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smaraldus émeraude, demorari, demeurer, caput, chevet.

e devient e muet dans: venire venir, tenere tenir, fenuculum fenouille, septimana semaine, secretum secret, secundum second, colucula quenouille, Johannes Jehan Jean.

i devient e muet dans: Dionysius, Denys, dimidius, demi, minutus, menu: sigillum, sceau, fidelis, féal. Souvent l'e muet de l'ancienne langue a été remplacé arbitrairement par un e fermé: déluge, communément, fléau flagellum, bitumen béton.-La terminaison -imentum devient ement, vestimentum vêtement, pavimentum, pavement.

o devient e muet dans: domicellus damoisel, demoiselle, domane demaine, domandare demander.

u devient e muet dans: succurrere secourir, summonĕre semondre, sublongum selonc, selon, juniperus, genoivre, genièvre.

Immédiatement avant la tonique, la voy. atone se change rarement en e muet; pergamenum, parchemin, cœmeterium, cimetière, inimicum ennemi, Ingulisma, Angoulème, divisare, deviser.

L'e muet dont j'aurai à parler peut se définir comme l'e inaccentué à la syllabe ouverte, c'est-à-dire l'e inaccentué qui termine la syllabe. Je traite comme des syllabes ouvertes la terminaison es et la terminaison ent à la troisième personne du pluriel du verbe, puisque l's et le t se prononcent seulement quand le mot suivant commence par une voyelle, et que dans ce cas ces deux lettres s'unissent étroitement avec la syllabe suivante. L'e inaccentué à la syllabe fermée, c'est-à-dire dans une syllabe qui se termine par une ou deux consonnes, n'est jamais muet, mais prend tantôt le son de l'e ouvert, tantôt celui de l'e fermé.

Mon travail se divise tout naturellement en deux parties, L'E

MUET DANS LES MONOSYLLABES et L'E MUET DANS LES POLYSYLLABES.

PREMIERE PARTIE.

L'E MUET DANS LES MONOSYLLABES.

Les mots dont seulement il peut s'agir dans cette partie sont ce, de, je, le, me, ne, que, se, te.

Etymologie. Ce vient du latin ecce-hoc, et a passé par les formes izo, iczo, iço, ceo, ço, ce.—De est la prépos.lat. dě. Je vient du lat. ego, au neuvième siècle eo et io, plus tard jeo, jo, puis je. -Le, l'art., et Le, pronom personnel; l'art. vient de ille, le pron. vient de illum, lum, lu, lo, le.-Me du latin mě.—Ne de non, nen, ne.-Que, pr. rel., d'après Brachet du latin quem ; que (conjonction), du latin quod, ou d'après Herrig de qui local, d'après Pietri de quid. Se du latin se.-Te du latin tě.

Pour l'histoire de la prononciation de ces mots, je cite :

Palsgrave, p. 3: "The e in me, le, de, has the sound of the

Italian e.'

دو

M. Quicherat, p. 57: "L'e muet, terminant un mot et suivi d'une voyelle ou d'une h aspirée ne compte pour rien dans la mesure du vers, il y a alors élision. Au moyen âge, chez nos très-anciens poètes, cette élison ne se faisait pas toujours, et l'e muet suivi d'une voyelle pouvait compter pour une syllable." P. 394: Il répète la même observation et parle spécialement de je, ce, ne, qui ne souffraient plus l'élision. Il continue: Cela vient sans doute de ce que l'e n'était pas muet, comme il l'est aujourd'hui, il affectait la prononciation tantôt de ou, tantôt probablement de l'é fermé.

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La première de ces prononciations n'est pas douteuse, puisque l'ancienne écriture en fait foi. Le pronom je était primitivement jo ou jeo, ce était ço ou ceo (Raynouard, Gram. de la langue romane t. I p. 52 et suiv., c'est l'italien co, cio.)

Quant à ce, ne, que, ils pouvaient prendre le son de l'éfermé, comme dans la prononciation italienne :

Dit Olivier: Io ai paiens vu. Rol.

