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lesquelz n'ont garde (a). Et se trouva mondit seigneur, à tout sa longue robe, au millieu de ses gens de piet, qui furent lors reboutez des ennemis sans dommaige; mais incontinent survinrent aucuns de la garde, la compaignie de messire Phelippe de Berghes et celle de mons de Chanteraine, avecq aultres, qui mirent tout à execucion, et estoyent les hommes d'armes et archiers bien avant dedens le Ryn pour mettre à mort ceulx qui se cuidoient sauver oudit Ryn : qui estoit une mervilleuse chose. Et ne furent prins pour ce vespre nulz prisonniers, mais fut tout mis à mort, nonobstant que l'on cuida sauver de bien notables chevaliers et aultres qui vouloient donner ij, iij, iiij, v et vjm. florins (6). Depuis icelle escarmuche, lesdits Allemans se sont doulcement accordez au partement et à la maniere de marchier, chascun contre son pays (c), et mondit Sr aussy, au tres grant honneur de mondit Sr. Toute l'artillerie qui par lesdits Allemans avoit esté desrobee faulsement, sera demain rendue à mondit Sr, et puis se poura partir mondit Sr dedens merquedi ou jeudi, pour tirer contre le pays. Et, se il vous samble bon, vous en pouriés advertir le roy vostre frere, et n'y a aultre chose digne d'escripre pour le present. Ma tres redoubtee et souveraine dame, etc. Escript au champ assez prez de cellui dudit empereur le mardi xxe de juing anno lxxv.

Vostre tres humble et tres obeissant

subget et serviteur,

G. DE LA ROCHE.

A ma tres redoubtee et souveraine dame madame la duchesse de Bourgoingne.

(a) Lesquelz n'ont garde. On touve dans Roquefort garde, dommage. N'est-ce pas dans ce sens que ce passage doit être entendu ?

(b) Pour leur rançon.

(c) Contre son pays, vers son pays.

XL.

Discours du duc aux députés des trois états de Flandre qu'il avait fait assembler à Bruges: 12 juillet 1475 (1).

Rapport de la remonstrance faicte par monseigneur le duc aux deputez des trois estaz de Flandres, pour ce assemblez à Bruges, le xij de jullet lxxv.

Premierement, apres retraicte faicte, par l'ordonnance de mondit seigneur, de ceulx qui l'avoient servi personnelment en son siege de Nuss, dit mondit seigneur que s'estoit trouvé en grande perplexité par pluiseurs et diverses fois, pensant et aiant souvenance des rappors qui lui avoient esté faiz par diverses fois, et de divers lieux et personnes, non pas de ceulx du pays, mais de divers lieux loingtains outre la mer, lesquelz rappors contenoient en effect que ceulx de Flandres, et mesmement les principales villes, delaissoient mondit seigneur, et n'en se povoit aydier en sa necessité, ne en son plus grant besoing, selon son espoir et intencion.

Dist outre que ausdits rappors il avoit volu (a) de prime face ajouter foy ne credulité, ayant regart aux

(1) Après avoir fait la paix à Nuys avec l'empereur, le duc ramena son armée à Namur. De là il se rendit à Bruges, où, le 12 juillet 1475, il fit cette remontrance aux trois états de Flandre. (Registre d'Ypres.)

(a) Il avoit volu, lisez : il n'avait voulu.

grans services et plaisirs que, de (a) son enffance, il avoit fait à sondit pays de Flandres, et aussi à pluseurs grans services que ledit pays lui avoit fait en diverses manieres, tant du temps de feu monseigneur son pere, que Dieu absoille, que aussi depuis son advenement à seignourie; lesquelz services et plaisirs tant avoient obnebulez (6) les yeulx de son entendement, que en maniere quelcunque il ne savoit ne povoit donner lieu de credence ausdits rappors, ains les reputoit lors sinistres et non veritables.

Dist en outre que, pour ce que lesdits rappors lui estoient si souvent reiterez, et mesmement en l'entreprinse de son voyage de Nuss, et environ le temps qu'il se disposa de y aller, que l'on lui rapporta que lesdits de Flandres avoient tenu aucunes secretes assemblees et conseilz, par lesquelz ilz avoient deliberez de lui non faire assistence ne service à l'encontre de l'empereur ne du roy de France, il commencha plus avant penser à ladite perplexité, sans toutesfois y adjouster plaine foy.

Dist encores que, en procedant ou fait de sondit voyage, et voyant que, sans charoy, pionniers, mannouvriers et picquenaires, il ne povoit assigir (c) villes ne forteresses, ne faire faire approches, tranchiez (d) ne aultres choses necessaires, il requist ausdits de Flandres, par ses lettres et mandemens, de les avoir, et les actendist certain temps, endedens lequel nul n'y vint ne comparust de par sondit pays laquelle chose voyant, et congnoissant leur laicheté acoustumee, et qu'ilz ne scevent riens faire en temps deu, que reviengne au prouffit d'eulx ne d'autruy, ne dont ilz aient grace, cuida que ce

(a) De, pour dès.

