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espérances. Et que pouvois-je espérer de plus glorieux que l'approbation d'une personne qui sait donner aux choses un juste prix, et qui est lui-même l'admiration de tout le monde? Aussi, Monseigneur, si la Thébaïde a reçu quelques applaudissements, c'est sans doute qu'on n'a pas osé démentir le jugement que vous avez donné en sa faveur; et il semble que vous lui ayez communiqué ce don de plaire qui accompagne toutes vos actions. J'espère qu'étant dépouillée des ornements du théâtre, vous ne laisserez pas de la regarder encore favorablement. Si cela est, quelques ennemis qu'elle puisse avoir, je n'appréhende rien pour elle, puisqu'elle sera assurée d'un protecteur que le nombre des ennemis n'a pas accoutumé d'ébranler. On sait, Monseigneur, que si vous avez une parfaite connoissance des belles choses, vous n'entreprenez pas les grandes avec un courage moins élevé, et que vous avez réuni en vous ces deux excellentes qualités qui ont fait séparément tant de grands hommes. Mais je dois craindre que mes louanges ne vous soient aussi importunes, que les vôtres m'ont été avantageuses; aussi-bien je ne vous dirois que

des

choses qui sont connues de tout le monde, et que vous seul voulez ignorer. Il suffit que vous me permettiez de vous dire, avec un profond respect, que je suis,

MONSEIGNEUR,

Votre très humble et très

obéissant serviteur,

RACINE.

PERSONNAGES..

ÉTÉOCLE, roi de Thèbes.

POLYNICE, frère d'Étéocle.

JOCASTE, mère de ces deux princes et d'Anti

gone.

ANTIGONE, sœur d'Étéocle et de Polynice.

CREON, oncle des princes et de la princesse.
BÉMON, fils de Créon, amant d'Antigone.
OLYMPE, confidente de Jocaste.
ATTALE, confident de Créon.

UN SOLDAT de l'armée de Polynice.
GARDES.

La scène est à Thèbes, dans une salle du palais royal.

LES FRÈRES ENNEMIS,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

JOCASTE, OLYMPE. >

JOCAST E.

ILS

sont sortis, Olympe? Ah, mortelles douleurs! Qu'un moment de repos me va coûter de pleurs! Mes yeux depuis six mois étoient ouverts aux larmes, Et le sommeil les ferme en de telles alarmes ! Puisse plutôt la mort les fermer pour jamais, Et m'empêcher de voir le plus noir des forfaits! Mais en sont-ils aux mains?

OLYMPE.

Du haut de la muraille

Je les ai vus déjà tous rangés en bataille;

J'ai vu déjà le fer briller de toutes parts;
Et pour vous avertir j'ai quitté les remparts.
J'ai vu, le fer en main, Étéocle lui-même;

Il marche des premiers, et d'une ardeur extrême
Il montre aux plus hardis à braver le danger.

JOCASTE.

N'en doutons plus, Olympe, ils se vont égorger.
Que l'on coure avertir et hâter la princesse ;
Je l'attends. Juste ciel, soutenez ma foiblesse!
Il faut courir, Olympe, après ces inhumains;
Il les faut séparer, ou mourir par leurs mains.
Nous voici donc, hélas! à ce jour détestable
Dont la seule frayeur me rendoit misérable!
Ni prières ni pleurs ne m'ont de rien servi;
Et le courroux du sort vouloit être assouvi.

O toi, soleil, ô toi, qui rends le jour au monde,
Que ne l'as-tu laissé dans une nuit profonde!
A de si noirs forfaits prêtes-tu tes rayons?

Et peux-tu sans horreur voir ce que nous voyons!
Mais ces monstres, hélas! ne t'épouvantent guères;
La race de Laïus les a rendus vulgaires;

Tu peux voir sans frayeur les crimes de mes fils,
Après ceux que le père et la mère ont commis.
Tu ne t'étonnes pas si mes fils sont perfides,
S'ils sont tous deux méchants, et s'ils sont parricides;
Tu sais qu'ils sont sortis d'un sang incestueux,
Et tu t'étonnerois s'ils étoient vertueux.

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