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de Fleury', Raoul Tortaire (ou Le Tourtier), Hugues de Fleury'. Les ouvrages de ces auteurs, presque tous édités sinon suffisamment critiqués, ont été de nos jours largement utilisés par les historiens.

Mais pour retracer l'histoire de l'abbaye de Fleury, pour déterminer le rôle qu'elle a tenu au moyen âge et mesurer l'influence qu'elle a exercée, on ne doit pas se contenter d'étudier le monument qui en subsiste et de lire les chroniques, il faut encore, et tout naturellement, recourir aux documents de ses anciennes archives. Ces documents, bien qu'ils aient été utilisés dès le xvII° siècle, et qu'un moine même de Saint-Benoit en ait fait entrer un grand nombre dans l'histoire qu'il a écrite de son monastère, sont restés jusqu'ici mal connus par suite de la destruction partielle des archives du monastère au xvr° siècle, et des vicissitudes qu'elles ont subies depuis. Il y avait donc lieu d'en rechercher les vestiges et de former un recueil des chartes qui en proviennent, dont la plupart ne nous sont malheureusement parvenues qu'en copies.

Le lecteur jugera si l'enquête que nous avons faite pour retrouver les chartes de Saint-Benoit, les essais de critique et de classement chronologique auxquels nous nous sommes livrés ont donné les résultats qu'on était en droit d'en attendre, si l'ensemble de ces documents présente quelque intérêt historique'.

1. Miracula sancti Benedicti, lib. IV-VII (éd. E. de Certain, op. cit., p. 173-276); Vita Gauzlini abbatis (éd. L. Delisle, Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais, t. II, p. 257; - éd. Ewald, Neues Archiv der Gesellschaft für altere deutsche Geschichtskunde (t. III, p. 349).

2. Miracula sancti Benedicti, lib. VIII (éd. E. de Certain, op. cit., p. 277-356).

3. Miracula sancti Benedicti, lib. IX (éd. E. de Certain, op. cit., p. 357-371); Historia ecclesiastica (éd. Rottendoff, Münster, 1636, in-4°); extraits par Waitz, Mon. Germ., Scriptores, t. IX, p. 349; Liber modernorum regum (éd. Waitz, loc. cit., t. IX, p. 376); Historia regum Francorum (éd. Waitz, loc. cit., t. IX, p. 395), etc.; Migne, Patrol. lat., CLXIII, col. 791 à 1003).

4 L'utilisation que M. Levison a déjà faite de notre recueil pour l'éclaircissement d'un point de diplomatique porte témoignage de l'accueil bienveillant qu'il a reçu et tout ensemble des services qu'il est appelé à rendre aux historiens. Voy. Wilhelm Levison, Kleine Beiträge zu

Quoiqu'il en soit, les travaux préalables à la publication nous ont permis aussi de constater une fois de plus la nécessité de ne pas séparer l'étude des récits de chroniqueurs de celle des documents d'archives concernant soit les auteurs, soit le milieu où ils ont vécu, soit les institutions dont ils parlent. Certaines chartes viennent compléter les chroniques en permettant de vérifier les assertions de leurs auteurs; il en est d'autres à la sécheresse diplomatique desquelles on ne peut suppléer qu'en recourant aux explications ou aux allusions significatives des chroniqueurs.

Nous nous proposons d'indiquer ici les sources à l'aide desquelles nous avons constitué le recueil des chartes de SaintBenoit-sur-Loire.

I

ARCHIVES

La plus ancienne mention des archives de l'abbaye de SaintBenoit-sur-Loire date du milieu du xe siècle; Adrevald, qui écrivait à cette époque l'histoire de la translation des reliques de saint Benoit, rappelant les origines de l'abbaye et se référant à un acte d'échange entre le roi Clovis et le fondateur Leodebod, dit que l'acte est encore conservé dans les archives du monastère'. L'existence, dans le monastère, d'un local spécialement affecté à la conservation des chartes, est encore plusieurs fois constatée au x1° siècle par André de Fleury, le biographe de l'abbé Gauzlin. Ce local où se trouvaient réunis les

Quellen der fränkischen Geschichte, dans Neues Archiv, t. XXVII, p. 355-356.

1. « Quod testamentum mutuæ vicissitudinis usque hodie in archivis publicis nostri reservatur monasterii. » Historia translationis S. Benedicti, § 2 (éd. de Certain, p. 3).

