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DOCUMENS

POUR L'HISTOIRE DE CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE.

Observations préliminaires.

Les documens qui suivent sont, à l'exception de ceux qui portent les nos I, II, III et XLIII, extraits d'un registre intitulé Wetvernieuwingen van 1443 à 1480, lequel fait partie des archives de la ville d'Ypres (1).

Personne ne contestera que le règne de Charles-le-Téméraire soit une des époques de nos annales qui méritent le plus d'être étudiées, et l'une de celles aussi sur lesquelles nous possédions le moins de renseignemens. Les historiens contemporains, Commines, Olivier de la Marche, et autres, entrent dans peu de détails sur les événemens

(1) Ce registre, qui, d'après le titre qu'on lui a donné, ne contiendrait que les renouvellemens du magistrat, est, en outre, un mémorial, rédigé en flamand, probablement par un secrétaire de la ville, des événemens qui se passèrent à Ypres et en Flandre, de 1464 à 1480, et dans lequel ont été insérées toute sorte de lettres adressées aux membres de Flandre ou au magistrat d'Ypres, et d'autres documens parvenus à la connaissance du compilateur. C'est un recueil qui a été formé avec soin.

MM. les bourguemaître et échevins d'Ypres ayant bien voulu, à la demande de M. le ministre de l'intérieur, m'envoyer le registre, tous les extraits que j'en donne ont été copiés sous mes yeux, et je les ai moi-même collationnés. Je puis donc en garantir la parfaite exactitude.

qu'ils racontent, et encore ne s'attachent-ils guère qu'au récit des batailles ou des séditions, les seules choses qui parussent aux écrivains anciens dignes d'être connues de la postérité : des notions sur l'état intérieur du pays, des détails de mœurs, des faits propres à caractériser l'esprit des peuples, ce serait vainement qu'on en chercherait dans leurs ouvrages. Comment pouvoir juger, d'après des renseignemens qui laissent tant à désirer, un règne auquel appartient une place si marquante dans notre histoire? Comment pouvoir apprécier la peinture que l'on nous a transmise, de cette grande figure de Charles, qui, avec celle de Louis XI, occupe le premier plan dans le tableau de l'Europe pendant l'espace de temps qui s'écoula depuis la ligue du bien public jusqu'à la bataille de Nancy?

Fortement préoccupé de cette idée, la recherche de documens relatifs à cette période de l'histoire belgique est un des objets auxquels j'ai toujours consacré mes soins, dans les inspections que j'ai été chargé de faire des dépôts de titres qui existent dans nos provinces. Je n'avais encore obtenu, de mes efforts dans ce but, que des résultats peu importans, lorsque, visitant, au mois de septembre 1832, les archives d'Ypres, j'eus le bonheur d'y découvrir les pièces que je publie aujourd'hui. Je fus d'autant plus joyeux de cette découverte, que le registre qui les contient a tous les caractères d'authenticité désirables (1).

Aux documens tirés des archives d'Ypres j'ai joint quelques pièces que j'avais trouvées ailleurs. Le tout forme une collection qui mérite, j'ose le dire, de fixer vivement l'attention des amis de l'histoire. Il me suffira de citer le manifeste du comte de Charolais contre les seigneurs de Croy; la supplique qu'ils lui adressèrent pour se réconcilier avec lui après la mort du duc son père; ses lettres au magistrat d'Ypres sur ses expéditions dans le pays de Liége; le récit de ses premières entrevues avec Louis XI à Péronne, avec l'empereur Frédéric à Trèves ; la relation de l'assemblée solennelle où les Gantois vinrent faire amende honorable de leur rebellion; les lettres et mandemens relatifs aux difficultés que Charles éprouva en Flandre pour la levée de gens de guerre, et qui dénotent la répugnance que les Flamands avaient à le servir. Quelques détails qui n'étaient pas connus

(1) M. Lambin, archiviste de la ville d'Ypres avait fait mention de ce manuscrit dans sa Tydrekenkundige Lyst, enz., mais il n'avait donné aucuns d'étails

sur son contenu.

se feront lire avec intérêt dans l'espèce de chronique des événemens qui se passèrent de 1472 à 1479 (no XLJII).

Mais les pièces principales de cette collection, celles dont je regarde la découverte comme une véritable conquête historique, ce sont les discours de Charles aux états de Flandre et à leurs députés en 1470 et 1475. C'est là qu'il se revèle tout entier ; c'est là que son caractère se montre à nu: tout ce que l'on en a publié est bien pâle auprès de l'énergique expression de ces actes authentiques.

Quoi de plus caractéristique que ces paroles adressées par lui, le 25 mai 1470, aux députés que les états de Flandre lui avaient envoyés à Middelbourg, pour s'excuser de consentir à l'aide de cent vingt mille écus qu'il avait demandée à tous ses pays : Je say bien qu'il en y a des aulcunś qui me hayent ; et, entre vous, Flamengs, avecq vous dures testes, avez tousjours contempné ou hay vostre prince, car, quant ilz n'estoient point bien puissant, vous les contempnastes; et, quant ilz estoient puissans et que vous ne leur povoyés rien faire, vous les haystes. J'AIME MIEULX QUE VOUS ME HAYÉS (HAÏSSIEZ) QUE CONTEMPNEZ; ne pour vous previleges, ne aultrement, ne me lesray (laisserai) fouler, ne emprendre riens sur ma haulteur et seignourie, et suy puissant assez pour y resister......?

