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imprimées de ce recueil, et exprimé des doutes au sujet de la date présumée de certaines chartes, il n'est point probable qu'au milieu d'un cartulaire dont la plupart des pièces sont de la première moitié du 13e siècle, on ait intercalé quelques actes du 14°; can comment se ferait-il qu'il y en eût si peu de ce siècle, et qu'il n'y en eût pas, pour ainsi dire, de la seconde moitié du 130?

Est-ce réellement le cartulaire d'Oujon que nous publions? Cette question, qui peut surprendre le lecteur, a quelque importance. On a pu croire, en effet, que ce volume était un recueil de pièces relatives à la chartreuse d'Aillon, en Savoie. Il était d'autant plus facile de s'y méprendre, qu'un nombre assez considérable de documents donnent à la chartreuse vaudoise le nom d'Alio, que portait celle des Bauges, dans le décanat d'Annecy1; en sorte qu'à la première vue on pourrait incliner à penser que les actes dont nous parlons se rapportent à l'établissement religieux dont le nom s'est conservé dans celui de la commune assez populeuse d'Aillon, près de Chambéry. Il est tel acte, par exemple le 52o, qui, s'il était détaché, pourrait être considéré comme ayant trait à la chartreuse d'Aillon. Thomas, comte de Maurienne ou de Savoie, dont cet acte émane, était seigneur dans les Bauges, et il n'avait encore que peu de propriétés dans le Pays de Vaud. D'ailleurs, ce prince fut un des bienfaiteurs

recueil des Mémoires et Documents publiés par la société d'histoire et d'archéologie de Genève, recueil que, dans nos citations, nous indiquerons par les signes M. D. G.

1 Elle s'appelait plutôt Allio, et même Haillo, orthographe irrégulière. Voy. la charte de 1220, publiée par M. E. Mallet, dans les M. D. G., t. IV, 2e partie, p. 31.

3 Observation de M. E. Mallet, dans la lettre citée ci-dessus.

de la chartreuse d'Aillon. On le voit paraître en cette qualité dans des chartes inédites de 1202, 1207, 1216'.

Cependant, on ne pourrait prétendre sérieusement que les chartes de notre recueil où se trouve le mot d'Alio (Alionis et de Alione) concernent la chartreuse des Bauges. La plupart sont relatives à des terres situées dans le Pays de Vaud, par conséquent bien éloignées des Bauges, et elles doivent se rapporter à Oujon. De plus, la délimitation du territoire d'Oujon, telle qu'on la voit dès la première charte, divers noms de personnes et de lieux mentionnés dans notre cartulaire, et d'autres indices, ne laissent subsister aucun doute sur l'origine de ce monument historique. Il existe d'ailleurs un cartulaire d'Aillon, manuscrit in-folio, sur parchemin, contemporain du nôtre, mais différent pour la forme et pour le fond'. Enfin, une note isolée, peut-être inaperçue jusqu'ici, qui se trouve à la marge extérieure du dernier feuillet, non écrit et enfumé, de notre cartulaire, contient ces mots abrégés, d'une écriture qui ne ressemble qu'à celle de l'acte de l'an 1306: Notum sit omnibus quod presens liber est de domo augionis ordinis cartusiensis gebennensis dyocesis. La fin de cette note, si elle a été remarquée, a pu induire en erreur et faire confondre la chartreuse d'Oujon avec celle d'Aillon, attendu qu'elles étaient situées l'une et l'autre dans l'ancien diocèse de Genève. Mais le nom d'Augionis, donné à la chartreuse dans cette note marginale et dans un grand nombre de chartes, devait faire penser à Oujon.

1 Des extraits de ces actes nous ont été communiqués par M. de Gingins-La-Sarra. Au surplus, voyez Guichenon, Preuves.

Le cartulaire d'Aillon, volume de 155 chartes, mais dont il manque plusieurs feuillets, se trouve dans la bibliothèque de M. le marquis de Costa de Beauregard, au château de la Motte, près de Chambéry. (Communiqué par M. le Bo de Gingins-La-Sarra.)

Il est assez probable que les chartes d'Oujon, qui dormaient dans les archives de Savoie, y furent déposées lorsque Berne s'empara du Pays de Vaud, ou qu'elles furent transportées à Chambéry à l'époque où la chartreuse d'Oujon, comme on le croit, devint, en 1536, la proie d'un incendie1.

De ces observations, relatives à notre cartulaire, passons à l'examen des formes diverses sous lesquelles se présente le nom de la chartreuse qu'il concerne. Cet examen se lie à la question de l'origine du prieuré d'Oujon, que nous aborderons ensuite. En cherchant la solution de ce problème, nous découvrirons l'époque (du moins probable) à laquelle appartiennent plusieurs chartes, sans date, de notre recueil.

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Le nom de la chartreuse dont il s'agit dans notre cartulaire se présente sous les formes diverses que voici : Allio, Alio, Algio", Augio, Augion, Auion pour Aujon, de Aujuno, de Ojuno, et Oujon 10. Dans quelques actes, le nom du couvent se présente en même temps sous les formes d'Alio et d'Algio "; dans d'autres, sous celles d'Algio et d'Augio 12; enfin, dans l'un, on trouve à la fois Alio, Algio et Augio 15; ce qui prouve qu'on donnait indifféremment l'un ou l'autre de ces noms à la chartreuse d'Oujon.