Ne vous ne il n'y porterez le pied. Rol.
L'omission de ces liaisons est extrêmement fréquente.

Se il fust vif, jo l'eusse amené. Rol.
Puisque il est sur son cheval monté. Rol,

C

Cette licence avait disparu au seizième siècle. Encore aujourd'hui l'art. le ne souffre pas l'élision devant certains mots commençant par une voyelle, mais auxquels la prononciation prête une consonne initiale, comme le oui, le onze."

Page 413, et suiv. "Les plus anciens poètes traitaient ce employé absolument, comme une syllabe accentuée. L'e de ce, alors écrit ço, ceo, de le qui se rapprochait de l'italien lo, je de jo, placé après le verbe, n'était pas muet, puisqu'on lui donnait, à cette place la valeur d'une syllabe.

A lui lais jo mes honneurs et mes fiens. Rol.
Serveie le par feid et par amur. Rol.

Et grand joie de ceo que li enfez fu né. Rol.
Jà ne reviègne jou, ce ni fiert de m'épée. Alex.

Avec l'élision omise: Securez-le a vos espiez tranchant. Rol.
Car ce est digne de mémoire. Christine.

Cet e muet conserva la même valeur jusqu'à la fin du quinzième siècle.

Dechassez-le par main gladiatoire. J. Mariot.

Avis de ce, figur fait entendre. Crétin.

Que disais-je de les gens au surplus. Le Maire.

Mais dès la même époque un système différent s'était produit ; il consistait à rendre ces finales complètement muettes, à leur retirer l'accent qu'elles avaient, et à le rapporter sur le mot précédent : pource (comme source), au lieu de pour ce :

Pour ce est fol qui s'enorgueillit. Jubinal, (comp. p. *)
Otez-le en sus de vous, si qu'elle n'y revienne. ib.
Pour ce, y mit nature délit. Rom. de la Rose.

Tout ce est le proufit de l'armée. Christine.
Faites-l'entrer si vous l'oyez hucher. Villon.
Avec ce il aura le bon jour. Villon.

Pour ce aimez tant que vous voudrez. id.

Ecrivez-le en vos cœurs, car il est véritable. Martin Lefranc.
Et pour ce à mon point je reviens. Coquillart."

Au XVIme siècle on trouve dans les plaintes de la sotte commune par Gringoire :

Le second sot: Qu'i a il? Qu'esse, que cherchez ?
Dans Louis IX. dans la sainte terre par le même auteur:

Quel lieu esse-là ?

Et en un mot pource que le conseil de Dieu est incompréhensible. (Calvin Conf.) comp.*

"A partir de Marot jusqu'à Racine l'élision a été de rigueur:

Et maugré la tempête et le cruel effort.

De la mer et des vents, conduisez-le à bon port. Ronsard.
Prenez-le il a mangé le lard. Marot.
Connois-le, et n'emprunte plus rien

Des richesses de l'Italie. Maynard.

Cette manière de prononcer donnait lieu à de très-mauvaises rimes, avec raison on était revenu à la première manière." Q. Voyez le après l'Impèratif, p.* et*.

Ici je trouve nécessaire d'ajouter quelques remarques sur les sources où j'ai puisé.

La première de ces sources est le théâtre. Je parlerai d'abord des pièces en vers (tragédies et comédies), et je commencerai par faire observer que la prononciation de ces monosyllabes que j'ai remarquée, et que je vais noter, ne s'accorde nullement avec les règles préscrites par M. Legouvé.

M. Legouvé (L'Art de la Lecture),p. 177, dit pour la prononciation de l'e muet entre autre: "Il faut tenir compte du nombre des auditeurs, de la grandeur de la salle. Le petit comité s'accommode d'un certain laisser-aller qui donne à la diction la grâce du naturel."—" Il faut sous-exprimer les e muets, non pas les supprimer."

