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cette dérivation, en ce qu'ils conservent le nombre des syllabes fourni par la langue mère, l'on disait: verai au lieu de vrai (verus), souspe-çon (souspicio), esperit (spiritus), larcenin (latrocinium).” P. 429, etc.: "Souvent on ajoutait un e ou un a au milieu de certains mots. On disait, méchéant, préescher, abéesse, raénçon, raémpli, réond. Dans quelques-uns on ajoutait un e muet à la fin par la figure nommée paragoge. Nos vieux poètes terminaient par un e muet le subst. eau: on écrivait iaue, yaue, eaue, ève, èwe, iave, iauve, aigue. Ce n'était pas là une licence poétique, la prose écrivait de même. Marot fait toujours l'apocope

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Sibelet dit qu'on peut écrire grand pour grande, eau pour eaue. Pendant longtemps on ajouta un e muet aux deux premières personnes de l'imparfait de l'indicatif et du condit. j'estoie, tu estoies, je seroie on seroye. On écrivait aussi qui je soie, ou soye. (Rold. Brut. Alex.) Dans la deuxième moitié du XVme siècle cette forme paraît exister encore seule : Et aimeroye volontiers. Vallon, Coquillart, Crétin. Au commencement du XVIme siècle. on voit cet e final tantôt conservé, tantôt supprimé. Au milieu du XVIe siècle Sibilet indique encore comme les formes légitimes, je feroye, ye disoye et il blâme l'introduction de l's à la première personne, cette lettre étant caractéristique de la deuxième personne. Il explique par l'apocope les examples particulièrement de Marot, dans lesquels l'e a disparu: j'amoy' pour j'aimoye, je vondroy' pour je vondroye."

Etienne Pasquier remarqua l'e muet au XIVme siècle, et donna cette particularité comme un vieux reste de l'estoc gaulois. D'après M. Scheller, p. 70, Exposition des Lois sur la Transformation des Mots Latins: " Bèze dit que l'e en eau était encore sensible, "quasi scribes eo."—" Maintenant il ne figure plus que pour mémoire."

Voici le passage cité ci-dessus, de Palsgrave dans L'Esclarissement de Langue Françoyse, compose par maistre Jehan Palsgrave, Anglois native de Londre-et gradue de Paris. Anno Verbi Incarnati, MDXXX, édité par Génin. P. 4. "If e be the last vowel in a frenche worde beynge of many syllables, eyther alone or with an s following hym, the word not having his accent upon the same e, than shall he in that place be sounded almost lyke an o, and very moche in the noose, as these words; hómme, fémme, honéste, parle, hómmes, avecque, fémmes, honestes, avecques, shall have their laste e sounded in manner lyke an o, as hommo, femmo, honesto, parlo, hommos, femmos, avecquos, so that if the reder lyft up his voyce upon the syllabe that cometh nexte before the same e, and sodaynly depresse his voyce,when he cometh to the soundynge of hym, and also sounde hym very moche in the noose, he shall

sound e beyng written in this place accordyng as the Frenchmen do. Whiche upon the warnynge if the lerner wyll observe by the French men's speakynge, he shall easely perceive. E beynge the last letter in a French worde, may not utterly be left unsounded (except the worde folowyng be cause of it) as we do for the most part in our tong in nowyse, for the writtyng of e and not soundynge of hym have we taken of the Saxon tong, or rather dutche tong, whiche, if we woll rede or speke Frenche naturally, we must nedes amende."

Pages 5 and 6. "In mattinée, vesprée, and soyree, and such lyke, and also in all the feminine genders of participles of the fyrst conjugation in the Frenche tong, as aymée, parlée, gardée, tormentée, troublée, and such lyke. În all suche the first e shall have his sound after the most general soundynge of e, having the accent of the word upon him. The last e shall be sounded almost lyke an o." Je dois faire observer que l'o au moyen duquel Palsgrave figure la prononciation de l'e final dans les monosyllabes n'est pas l'o italien, mais l'o anglais, lequel généralement se prononce ö

ou eu.

Larousse aussi dit: "L'e muet se trouve dans les idiomes les plus antiques aussi bien que dans les langues modernes."

Comme curiosité je cite le passage suivant.

M. Legouvé, L'Art de la Lecture p. 173, dit qu'à la fin du siècle dernier la mode parmi les élégants consistait à supprimer en parlant, non seulement les e muets, mais l'r: ma pa'ol d'honneu'. Le duc de Richelieu apostropha comme marque de surprise, un pauvre diable de balayeur dans la rue avec les mots : Eh! m'sieu' le balayeu'! Les Incroyables croyaient que le suprême signe de l'élégance était le débraillé dans le langage.