(b) Obnebulez, obscurci, couvert de nuages.

(c) Assigir, pour assiéger.

(d) Tranchiez, pour tranchées.

eust esté par leurdite laicheté, et par ce se deporta encores de soy arrester ausdits rappors.

Dist en outre que, certain temps apres, aucun charroy, pionniers et mannouvriers, en bien petit nombre, feurent envoyez audit lieu de Nuss, lesquelz par lui veuz, et considerez que lesdits de Flandre ne firent autre devoir, ses yeulx commencherent esclarsir de l'une des nueez dont ilz avoient esté obnebuliez, et il commencha à veoir plus cler, car il estoit au vray adverti que ceulx de sondit pays fort murmuroient, à cause desdits charroy, pionniers, mannouvriers et picquenaires, à cause de la grande subvencion de ve, m. ridres (1) qu'ilz avoient presentement à supporter pour le fait des guerres.

Dist en outre que, pour les choses que dessus, lesdits de Flandres n'avoient aucune cause de murmuracion, car, touchant lesdits charroy, pionniers, etc., il les avoit mandé à ses despens et à sa charge, et que le plus estraingne d'Avergne (a) les auroit en ceste maniere, par quoy lui, qui est prince, les devroit bien avoir; et, d'autre costé, touchant ladite subvencion, aussi n'avoit il cause, car ceulx qui disoient de payer leur part de vo ̧ m. ridres ne disoient pas la verité, mais mentoient et mentiront toutes foys qu'ilz le disront, car, au commenchement de la subvencion presente, ilz payerent leur part et porcion de l'autre ayde de dix cens mil ridres à lui accordez à cause de son advenement à sa seignourie et de son mariage, laquelle subvencion il avoit quictié, en acceptant ceste presente subvencion (2); et, par ainsi,

(1) En 1473, les états de tous les pays du duc lui accordèrent une aide annuelle de 500,000 écus, dont il fut déclaré que personne ne serait exempt. (Voy. Analectes belgiques, p. 145.)

(a) Le plus estraingne d'Avergne, pour, je crois, le plus étranger d'Auvergne : c'était, probablement, une locution en usage dans ce temps.

(2) L'aide de 500,000 écus n'avait été accordée, qu'à condition que toutes les autres aides consenties antérieurement au profit du duc, à quelque titre que ce

mondit seigneur paye meismes plus de la moictié desdits cincq cens mil ridres, et y mect avec ce grant partie de ce que ses predecesseurs lui ont laissié; et se vive et entretient, chausse et veste (a) de partie de son demaine seulement, où sesdits predecesseurs se soulloient (†) entretenir des aides, et il est employant tout le residu pour la deffence de sesdits pays, seignouries et subgetz, mesmement de sondit pays de Flandres, lequel il a tousjours singulierement amé, et que, pour ladite deffence, il n'avoit espargnié son corps, ses armes et sa chevanche (c), laquelle il y avoit premierement employee, ne aussi ses gens et ses subgectz, et que ce qu'il faisoit ou fait de ladite deffence servoit plus pour sesdits subgetz de Flandres, leurs femmes, biens et enffans, que pour lui, qui se trouve en continuelle sollicitude et labeur: car, quant ilz dorment, il veille; quant ilz sont ou chault, il est ou froit; quant ilz sont en leurs hostelz, il est en la pleuve (d) et ou vent, et, quant il jueune, ilz sont en leurs maisons, buvant, menguant, eulx tenant bien aises. Et aussi ce qu'ilz en payent, ilz le donnent à eulx mesmes et pour leur seurté, et point à lui, qui a la moindre part oudit pays, et sesdits subgectz la plus grande, comme il le disoit estre tout cler, car telle ville est en sondit pays, qui a plus de rentes bien revenans, que ne monte son demaine qui (e) prent oudit pays; leur interdisans, pour

fût, cesseraient. Quant aux subventions votées en 1468, par les quatre membres, en faveur des duchesses et du bâtard de Bourgogne, et dont il est question ci-dessus, page 191, elles continuèrent d'être payées. (Comptes des villes et châtellenies de la Flandre.)

(a) Et se sive et entretient, chausse et veste, et il vit, s'entretient, se chausse et se vêt.

(b) Soulloient, étaient accoutumés de.

(c) Sa chevanche, ses biens, ses facultés.

(d) Pleuve, pour pluie.

(e) Qui, pour qu'il.

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