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commission spéciale chargée d'examiner les questions qui se rattachent à cet ordre de choses. Dans les séances de cette assemblée, une autre proposition fut faite celle de former une bibliothèque spéciale de toutes les publications dues à des écrivains belges pendant la période cinquantenaire et de les soumettre à l'examen des visiteurs de l'Exposition.

Cette idée se heurtait à de grandes objections et à de hautes difficultés.

Les créations de l'industrie et de l'art sont des choses immédiatement tangibles et appréciables à la vue d'un objet fabriqué, on a la mesure des perfectionnements accomplis par l'habileté manuelle ou le génie de la science; l'examen d'une suite d'oeuvres d'art nous donne à l'instant la mesure du mouvement esthétique.

Il n'en est pas de même des productions de l'esprit : il n'y a aucun rapport entre les qualités objectives et subjectives d'un livre, entre son cubage ou son élégance et sa valeur intrinsèque.

Le vaste alignement, sur rayons, des livres belges publiés de 1830 à 1880, n'eût pu donner la moindre idée du mouvement intellectuel de cette période. Il n'eût suffi qu'à déterminer la quantité de papier et la somme de labeur typographique dans lesquels ce mouvement se serait condensé, sans fournir même, à cet égard, un résultat statistique utile.

La récolte ou la formation de cette bibliothèque était, du reste, à peu près impossible. Il eût fallu beaucoup de temps, beaucoup d'argent, et plus encore de chances heureuses dans les recherches pour former cet ensemble, dont nul n'aurait pu, d'ailleurs, déterminer la masse.

La commission spéciale, complétant l'idée sortie de l'Union littéraire, proposa d'entreprendre une Bibliographie nationale, c'est-à-dire de dresser le catalogue de ce qui a été publié en Belgique dans toutes les branches des connaissances humaines pendant la période cinquantenaire.

Ceux qui défendaient cette proposition faisaient valoir de sérieux arguments. Faute d'avoir, comme en d'autres pays, recueilli par la voie officielle ou légale une collection des produits de la typographie et d'avoir, pour corollaire, un moniteur de la librairie, la Belgique ne possède dans aucun de ses établissements une réunion d'ouvrages dus à des auteurs nationaux qui soit assez importante pour permettre de dresser le bilan intellectuel du pays; elle ne possède pas davantage des éléments suffisan's pour former une liste immédiate de ce qui a été mis au jour par nos imprimeries.

Une collection complète de ce genre doit exister un jour, soit dans un

seul, soit dans plusieurs de nos établissements littéraires; mais, pour la créer, il faut savoir d'abord de quels éléments elle doit se composer.

Or, par les motifs que l'on vient de dire, nous n'avons sur ce dernier point que des données très insuffisantes. Pendant les premières années qui ont suivi la révolution de 1830, le gouvernement, entièrement occupé de sa défense, de sa constitution politique, de son organisation intérieure, n'a pu songer à tous ses devoirs envers les arts et les lettres.

Il a créé successivement des offices chargés d'opérer les constatations statistiques dans les diverses branches du développement social: population, commerce, industrie, etc. En 1848 seulement, il fit une tentative pour dresser une statistique intellectuelle. A cet effet, il s'adressa à l'Académie royale pour lui demander de se charger de ce travail, qui devait comprendre <«< une appréciation raisonnée, bien que sommaire, des œuvres produites, depuis notre émancipation politique, soit par des indigènes, soit par des étrangers ».

« La connaissance de l'état intellectuel de la Belgique, disait la lettre du ministre, est devenue, pour l'administration, une nécessité à laquelle elle doit se mettre en mesure de satisfaire; la seule nomenclature des auteurs et de leurs œuvres serait déjà d'une grande utilité. » Mais l'Académie, pensant qu'elle ne pouvait entreprendre le travail, déclina la mission que le gouvernement voulait lui confier (').