Une comparaison de ces remarques avec les règles sur la prononciation actuelle que nons allons développer prouvera que Î'e final surtout se prononce aujourd'hui beaucoup moins souvent, en prose comme en poésie, qu'au XVIme siècle, et que l'e final va disparaissant de la prononciation.

Du reste, quand dans la lecture du vers français de nos jours l'e muet se prononce un peu plus souvent, ce n'est pas un fait unique. Dans tontes les langues la poésie garde avec plus de ténacité non seulement l'orthographe mais aussi la prononciation qui ont vieilli, que la prose et le langage de la conservation. Dans le Guillaume Tell de Schiller nons trouvons beut, fleucht, kreucht, zum geborenen Beschützer, heftig wogete der See; à la troisième personne du singulier schaffet Hülfe, schädiget, leihet, à la seconde et troisième du pluriel, erbaueten, traueten. En Anglais on rencontre souvent en poésie et dans l'élocution de la chaire l'ancienne terminaison de la troisième personne du singulier du

verbe eth, qui aujourd'hui en conservation est remplacée par s. Pour compléter cette monographie sur l'e muet j'ai jugé convenable d'ajouter quelques indications au moins sur l'étymologie de cette lettre. Voici les citations que je donne à ce sujet.

Diez. 392. Vol I. Etymologiquement l'e muet correspond à la médiale à l'e et à l'a provençal, rarement à l'i: recevoir (receber), degré (degrat), cheveux (cabelh), commencement (comensamen), draperie (draparia), pureté (puritat). Il correspond encore aux mêmes lettres à la finale, frère (frare), chose (chauza), aime (ami), Virgile (Virgili). Mais on ne peut découvrir pour l'emploi de ce son, au moins dans le premier cas, un principe dirigeant. Entre l'e muet et l'e atone, ce n'est pas la quantité primitive qui décide (denier de denarius), mesure de mesura pour mensura, ni la syllabe radicale, ni l'euphonie, pusique le rapprochement de consonnes qui ne vont qas bien ensemble (p'tit, r'pos, r'tenir) spécialement dans le cas d'une consonne initale complexe ou redoubleé (br'bis br'douiller, fr'don, gr'nier, p'pin, t'tin) donna naissance à des duretés incontestables. Dans des mots moins usités chez le peuple, ou dans des mots étrangers (régénération, émérite, décédé, miséréré, rébus) la voyelle est moins exposée à devenir muette. On comprend que des mots allemands comme échevin, écrevisse, assourdissent l'e absolument comme les mots populaires d'origine latine. Quelquefois un e muet s'intercale aussi entre les cons., comme dans caleçon (it. calzone), guenipe (allem. Kneipe).”

M. Brachet dit dans sa Grammaire Historique de la Langue Française: "L'e muet vient de toutes les voyelles latines non accentuées," ce que prouve aussi le tableau sur la dérivation des voyelles françaises dans la Nouvelle Grammaire Française par M. Chassang,

p. 20.

Larousse fait remarquer, avec M. de Chevallet, l'influence qu'a dû exercer notre climat du nord sur la prononciation des voyelles des mots de la langue latine et particulièrment sur leur altération en e muet. "La sensation du froid occasionne une sorte de roideur dans les muscles qui mettent en jeu la mâchoire infériure. Cet organe se prête alors moins facilement à la prononciation des voyelles qui exigent le plus d'élasticité musculaire. A ces voyelles qui sont les plus sonores, on est généralement porté à substituer d'autres voyelles sourdes, qui n'ont besoin, pour être prononcées, que d'un mouvement organique bien moins considérable. De là vint que dans les langues du Nord et entre autre dans le français, les voyelles sonores a, e, i tendent continuellement à s'étendre dans le son eu, dans le son o, ou dans d'autres sons sourds qui approchent de l'un ou de l'autre. Tel est notre e muet. Cette influence climatérique se fait principalement sentir dans les langues qui passent d'un pays chaud dans un pays moins chaud,

comme il est arrivé au latin en passant de l'Italie dans les Gaules. -La même chose a eu lieu pour les idiomes néo-germaniques."

J'emprunte à M. Aug. Scheller ce qu'il dit sur la dérivation de l'e muet dans son livre: Exposition des lois sur la transformation des mots latins.

Le muet dérivé des voyelles atones en arrière de la tonique.

Dans les mots latins paroxytons la syllabe finale disparaît ou se réduit à un son vague, incolore que nous appelons e muet. Ainsi tombent -us, -um, -es, -is, -em, -en.

Les terminaisons latines se réduisent en e muet, surtout la terminaisou fem. a, à la suite de consonnes composées: templum, temple, carmen, charme.

L'e muet a été utilisé comme lettre caractéristique du féminin. De nombreux vocables se trouvent avec ou sans e surtout dans le vieux français: avarus avare et aver, casa chez et case, rigidus roide et roit.

