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XVII.

Réponse du conseil privé à la lettre du roi : 12 décembre 1597.

SIRE,

Le xxixe de novembre dernier, monseigneur l'achiducq d'Austrice, nostre gouverneur general, nous a delivré les lettres de credence qu'il a pleu à vostre ma" nous escrire du x* de septembre dernier, en vertu desquelles son alteze nous declaira la benigne resolution que vostre ma dict avoir prinse pour le propre bien, repos et tranquillité de ces pays (qu'elle a tant chery et aymé), nous asseurant que aurions plaisir et contentement de ce qu'il nous proposeroit de sa part.

Sur quoy, sire, nous ne pouvons nier que, entendans une telle, si grande et importante resolution, tant du mariaige de la serenissime infante, sa fille aisnee, avecq ledict Sr archiducq, et la dotation et partaige d'icelle des pays patrimoniaulx de pardeça et de Bourgoingne, nous avons esté de prime face fort esmerveillez et estonnez, comme si vostre ma" nous vouloit quicter et delaisser doiz son vivant, levant la main de nous : mais, considerans de plus pres que tout cecy ne se faict que à tres grande et meure deliberation, et pour plusieurs pregnantes et grandes considerations ayans meu vostre ma", mesmement pour une singuliere affection et amour paternelle qu'elle a tousjours porté et porte non seulement à sa tres

bonne et tres aymee fille et audict Sr archiducq, son frere et nepveu, mais aussi, comme portent les lettres de vostre ma", pour le bien, repos et tranquillité d'iceulx pays qui luy sont demeurez et à ses predecesseurs si fidelz et obeyssans par tant de centaines d'annees, sommes persuadez et croyons facillement que cela pourroit estre ung moyen en apparence pour nous remectre en repos et tranquillité, selon que vostre ma", doiz le commencement de ces miserables troubles, a prins tant de peine et travaulx pour y parvenir, n'espargnant aulcune despense, ny delaissant voye ou moyen pour cest effect, soit par voye d'armes, pardon, reconciliation, accord, ou aultrement : par où tout le monde a cognu sa naïfve clemence, bonté, prudence et affection vers son peuple.

Par quoy, combien que, par tout le temps qu'elle est nostre souverain seigneur et prince naturel, par l'espace de quarante deux ans et plus, avons experimenté une telle clemence et tant de vertuz royales en icelle, que ne scaurions desirer meilleur et plus bening prince, voires que ne pouvons, sans tres grand marrissement et tristesse, penser à changer de maistre, toutesfois, comme nous avons aussi estimé sa grande prudence, et qu'elle scait mieulx ce qu'il convient à ces pauvres pays desolez, affligez et quasy ruynez, que ne pouvons nous mesmes comprendre ou imaginer, comme avons esté tousjours tres humbles et tres fidelz subjectz et vassaulx, tres promptz à obeyr à ses royaulx commandemens, nous ne pouvons faillir de nous remectre du tout entre ses bras et à sa volunté, consequamment à obeyr en cecy qu'elle dict avoir ainsi conclu pour le propre bien, repos et tranquillité d'iceulx ses bons subjectz et pays, comme dict est.

D'aultant plus, que ledict Sr archiducq nous a pareillement declairé que le serenissime prince filz unicque

de vostre ma y a consenti et consent; joinct qu'elle ne nous donne ung prince estrangier ou incognu, mais aussi que, pour mary de la serenissime infante, vostre ma a choisy ung de son mesme nom, sang et maison, descendu pareillement de noz princes predecesseurs de vostre ma, l'experience et souffisance duquel nous est desja cognue par deux ans, ou environ, qu'il a eu le gouvernement general de ces pays, et principallement que nous entendons que vostre ma ne veult, en façon que soit, nous desamparer et laisser sortir de sa protection, ains continuer d'y employer ses grandz moyens, puissance et authorité, comme du passé, et comme à chose du tout sienne.