2. « Conscriptioneque precaria ab eo impetrata... nostro conservandam deposuit in armario. » Vita Gauzlini, I, 8 7 (éd. Delisle, dans les Mémoires de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, t. II, p. 257; éd. Ewald, dans le Neues Archiv, t. III, p. 355); - « Cujus scriptum traditionis nostris retinetur in archivis. » Ibid., I, 8 4 (édit. Delisle, loc. cit., p. 279; édit. Ewald, loc. cit., p. 354).

chartes et les manuscrits était situé dans une petite tour; il avait été aménagé par les soins de l'abbé Gauzlin en vue de protéger les documents contre le feu'. Précaution vaine pendant un grand incendie survenu en 1095, il fallut rapidement déménager les actes et les livres, et les placer avec les étoffes précieuses dans le trésor protégé par une voûte de pierre alors que les étages supérieurs de la tour susceptibles de brûler menaçaient en tombant de tout réduire en cendres'. Les moines savaient alors à quoi s'en tenir sur les ravages que le feu pouvait faire dans leurs richesses: les Normands au 1x siècle avaient, à Saint-Benoit comme ailleurs, allumé des incendies3, et une catastrophe fortuite avait au temps de l'abbé Gauzlin, en 1026, détruit le monastère de fond en comble*.

Beaucoup d'actes furent sans aucun doute détruits dans ces incendies* car, à l'exception de l'acte de fondation, dont le texte ne nous est parvenu que par l'intermédiaire d'une chronique, la Vie de Robert le Pieux, par Helgaud, aucun document mérovingien ne nous a été conservé, ni l'acte d'échange de Leodebod mentionné plus haut, ni le diplôme de Clotaire III con

1. « Composuitque sue obedientie armarium contra insanientium terrores ignium. » (Vita Gauzlini, I, § 39; éd. Delisle, loc. cit., p. 299; éd. Ewald, loc. cit., p. 367).

2. «< Anno ab incarnatione Domini millesimo nonagesimo quinto, flamma voracis ignis maximam Floriacensis burgi consumpsit partem... nec minus librorum pernecessariam copiam amittere ignis violentia pertimescentes, eodem (gazophilacio, fornice lapideo protecto) congessimus cum testamentorum et privilegiorum nostrorum congerie; metuebamus enim ne turricula in qua hæc recondita erant, ignium viribus succumbens, in favillas redigeretur, cum foret ruinarum plena, superiori incendio consumpta, quod domini Gauzlini tempore Floriacense incendium pessumdedit. » Miracula S. Benedicti, VIII, § 27 (éd. de Certain, p. 321-322). 3. Miracula S. Benedicti, I, § 34 (éd. de Certain, p. 75), et Annales Bertiniani, ad annum 865 (éd. G. Waitz, p. 75).

4. Vita Gauzlini, II, § 46-47 (éd. Delisle, loc. cit., p. 304; éd. Ewald, loc. cit., p. 370-371), et Miracula S. Benedicti, VII, § 17 (éd. de Certain, p. 276).

5. Aux incendies de 865, 1026 et 1095 on peut en ajouter un autre de 1179 rapporté en ces termes par Robert de Torigny : « Cum filia regis Francorum [Agnes] duceretur ad conjugium filii imperatoris Constantinopolitani, hospitata est aput Sanctum Benedictum super Ligerim; cumque quidam ex famulis ejus vellet accelerare ignem injecto oleo, flamma exivit per foramina camini et cecidit super tectum camini, et hoc casu tota abbatia combusta est » (éd. Delisle, II, p. 83).

cernant Sacierges, ni celui de Thierry III concernant les biens du duc Loup', ni l'acte où était consignée la donation de Dié par un certain Hugues, au temps de Dagobert le jeune, et dont parle Aimoin. De même, les premiers documents de la période carolingienne disparurent dès une époque très ancienne; seuls des diplômes postérieurs mentionnent l'existence de privilèges de Pépin et de Charlemagne'; et la plus ancienne charte dont le texte ait été conservé à Saint-Benoit-sur-Loire pendant le moyen âge est un diplôme de Louis le Pieux, de 818*. Pour une époque postérieure même, pour le xr° siècle, aucun des actes auxquels ont dû donner lieu les nombreuses transactions mentionnées par le biographe de Gauzlin ne nous est parvenu*. Le feu ne paraît pas du reste être seul responsable de ces pertes anciennes sur l'étendue desquelles nous sommes loin d'être fixés. Si l'on conservait les titres de propriété et les chartes ou bulles de privilèges, c'était pour s'en servir le cas échéant; et les abbés qui ont eu le plus à cœur la défense des intérêts de l'abbaye, et qui ont lutté contre le pouvoir épiscopal ou résisté aux excès et usurpations des laïques, ont trouvé dans les archives des textes pour établir les droits du monastère. C'est ainsi qu'Abbon, à la fin du x° siècle, recourait à de vieux polyptiques du temps de Charlemagne pour établir les parts respectives de l'abbaye et de l'évêque d'Orléans dans la