Quand la tonique est suivie de deux voyelles atones, celles-ci perdent souvent toute trace de la consonne qui les sépare, et se réduisent à un simple e muet: Dómina, dame, pagina, page, lamina, lame, terminus, terme, organum, orgue, hominem, homme, imaginem, image, dactylus, datte, Aristoteles, Aristotle, simplicem, simple, suplicem, souple, lampadam, lampe, cannabis, chanvre, principem, prince, quomodo, comme, isara, oise.

Dans plusieurs mots de cette catégorie e muet même fait défaut frigidus, froid, digitus, doigt. Archipelagus, Archipel. Ainisi les suffixes -icus, -ica, -icum se réduisent à che ou ge. Aventicum, Avenche, Leodicum, Liège, domenica, dimanche. -aticus devient age: viaticum, voyage; icus devient simple e dans Arseniacum, Arsoine, ou s'apocope, comme dans classicum, glas, laicus, lai; avica, donne auca, oie, barica, barque. P.

-idus, -ida, -idum donne ide: rigidus, roide, raide, rapidus raide, (maussade), busida (puxis) boiste, boîte; ou le d se perd: rancidus rance, tepidus, tiède. Les adjs. en -ide sont des produits de la langue factice ou des savants.

Les suffixes, -ilis, -ilus, -ila perdent l'i, amabilis, aimable, nobilis, noble, inductile, andouille, clavicula, cheville, stylus, style; agile, utile, docile sont modernes.—sans e: Apriltis; avril, gentilis, gentil,

-ulus, -a, -um par syncope de l'u bref, donne le: angulus, angle, fabula, fable. Quand cet e est précédé de c ou j qui se trouvent après des voy., elles s'applatissent ou se vocalisent en i, ce qui donne à l' le caractère de mouillé: bajulus, baile, bail, báculus, baille.

aculus, -iclus, -uculus, -a, -um font ail, eil, ouil; fém. aille, eille,

ille, ouille; capitulum donne chapitre, chartula, charte, glandula, glande.

-olus, syncope de l'o, l' après t se change en r: apostolus, apõtre, diabolus, diable, epistola, épître.

-inus, syncope de l'i, la syllabe finale en e muet.

-inus, a, um et inem, syncope de l'i; syallabe finale en e muet. -erem, -orem, -úra, suppression de l'e, o, u avec insertion euphonique d'un e devant r, après n et 1, d'un b après m : cinerem, cendre, cucumerum, concombre; pulverem, poudre, alterum, autre, camera, chambre, tenerum, tendre.

-itus, a, um, -item; suppression de l'i, um et em deviennent e muet amita, ante, bibita, boîte, hospitem, hôte, composita, composte. -eus, -ius (a, um), e et i deviennent g, j ou ch; us devient

e muet.

-ia donne le suffixe ie.

Les verbes latins terminés en ére, élident cet e et vendere fait vendre, molere fait moldre, s'ils n'ont pas passé à la Ire conjugaison, lequel changement est moderne. Les anciens disaient pour affliger afflire,―pour imprimer, empreindre. D'autres ont passé à la seconde sapere, savoir, et d'autres à la quatrième ourere, courir, fugere, fuir, invadere, envahir.

Des verbes paroxytons en ere ont été traités en proparoxytons, comme si leur infinitif était en ĕre, făcere, faire, plăcere, plaire.

L'e précédant immédiatement la tonique latine se maintient comme e muet en français, ou est englouti ou absorbé par la tonique: securus, seür sûr, sedére, sëoir seoir, (pour le distinguer du subst. soir), medulla, mëolle, augurium,, eür eur, heur, cellarius, cellier, celare, celer.

L'e dérivé des voyelles atones en avant de la tonique.

Souvent la voyelle primitive atone longue, précédant immédiament la tonique, est abandonnée ou s'affaiblit en e muet: fundamentum fondement, parlamentum, parlement, vestimentum vêtement, peregrinum pèlerin.

M. Scheller cite le passage suivant de Diez. "Les voyelles atones destinées plutôt à faire nombre et indifférentes quant à la nature du son qui les représente, sont livrées au caprice de l'usage. Pour cette raison elles se changent facilement. La transformation de la voyelle atone en e muet est le procédé le plus fréquent."

L'a devient e muet dans: caballus, cheval, canalis, chenal, caminus, chemin, cerasus, cerise, camisia, chemise, clavicula, cheville, chenet, canis, canicula, chenille, canutus, chenu, canalis, chenil, capillum, cheveu, capreolus, chevreuil, capronem, chevron, casa, chez, gravare, grever, caveola, geôle, jactare, jeter, orphanum, orphelin,

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