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Une seule fois.

1 V. le Chroniqueur, par L. Vulliemin, p. 285. Dans 45 chartes (nos 1, 3 à 7, 9, 10, 13 à 17, 21, 22, 24 à 31, 35 à 45, 47, 52, 53, 55, y compris les nos 36 a et b, 39 a et b).

4 Dans 13 actes (nos 12, 49, 50, 54, 56, 81, 85, 87, 93, 95, 113, 116, 117).

Dans 57 chartes, y compris les quelques doubles (nos 19, 46, 57 à 65, 67, 68, 70 à 74, 76 à 80, 83, 84, 86, 88 à 91, 94, 96 à 98, 100 à 112, 114, 115, 120, 121, 123).

6 Dans la charte no 105, deux fois.

• Ibid.

7 Dans la charte no 23.

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Dans la charte no 11.

Dans la charte no 92. 11 Dans les chartes nos 2, 20, 48 et 99 (V. la note de la p. 67). 12 Dans les chartes nos 81, 82, 119.

13 Dans la charte no 118.

Les différentes formes que nous venons d'indiquer dérivent d'une seule, et cette forme primitive, c'est ALGIO, la plus ancienne dénomination de notre chartreuse, comme on le voit par le document no 49. Quoique cet acte ne soit pas daté, il est bien antérieur à l'acte no 48, qui s'y réfère, ainsi qu'au premier du recueil. On peut tenir pour certain qu'il appartient à une époque très-rapprochée de celle où la chartreuse d'Oujon a pris naissance. En effet, parmi les témoins nommés dans cette pièce, Amauri, chancelier de Genève (apparemment secrétaire de l'évêque), le doyen Guillaume Alberici, et Guillaume, doyen de Vuillonnex, paraissent également comme témoins dans une charte de l'an 1148'. On remarque déjà ces trois personnages dans un acte du 24 mars 11342, et on retrouve les deux premiers en 11553: De plus, le doyen Guillaume Alberici et le chanoine Gautier, témoins dans la 49e charte de notre recueil, figurent encore en cette qualité dans un acte de l'an 1164, relatif à l'abbaye de Bonmont". Enfin Etienne, abbé de Chésery, témoin dans la charte concernant Oujon, paraît comme tel dans l'acte de 1155 que nous avons cité. On peut donc affirmer que le 49e document de notre cartulaire remonte au milieu du 12e siècle, et que le mot d'Algio, employé à cette époque, est la plus ancienne dénomination sous laquelle on désignait le monastère d'Oujon.

Avant de chercher à déterminer le sens du nom d'Algio,

1 Voy. M. D. G., t. II, 2, p. 34.

* Ibid, p. 19. « S. Alberici decani. S. Amaldrici cantoris. lelmi decani. »

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Spon, Hist. de Genève, Preuves, III, où Amauri est præcentor.

4 Voy. M. D. S. R., t. V, 1, p. 213.

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indiquons les changements qu'il a dû subir avant de prendre la forme d'Oujon. Et, d'abord, nous ferons observer que le groupe al a été remplacé par au dans un si grand nombre de mots qu'il n'est point besoin d'en citer des exemples. C'est ainsi que le mot d'Algionis a pris la forme d'Augionis, qui se présente dans 57 chartes de notre recueil. Augion est le même nom, avec la désinence française. Le groupe gi a fait place à l'i dans Alio, que nous lisons dans 45 chartes, et la voyelle I a été confondue avec l'I consonne ou J; ou plutôt cette dernière forme, inconnue aux Latins, dérive de I'I, allongé irrégulièrement par les copistes du moyen-âge, qui ajoutèrent à l'I une queue devant les voyelles avec lesquelles il ne formait qu'une syllabe, et lui donnèrent le son chuintant du g doux des Français. Le manuscrit d'Oujon présente une foule d'exemples de ce changement dans les mots Alionis et Aljonis. A la permutation des groupes al et au, et du groupe gi avec i, est due la forme Auion, et le changement de l'i en j a produit celle d'Aujon. La lettre o, comme on le sait, a été déjà très-anciennement remplacée par u: de là Aujuno pour Aujono. De même, la permutation de l'o et du groupe au est ancienne: elle explique la présence de la forme Ojuno pour Aujuno. Enfin, l'affinité bien connue de la voyelle o avec ou, justifie l'orthographe du mot Oujon, mot que l'usage a finalement substitué à celui d'Augion, qui avait été le plus employé dans le langage roman pour désigner la chartreuse vaudoise.

Le sens du mot Algio, soit Augion, vient à l'appui de nos observations. Ce nom doit avoir servi à désigner la nature du site où s'éleva le couvent d'Oujon. Les Chartreux se sont partout établis dans des contrées rudes, àpres, sévères comme la règle de leur ordre, sauvages comme le désert

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