1. Voyez infra, p. 19 et 20, nos II et III.

2. Miracula sancti Benedicti, II, § 3 (éd. de Certain, p. 99).

3. Voyez ci-dessous, p. 22-23, nes IV-VII. On trouvera encore une mention d'un diplôme soit mérovingien, soit carolingien, relatif à des concessions de biens à Saint-Benoit-sur-Loire, dans un diplôme de Pépin de septembre 768 pour Saint-Denis (Tardif, Monuments historiques, Cartons des rois, p. 51, no 62).

4. Voyez ci-dessous, p. 33, no XV.

5. Vita Gauzlini, I, 8 3, 4, 5, 6, etc. (éd. Delisle, loc. cit., passim; éd. Ewald, loc. cit., passim).

6. Un acte de Robert le Pieux pour Sainte-Croix d'Orléans (5o ind., 4 année), par exemple, mentionne la vente faite par les moines de Saint-Benoit à un certain Valterius d'un clos sis près du mur de la ville d'Orléans (copie de Dom Estiennot, Bibl. de l'Arsenal, ms. 1008, p. 265-274); aucune trace de cet acte n'est restée dans les archives de l'abbaye.

dîme de certaines églises'. De même, l'abbé Gauzlin, successeur d'Abbon, faisait des privilèges apostoliques le fondement de ses revendications sur certains domaines voisins du monastère donnés en bénéfice et qu'il prétendait replacer sous son gouvernement direct. En compulsant ainsi les archives à loisir, les abbés ne compromettaient en rien la bonne conservation des pièces qui s'y trouvaient', mais il leur arrivait aussi parfois et nécessairement d'en faire un usage susceptible d'amener leur perte, par exemple lorsqu'ils produisaient les titres en justice. Ainsi, l'abbé Gauzlin, à propos d'un différend avec l'évêque d'Orléans au sujet du droit de gîte que celui-ci prétendait exercer à l'encontre des exemptions pontificales, produisit les titres justificatifs de ses droits devant une assemblée de prélats et de grands présidée par le roi; les partisans de l'évêque, mécontents de l'effet produit par la lecture des bulles, se fâchèrent et menacèrent de les brûler s'ils parvenaient seulement à s'en emparer. On imagine facilement ce qu'avec de telles moeurs judiciaires il pouvait rester d'un morceau de papyrus ou de parchemin lorsqu'il avait été produit devant une assemblée'.

1. « Requisiti itaque in hoc hujus nostri monasterii libri politici a temporibus Magni Karoli, pene vetustate consumpti, quid ædificata ecclesia mihi meisque fratribus debeat innotescunt, quid contra illa, dotis nomine data, suis burdationibus solvat ibidem perpendit procuratorum diligentia. » Epistola Abbonis ad fratrem G. British Museum, add. ms. 10972, fol. 23; éd. Migne, Patrologie latine, CXXXIX, col. 442.

2. « Cum privilegia apostolica aliquando revolveret, interdictumque animadverteret et excommunicatum oculis perpenderet, ne quis Floriacensium prelatorum aliquando de his villis aut possessionibus que sunt in circuitu monasterii presumeret beneficio dare alicui, repperit Isdam ecclesiam ab Odolrico, Aurelianensium episcopo, fiscali teneri dono... quam pro redemptione animarum suorum antecessorum a prefato presule xxx librarum adquisivit collatione. » Vita Gauzlini, I, § 32 (éd. Delisle, loc. cit., p. 294; éd. Ewald, loc. cit., p. 364).

3. «< Proditur etiam Romani pontificis decretum, quo continetur insertum ne quando antistes Aurelianensium ad Floriacense presumat venire monasterium, nisi rogatu abbatis et omnium ejusdem loci expostulatione monachorum; in omnium auribus legitur, coram astantibus distincte recitatur. Extemplo pars adversariorum in iram sustollitur, Romani presulis scriptum spernendo violatur, infirmatur, ignibusque tradere minantur, si quando illud possent corripere manibus, talique modo ab invicem disceditur » Ibid, I, § 13 (éd. Delisle, loc. cit., p. 284; éd. Ewald, loc. cit., p. 357).

4. En 1112, dans un différend avec un particulier au sujet de la dîme

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