Nous regrettons grandement une chose que noz princes futurs ne trouveront les pays en tel estat que vostre ma les a laissé partant d'icy, estant une grande partie d'iceulx au pouvoir des rebelles et aultres ennemys, et le surplus reduict en termes de tres grande destruction et pauvreté, par si longues, continuelles et cruelles guerres civiles intestines et estrangeres. Mais, par la grace de Dieu, et avec l'assistence de vostre ma", nous ne perdons espoir de les veoir remis en bon cheI min de melioration.

Une chose doncq, sire, nous restera, de supplier tres humblement, comme d'ung point dont depend toute nostre fortune et salut, qu'elle nous veuille ayder et assister de nous obtenir et faire jouyr promptement d'une bonne paix avecq tous les voisins, et nous tirer hors de ces miseres et calamitez esquelles sommes plongez et quasi du tout accablez, tant pour la pernicieuse et detestable guerre civille des rebelles, que pour celle des estrangiers, pour pouvoir réunir et rejoindre l'estat en sa premiere forme et grandeur; preparant une forte et gaillarde assistence à la guerre, tant pour defendre et

asseurer ces pays, que offendre l'ennemy, vray moyen de le mener à la raison par une bonne paix : sans laquelle assistence de vostre ma", faveur dudict seigneur prince et assistence de ses aultres estatz et pays, ne voyons moyen de plus longuement pouvoir subsister, comme l'experience le demonstre par trop, à nostre tres grand regret et crevecoeur dont, apres Dieu, vostre ma nous peult delivrer. Et, en cest endroict, prions le createur, sire, de conserver vostre mat en bonne santé, tres longue et tres heureuse vie, baisans tres humblement les mains d'icelle. De Bruxelles le xije de decembre 1597. A. vt.

De vostre maté

Tres humbles et tres obeyssans serviteurs, les chief president et gens de son conseil privé,

PRATS.

XVIII.

Réponse du conseil des finances à la lettre du roi :
28 janvier 1598.

SIRE,

Monseigneur le serenissime 'archiducq Albert nous aiant faict delivrer, le iije de decembre passé, la lettre qu'il a pleu à vostre ma nous escripre du xe de septembre dernier, nous a quant et quand declairé, par la cre

dence luy donnee, que la volonté d'icelle estoit de luy donner en mariage la serenissime infante, sa fille aisnee, avecq ces Pays Bas et Bourgoingne en dote, le tout avecq l'intervention et du bon gré de monseigneur le prince son filz: proposition que confessons nous a non peu esmeuz, tant pour la nouveauté, poix et importance, aultant qu'aultre dont aions souvenance, que pour ce que, jectans les yeux sur les vertuz, pieté, prudence, equité et doulceur singuliere avecq laquelle vostre ma et ses predecesseurs noz souverains seigneurs et princes naturelz ont de tout temps regy et gouverné ces pays, et sur les grands tresors que icelle, par tant d'annees, a si liberalement employé et dependu pour la manutention de la Ste religion catholicque, et nostre defence contre tant et si puissans ennemys qui de toutes parts nous assaillent et environnent, tellement qu'il nous est à pardonner si apprehendons ce changement, lequel veritablement apprehendrions davantaige, si ce fut en aultre main que celle que nous est declairee. Mais, considerans que ceste resolution procede du propre mouvement de vostre ma, de l'adveu de monseigneur le prince, et que c'est sa tres chere fille douee de tant de vertuz, laquelle debvons recognoistre et recepvoir pour princesse, et que ceste alliance se faict avecq monseigneur l'archiducq, du mesme sang et maison, lequel, en si peu de temps qu'il a séjourné pardeça, a desja donné telle preuve et tant de tesmoignages de sa valeur, vigilance et prudence, et de l'affection particuliere qu'il porte à ces pays, ne fauldrons, tant qu'en nous est, à nous conformer à ce qu'est de sa volonté; declairans que, quand vostre ma sera servie de nous le commander, qu'apporterons aultant de fidelité, promptitude et assiduité au service de la serenissime infante et de monseigneur l'archiducq, comme jusques ores, en acquit de nos charges et functions, avons ap

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