse de mauvais présages la lune innocente, et prend le prétexte d'aller se purifier dans les eaux du fleuve. Si elle offre des lis d'une blancheur éclatante sur l'autel des nymphes, c'est pour détourner par leurs secours les flèches romaines du visage de Tatius. Elle ne revient qu'au moment où la fumée commence à s'élever autour du Capitole; dans sa route, ses bras sont ensanglantés par les ronces. Elle s'arrête au sommet de la citadelle qu'habite Jupiter, et verse des larmes, en découvrant ainsi les blessures de son coeur, malgré la présence du dieu, qu'irrite une passion criminelle :

"

Ignes castrorum et Tatiæ prætoria turmæ,

Et formosa oculis arma sabina meis,

O utinam ad vestros sederem captiva penates,

Dum captiva mei conspicer esse Tatî!

Ce vers s'applique, dans le cinquième livre de l'Enéide, au jeune Euryale.

Romani montes, et montibus addita Roma,

Et valeat probro Vesta pudenda meo.
Ille equus, ille meos in castra reponet amores,
Cui Tatius dextra collocat ipse jubas.
Quid mirum in patrios Scyllam sevisse capillos?
Candidaque in sævos inguina versa canes?
Prodita quid mirum fraterni cornua monstri,
Cum potuit lecto stamine torta via ?
Quantum ego sum Ausoniis crimen factura puellis,
Improba virgineo lecta ministra foco!
Palladis extinctos si quis mirabitur ignes;

Ignoscat lacrymis spargitur ara meis...........
Et jam quarta canit venturam buccina lucem,
Ipsaque in Oceanum sidera lapsa cadunt.
Experiar somnum, de te mihi somnia quæram.
Fac veniat oculis umbra benigna meis. »>
Dixit, et incerto permisit bracchia somno
Nescia se flammis accubuisse novis.

Nam Vesta Iliacæ felix tutela favillæ

Culpam alit, et plures condit in ossa faces'.

« Feux du camp des Sabins, tentes des escadrons qui gardent Tatius, armes si belles à mes yeux, plût au ciel que je fusse assise en captive auprès de vos foyers, pourvu qu'on vit en moi la captive de mon cher Tatius! Adieu Rome et les sept montagnes sur lesquelles tu t'assieds comme une reine; adieu, Vesta, qui rougis de ma honte. Ah! qu'il ramène bientôt mes amours dans son camp, ce coursier belliqueux, ce coursier dont Ta

[ocr errors][merged small]

tius lui-même dispose la crinière flottante! Pourquoi s'étonner que la cruelle Scylla ait pu sacrifier le cheveu fatal de son père, que la fille de Phorcius ait subi une affreuse métamorphose? Faut-il être surpris de ce que la jeune Ariane livra jadis le monstre son frère, en révélant à Thésée, par un fil secourable, les détours du labyrinthe? De quelle honte je vais couvrir le front des filles de l'Ausonie, moi ministre infidèle du feu commis à la garde des vierges! Ah! si quelqu'un s'étonne de ce que j'ai laissé éteindre le feu sacré de Pallas, qu'il me pardonne l'autel de la déesse est arrosé de mes larmes. . . . . La quatrième veille a sonné; les astres de la nuit se précipitent vers l'Océan: essayons le sommeil. Tatius, je vais chercher des songes de toi; fais que ton ombre caressante vienne sourire à mes regards.» Elle dit, et s'abandonne à un sommeil sans repos; malheureuse! elle se couche, sans le savoir, sur un lit de flammes! La déesse, gardienne des feux tutélaires d'Ilion, nourrit la fureur criminelle de sa prêtresse, et fait couler de nouvelles ardeurs dans ses veines.

:

C'est une faute peut-être d'avoir fait naître sitòt des réflexions coupables et des résolutions extrèmes dans le cœur de Tarpeia: à son âge on ne se familiarise pas d'abord avec le crime; on peut quelquefois le commettre par un entraînement irrésistible, mais on ne le médite pas; cette corrup

tion subite de la volonté est rare dans la jeunesse. Ovide et Valerius Flaccus ont été des observateurs plus exacts de la nature, en peignant la passion de Médée surprise aussi par l'amour. Mais l'élégie de Properce, et surtout les vers que j'ai cités, n'en sont pas moins des modèles de vérité, de grace et de passion.

Le Tasse a imité avec génie l'invocation de Properce. Herminie, princesse d'Antioche, fille du roi Cassan, est tombée, après la prise de ses états, entre les mains de Tancrède, qui l'a honorée comme une reine, et rendue à la liberté. Tant de générosité devait toucher son coeur; elle aime le héros chrétien : mais l'impérieuse voix de la raison lui a prescrit de le quitter. Accueillie par le tyran de la Palestine, et bientôt couverte d'un voile lugubre, nous la voyons réduite à pleurer la mort de sa mère; une douleur légitime et vraie ne peut toutefois éteindre l'ardeur d'une passion semblable à celle d'Ériphile pour le fils de Thétis. L'approche de Tancrède, qui s'avance vers Jérusalem, réveille son espoir. Chaque jour elle monte sur une tour antique pour regarder le camp des chrétiens. C'est de là qu'elle a vu un combat terrible entre Argant et Tancrède. Effrayée par les blessures qu'a reçues son amant, instruite, comme les filles des rois de l'Orient, à connaître les vertus secrètes des plantes, elle forme la résolution de lui porter des secours.

Elle prend les habits de Clorinde, et se prépare à voler vers la tente de Tancrède. Un combat s'élève entre l'amour et l'honneur virginal; l'amour triomphe en prenant conseil de la pitié, mais aussi parceque des pensées de gloire et d'hymen font illusion au cœur de la princesse. Attentive toutefois à garder les convenances de son sexe, elle envoie un écuyer à Tancrède, pour obtenir, sans être connue d'avance, la permission de lui rendre la santé: Tancrède accueille avec joie le mystérieux message. Pendant l'absence de son écuyer, Herminie éprouve tous les tourments de l'inquiétude et de l'attente; enfin, elle presse son coursier, et monte sur une hauteur d'où elle commence à découvrir le de Godefroi. C'est alors que le poëte dit :

camp

La nuit enveloppait l'univers de ses voiles,
Le sombre azur des cieux étincelait d'étoiles;

La lune, en ce moment de calme et de fraîcheur,
Versait de ses rayons la naissante blancheur.
A la nature entière, autour d'elle muette,
Aux astres, aux vallons Herminie inquiète
Racontait ses chagrins, pleurait, et ses sanglots
En troublaient le silence et le profond repos.
Sur le camp des Latins elle arrête sa vue:
Que votre aspect est doux à mon âme éperdue!
O camp si redouté, pavillons glorieux,

Disait-elle, combien vous enchantez mes yeux!
Dans votre heureuse enceinte, ah ! quel zéphyr murmure,

Et rafraîchit mes sens de son haleine pure !

Il me semble renaître en m'approchant de vous,

« AnteriorContinuar »