à côté d'elle qui attire fortemement les passions ambitieuses du cœur humain. Les fonctionnaires du comté ne sont point élus et leur autorité est restreinte. L'État lui-même n'a qu'une importance secondaire ; son existence est obscure et tranquille. Il y a peu d'hommes qui, pour obtenir le droit de l'administrer, consentent à s'éloigner du centre de leurs intérêts et à troubler leur existence. Le gouvernement fédéral confère de la puissance et de la gloire à ceux qui le dirigent; mais les hommes auxquels il est donné d'influer sur ses destinées sont en très petit nombre. La présidence est une haute magistrature à laquelle on ne parvient guère que dans un âge avancé ; et quand on arrive aux autres fonctions fédérales d'un ordre élevé, c'est en quelque sorte par hasard et après qu'on s'est déjà rendu célèbre en suivant une autre carrière. L'ambition ne peut pas les prendre pour le but permanent de ses efforts. C'est dans la commune, au centre des relations ordinaires de la vie, que viennent se concentrer le désir de l'estime, le besoin d'intérêts réels, le goût du pouvoir et du bruit; ces passions qui troublent si souvent la société, changent de caractère lorsqu'elles peuvent s'exercer ainsi près du foyer domestique et en quelque sorte au sein de la famille. Voyez avec quel art, dans la commune américaine, on a eu soin, si je puis m'exprimer ainsi, d'éparpiller la puissance, afin d'intéresser plus de monde à la chose publique. Indépendamment des électeurs appelés de temps en temps à faire des actes de gouvernement, que de fonctions diverses, que de magistrats différens, qui tous, dans le cercle de leurs attributions, représentent la corporation puissante au nom de laquelle ils agissent! Combien d'hommes exploitent ainsi à leur profit la puissance communale et s'y intéressent pour eux-mêmes ! Le système américain, en même temps qu'il partage le pouvoir municipal entre un grand nombre de citoyens, ne craint pas non plus de multiplier les devoirs communaux. Aux Etats-Unis on pense avec raison que l'amour de la patrie est une espèce de culte auquel les hommes s'attachent par les pratiques. De cette manière, la vie communale se fait en quelque sorte sentir à chaque instant; elle se manifeste chaque jour par l'accomplissement d'un devoir ou par l'exercice d'un droit. Cette existence politique imprime à la société un mouvement continuel, mais en même temps paisible qui l'agite sans la troubler. Les Américains s'attachent à la cité par une raison analogue à celle qui fait aimer leur pays aux habitans des montagnes. Chez eux la patrie a des traits marqués et caractéristiques; elle a plus de physionomie qu'ailleurs. Les communes de la Nouvelle-Angleterre oat en général une existence heureuse. Leur gouvernement est de leur goût aussi bien que de leur choix. Au sein de la paix profonde et de la prospérité matérielle qui règnent en Amérique, les orages de la vie municipale sont peu nombreux. La direction des intérêts communaux est aisée. De plus, il y a long-temps que l'éducation politique du peuple est faite; ou plutôt il est arrivé tout instruit sur le sol qu'il occupe. Dans la Nouvelle-Angleterre, la division des rangs n'existe pas même en souvenir; il n'y a donc point de portion de la commune qui soit tentée d'opprimer l'autre, et les injustices, qui ne frappent que des individus isolés, se perdent dans le contentement général. Le gouvernement présentât-il des défauts, et certes il est facile d'en signaler, ils ne frappent point les regards, parce que le gouvernement émane réellement des gouvernés, et qu'il lui suffit de marcher, tant bien que mal, pour qu'une sorte d'orgueil paternel le protège. Ils n'ont rien d'ailleurs à quoi le comparer. L'Angleterre a jadis régné sur l'ensemble des colonies, mais le peuple a toujours dirigé les affaires communales. La souveraineté du peuple dans la commune est donc non seulement un état ancien, mais un état primitif. L'habitant de la Nouvelle-Angleterre s'attache à sa commune, parce qu'elle est forte et indépendante; il s'y intéresse, parce qu'il concourt à la diriger; il l'aime, parce qu'il n'a pas à s'y plain dre de son sort: il place en elle son ambition et son avenir; il se mêle à chacun des incidens de la vie communale : dans cette sphère restreinte qui est à sa portée, il s'essaie à gouverner la société ; ; il s'habitue aux formes sans lesquelles la liberté ne procède que par révolutions, se pénètre de leur esprit, prend goût à l'ordre, comprend l'harmonie des pouvoirs et rassemble enfin des idées claires et pratiques sur la nature de ses devoirs ainsi que sur l'étendue de ses droits. DU COMTÉ DANS LA NOUVELLE-ANGLETERRE. Le comté de la Nouvelle-Angleterre, analogue à l'arrondissement de France.- Créé dans un intérêt purement administratif. — N'a point de représentation. Est administré par des fonctionnaires non électifs. Le comté américain a beaucoup d'analogie avec l'arrondissement de France. On lui a tracé, comme à ce dernier, une circonscription arbitraire; il forme un corps dont les différentes parties n'ont point entre elles de liens nécessaires, et auquel ne se rattachent ni affection, ni souvenir, ni communauté d'existence. Il n'est créé que dans un intérêt purement administratif. La commune avait une étendue trop restreinte pour qu'on pût y renfermer l'administration de la justice. Le comté forme donc le premier cen tre judiciaire. Chaque comté a une cour de jus tice (1), un shérif pour exécuter les arrêts des tribunaux, une prison qui doit contenir les criminels. Il y a des besoins qui sont ressentis d'une manière à peu près égale par toutes les communes du comté; il était naturel qu'une autorité centrale fût chargée d'y pourvoir. Au Massachussetts, cette autorité réside dans les mains d'un certain nombre de magistrats, que désigne le gouverneur de l'État, de l'avis (2) de son conseil (3). ce. Les administrateurs du comté n'ont qu'un pouvoir borné et exceptionnel, qui ne s'applique qu'à un très petit nombre de cas prévus à l'avanL'État et la commune suffisent à la marche ordinaire des choses. Ces administrateurs ne font que préparer le budget du comté, la législature le vote (4). Il n'y a point d'assemblée qui représente directement ou indirectement le comté. Le comté n'a donc point, à vrai dire, d'existence politique. On remarque dans la plupart des constitutions américaines une double tendance, qui porte les législateurs à diviser le pouvoir exécutif et à con (1) Voyez la loi du 14 février 1821, laws of Massachussetts, vol. 1, p. 551. (2) Voyez la loi du 20 février 1819, laws of Massachussetts, vol. 2, p. 494. (3) Le conseil du gouverneur est un corps électif. (4) Voyez la loi du 2 novembre 1791, laws of Massachussetts, vol. 1, p. 61. |