Ses deux discours aux états, qu'il avait fait assembler à Bruges au mois de juillet 1475, ne sont pas moins remarquables. Il leur y reproche leur ingratitude et leur lâcheté, pour ne lui avoir pas fourni, dans son expédition contre Nuys, les secours qu'il leur avait demandés; il leur déclare que, puisqu'ils n'ont pas voulu être gouvernés sous lui comme enfans sous père, ils seront gouvernés dorénavant comme sujets sous leur seigneur ; qu'il demeurera prince tant qu'il plaira à Dieu, malgré la barbe de tous ceux à qui il en deplairoit, et dont il n'a nulle peur. Il termine, en ordonnant aux prélats, aux nobles et aux villes d'observer ses mandemens: aux prélats, sous peine de perdre tout leur temporel; aux nobles, sous peine de confiscation de corps et de biens : les députés des villes, qu'il désigne par l'appellation de mangeurs des bonnes villes, il les menace de la perte de leurs biens et de leurs priviléges.

Les Flamands veulent se justifier. Il leur rend avec aigreur leur représentation, disant : Il ne m'en chault (il ne m'importe ) de vostre escript; faictes en ce que bon vous semble, et respondés y vous meismes; mais faictes vostre debvoir. C'est encore dans cette occasion, qu'il leur dit qu'il ne savait si ses sujets de Flandre croyaient

étre eux-mêmes seigneurs et princes du pays, ou ses compagnons; que, si telle était leur intention, ils s'abusaient fort, et, s'ils ne prenaient autre entendement, il leur montrerait bien le contraire, et ne leur conseillait point de l'expérimenter.

Je m'étais souvent demandé, et d'autres peut-être se seront adressé aussi la même question, en considérant la réaction qui, à la nouvelle de la mort de Charles-le-Téméraire, se manifesta en Flandre contre le pouvoir souverain; les cruautés qui y furent commises envers ceux qui avaient eu part à la confiance de ce prince; les concessions que les Flamands, et, à leur exemple, les états des autres provinces, arrachèrent à la faiblesse de la duchesse Marie, sa fille; je m'étais demandé, dis-je, quelles pouvaient avoir été les causes d'une irritation aussi extraordinaire. Je ne trouvais pas que la haine des Flamands fût suffisamment justifiée par tout ce que rapportaient nos historiens: depuis que j'ai lu les discours dont il est question ci-dessus, les événemens qui suivirent la mort de Charles se sont expliqués tout naturellement à mon esprit.

Il est un document qui aurait ajouté beaucoup à l'intérêt de la collection que je livre au public, mais que je n'ai pu parvenir à trouver jusqu'ici, ni aux archives du royaume, où il a existé autrefois, ni dans les dépôts de nos provinces que j'ai visités. Voici comme ce document est indiqué dans une liste, formée vers l'année 1760, de quelques pièces provenant des archives du conseil des finances, sauvées de l'incendie du palais en 1731:

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« 19 decembre 1470. Copie d'une lettre du duc de Bourgogne, de << Brabant, etc., aux états des provinces belgiques, par laquelle ce duc, informé des plaintes que ses sujets ne cessent de faire 1o de «la surcharge dans les aides; 2o de ce que les emplois de bailli, « prévôt, et autres semblables, sont donnés en ferme à trop haut prix; 3o de ce que les tenant-fiefs sont trop gênés dans le service qu'ils doivent au souverain pendant la guerre, déduit au long les << motifs qui tendent à démontrer combien ces plaintes sont mal fon«dées : il allègue que des murmures si déplacés le fatiguent, et qu'il est prêt à se déporter de la souveraineté, s'il n'est pas agréa«ble à ses sujets; il finit cependant par les exhorter à le secourir « dans la guerre qu'il soutient pour leur défense. >>

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Aucun historien, que je sache, n'a dit mot de cette offre, ou, si l'on veut, de cette menace d'abdication.

I.

Lettre de Charles, comte de Charolais, aux bourguemattres, échevins et conseil du Franc de Bruges, contenant un exposé de ses griefs contre la maison de Croy: 12 mars 1465 (1).

(D'après l'original, reposant aux archives de la province, à Bruges).

LE COMTE DE CHARROLOIS, SEIGNEUR DE CHAS-
TEAUBELIN Et de Bethune.

Tres chiers et bien amez, vous scavez comment, grace à Dieu, mon tres redoubté seigneur et pere a longuement, haultement et grandement regné en seignourie, tellement que, par le moyen des grandes et notables virtuz qui ont esté et sont en sa personne, il a mise et eslevee ceste maison de Bourgoingne, dont il est le chief

(1) Cette lettre, qui fut adressée par le comte de Charolais à toutes les principales villes des Pays-Bas, a été imprimée dans les Preuves de l'histoire de Bourgogne, par les bénédictins, t. IV, p. ccxlviij, dans le 3 volume des Chroniques de Monstrelet, fol. 107 et suiv., édit. de 1603, et dans les Mémoires de Du Clercq, t. IV, p. 99, édition publiée par M. de Reiffenberg, mais avec tant de fautes, qu'il était essentiel d'en donner une leçon correcte. Dans celle qu'offre l'Histoire de Bourgogne, il manque un passage tout entier, qui ne fait pas moins de soixante lignes de manuscrit.

Pour connaître plus particulièrement les causes de la haine que le comte de Charolais avait conçue contre la maison de Croy, il faut recourir à Monstrelet et Du Clercq, ainsi qu'aux Mémoires d'Olivier de la Marche.

Un document qui se conserve aux archives provinciales du Hainaut montre le degré d'intimité qu'il y avait entre les seigneurs de cette famille et Philippe

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