Mais,p. 178, il dit: "Pour la poésie, pas de concessions, la règle doit être inflexible, invariable, draconienne. Le salut des vers est à ce prix. Manquer aux lois de la prononciation, c'est manquer aux lois de la poésie même. Le lecteur qui ne prononce pas les e intermédiaires fait un vers faux. Celui qui retranche l'e muet final fait un vers masculin d'un vers féminin.' "Dans le vers du Misanthrope: Allez, je vous refuse! supprimez l'e intermédiaire et dites, comme les trois quarts des comédiens: Allez, je vous r'fuse! et l'effet est sec et dur. Mais appuyez fortement sur cet e prétendu muet, et le refus d'Alceste prend une grandeur presque tragique ! Allez je vous refuse!"

Or, j'ai noté six cents cas de suppression de l'e dans les monosyllabes, et à la première syllabe de polysallabes, dans les pièces de théâtre en vers. Pour l'e final, il ne se prononce pas du tout comme M. Legouvé l'exige. Cet e est sensible, dans le vers comme en prose, après certains groupes de consonnes seulement. Ces nombreuses infractions aux règles à la Comédie Française, où, surtout dans les tragédies classiques, avant la représentation tous les mots, toutes les syllabes même, sont étudiées, quant à la quantité, à l'accent et à la prononciation des finales, je me les explique

comme causées par l'influence toute puissante de la prononciation des mots en question dans le langage familier, et par la répugnance inconsciente des acteurs de prononcer d'une manière tout à fait différente de la prose. En prose on n'entend jamais prononcer : suis-jeu, tout leu monde, tout ceu que, est-ceu vrai? L'e dans le second mot est toujours nul. C'est pour cette raison que les acteurs, eux aussi, le prononcent ainsi en récitant des vers. Un bon acteur, tels que sont les acteurs des deux théâtres que j'ai fréquentés, en jouant son rôle, fait sentir qu'il dit des vers seulement par l'accentuation un peu plus forte de la dernière syllabe sensible avant la césure, et par l'accentuation assez forte de l'avant-dernière syllabe du vers. Pour le reste il est tout entier à son rôle, les mots qu'il dit expriment les sentiments qu'il prête à la personne qu'il représente, il parle comme celle-ci aurait parlé dans la même situation. Mais la gravité du sujet, et la circonstance qu'il doit se faire entendre par un grand auditoire l'obligent à parler plus lentement, qu'il ne le ferait en récitant de la prose ou des vers en petit comité. C'est pour cette raison, mais non pas pour faire sentir qu'il dit des vers, qu'il prononce (excepté les formules composées du verbe être et de l'adjectif démonstratif ce, les formules tout ce que, tout le monde, les formules où les pronoms personnels se trouvent devant la négation ne, où je et ce sont placés après le verbe, et celles où de est proclitique) l'e de nos monosyllabes. Au Théâtre Français on ne fait, de plus, point ressortir les rimes, de sorte qu'un étranger au commencement d'une pièce a quelque difficulté à s'apercevoir si une pièce est écrite en vers.

De l'autre côté, M. Morin veut qu'on prononce les vers comme la prose. Il dit, p. 14, que l'e est muet ou nul lorsqu'on le supprime, comme dans le corps des mots et à la terminaison de toutes les finales féminines. Il figure comme ceci la prononciation en vers: Si votr'Almaviva n'est pas en cett'vill'.

Que f'réz-vous, ma cher', au balcon d'Sévill' ?

Dans l'édition de 1873 il dit que l'e muet est sensiblement guttural, et il choisit ces vers de Racine pour figurer la prononciation qu'il demande :

Au pětits des oiseaux il donn' la pâtur'

Et sa bonté s'étend sur tout'la natur'.

Dans ces quatre vers il y a cinq e muets que d'après M. Legouvé il faudrait prononcer, mais qui d'après M. Morin seraient nuls, (comp.*)

M. Lesaint dit, p. 49: "Dans la poésie lue ou déclamée, la prononciation est tout à fait la même que dans la prose. Il n'y a de différence que dans l'expression des sentiments, plus vives en

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