Un quart de siècle plus tard, en 1875, le gouvernement exécuta une partie de ce programme, non pour le passé, mais pour l'avenir, en créant une Bibliographie officielle. Cette institution, trop peu connue, accomplit une double tâche : elle se procure, non par la voie du dépôt forcé, qui répugne à nos mœurs et produit des résultats incomplets, mais par la voie de l'acquisition directe, un exemplaire de tout ouvrage publié en Belgique, pour le déposer à la Bibliothèque royale, et elle public en même temps un bulletin mensuel de ses acquisitions, bulletin qui permet de constater à tout moment le contingent apporté à la science par nos compatriotes.

Mais pour connaître l'importance du mouvement intellectuel de 1830 à 1880, il fallait donc entreprendre la recherche laborieuse de ce qui a été publié pendant ce demi-siècle, c'est-à-dire exécuter une bibliographie rétrospective de cette période.

Appuyée par diverses autres considérations, cette proposition fut adoptée; mais, en même temps, on résolut d'essayer une exposition des

(1) Voir Bulletins de l'Académie, séance du 3 juin 1848.

ouvrages eux-mêmes en recourant, pour la former, non plus à l'acquisition des objets, mais à la bienveillance des établissements et des particuliers.

Dès lors, la commission directrice officielle institua une commission d'exposition littéraire et de bibliographie nationale, qui, bientôt, se scindant en deux branches, se mit à l'œuvre avec une grande activité. La branche s'occupant de l'exposition adressa des circulaires aux auteurs, aux établissements publics, aux collectionneurs, aux particuliers, et réussit à recueillir un contingent assez considérable d'ouvrages, qui ne pouvait prétendre, sans doute, à réaliser le desideratum primitif, mais qui, néanmoins, comprenait une bonne partie de ce qui s'est produit de meilleur dans les diverses manifestations de l'esprit.

La commission organisatrice de la Bibliographie s'est composée de MM. Aug. De Koninck, bibliothécaire adjoint de la Chambre des représentants, Jules De Le Court, conseiller à la cour d'appel; Ch. Potvin, membre de l'Académie, et Ch. Ruelens, conservateur à la Bibliothèque royale.

Elle fut installée au mois d'octobre 1879 et commença, sans désemparer, le grand travail qui lui avait été confié.

Un crédit fut alloué à la commission pour les diverses dépenses inhérentes à ce travail, mais le concours des membres était purement gratuit.

DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.

Les premières réunions des membres furent consacrées à une discussion approfondie:

1° De ce que devait contenir la Bibliographie nationale;

2o De la manière dont elle serait rédigée.

Il existe d'innombrables nomenclatures des travaux de l'intelligence ou des produits de la presse : bibliographies nationales, professionnelles, littéraires, scientifiques, etc. Se bornant à l'examen de celles qui embrassent l'ensemble de la production littéraire d'une nation, la commission fut promptement d'accord sur un point capital, à savoir qu'aucune de celles qui lui étaient connues ne pouvait servir de modèle à suivre d'une manière absolue pour le travail à exécuter.

La Belgique, ou plutôt les anciens Pays-Bas ont vu apparaître quelques nomenclatures d'ordre général, que la commission a examinées et dont il

ne sera pas inutile de dire ici quelques mots, attendu qu'elles appartiennent à cette longue chaîne dont la bibliographie de 1830 à 1880 ne doit être qu'un anneau.

De ces ouvrages, le plus ancien en date est intitulé: Illustrium Germaniæ scriptorum catalogus, etc., Cornelio Loos Cállidio auctore (Moguntiæ, typi inventricis, 1581). C'est une suite de 89 notices d'écrivains allemands ou des Pays-Bas, suivie d'une nomenclature très sèche et très succincte de leurs ouvrages.

Ce livre n'est qu'un informe embryon de bibliographie: il n'a d'autre mérite que l'ancienneté; on ne le mentionne que pour mémoire.

En 1602, Aubertus Miræus fit paraître ses Elogia illustrium Belgii scriptorum, livre qui n'est pas, à proprement parler, une bibliographie, mais qui, comme le précédent, forme une suite de courtes biographies de cent écrivains nationaux, avec la mention sommaire de leurs ouvrages.

Le première bibliographie digne de ce nom est la Bibliotheca belgica, de Valère André, publiée à Louvain en 1623. Extrêmement remarquable pour le temps où il parut, cet ouvrage ne satisfait point aux exigences de la science actuelle; il est très incomplet, les titres des ouvrages écrits en langues modernes sont traduits en latin, etc.

Quelques années après, François Sweertius met au jour Athenæ Belgicæ sive nomenclator inferioris Germaniæ scriptorum (Antverpiæ, 1628. In-folio).

L'ouvrage est une indéniable copie de celui de Valère André, avec quelques additions et de faibles améliorations.

En 1643, Valère André donne une édition nouvelle, revue et augmentée, de sa Bibliotheca (Lovanii. In-49). Dressée d'après le système suivi précédemment, elle reproduit les mêmes défauts.

L'archidiacre J.-F. Foppens publie à Bruxelles, en 1739, en deux volumes in-4o, une nouvelle Bibliotheca belgica. Établi avec une certaine distinction typographique, orné de portraits, l'ouvrage impose du respect. Il n'est cependant qu'une édition troisième ou plutôt quatrième de Valère André, édition, qui ne dispense pas, comme l'a très bien dit Van Hulthem, de consulter les précédentes, à cause des retranchements et des changements intempestifs que Foppens y a opérés. Néanmoins, les additions qu'il y a faites des auteurs ayant écrit depuis l'époque de Valère André rendent indispensable cette édition, à laquelle Foppens n'a eu que très peu le droit d'accoler son nom. Il n'y a apporté aucune amélioration : comme ses prédécesseurs, sauf de très rares exceptions, il donne les titres des ouvrages

en latin et, dans le petit nombre d'articles qu'il ajoute, il semble avoir eu de souci de l'exactitude.

peu

Enfin, de 1763 à 1770, on voit paraître les 18 volumes des Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des XVII provinces des Pays-Bas, etc., par J.-N. Paquot (Louvain, Imprimerie académique) (').

De grands progrès avaient été accomplis en bibliographie à l'étranger; Paquot étudia soigneusement tout ce que la science avait produit; puis, prenant pour modèle les Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de la république des lettres, du Père Nicéron (Paris, 1727-1745, 43 vol. in-8), il rédigea son ouvrage en introduisant de sérieuses améliorations dans le plan suivi par le savant bibliographe français.

Pour la première fois, nous avons en Belgique un ouvrage dans lequel les titres sont donnés dans leur intégrité et dans leur langue, avec l'indication des diverses éditions, du nombre des pages, de l'imprimerie, etc. Dans tout le XVIIIe siècle, nous ne connaissons, en fait de bibliographies nationales, que deux répertoires qui puissent lui être comparés : la Bibliotheca hispana vetus et nova de Nicolas Antonio, qui parut de 1692 à 1696, et les Scrittori d'Italia du comte Jean-Marie Mazzuchelli (Brescia, 1753-1763), dont il n'a paru malheureusement que les lettres A et B, en 6 vol. in-folio. Celui-ci peut seul être qualifié de supérieur à l'ouvrage de Paquot, sous le rapport de l'érudition et de l'exactitude.

Paquot a donné assez d'extension à ses renseignements biographiques, bien que ceux-ci ne suffisent pas toujours. Mais un grand défaut dépare son ouvrage : l'extrême partialité des jugements très oiseux d'ailleurs

qu'il porte sur les écrivains et les livres.

Malgré ses imperfections, l'ouvrage de Paquot est un monument; il est encore le guide dans notre histoire littéraire, et l'on doit regretter que le monument soit resté inachevé. A voir les matériaux que l'auteur avait rassemblés et qui se trouvent en manuscrit à la Bibliothèque royale, on peut conjecturer qu'il eût fallu dix volumes encore pour le terminer.

Après les Mémoires de Paquot, pendant plus d'un siècle, nous ne voyons apparaître aucune bibliographie nationale; pour toute cette période, nous n'avons d'autres sources d'informations, en ce qui concerne les productions de l'intelligence en Belgique, que des catalogues incomplets ou quelques répertoires spéciaux trop sommaires.

En 1822, la librairie De Mat, la plus sérieuse de la capitale à cette

(') Tirés aussi en 3 vol. in-fol.

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