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prières qu'on lui adressait; il daigna sauver le roi et le rendre à l'amour de son peuple. Trois jours après, le roi recouvra la santé et l'usage de la raison. Alors il demanda humblement pardon des torts qu'il pouvait avoir envers les absents et les présents, se confessa de ses péchés en bon catholique, assista à la messe et reçut avec la plus grande dévotion le sacrement de l'Eucharistie, pendant que tous les assistants chantaient les louanges du Très-Haut. Il promit aussi à Notre-Dame et à saint Denys d'aller visiter leurs églises, dès qu'il serait entièrement rétabli.

La nouvelle du miracle opéré par la Providence se répandit bientôt de tous côtés, et causa en France une joie universelle. On chercha alors quelle pouvait être la cause de la maladie. Quelques personnes adoptèrent l'avis des médecins, et prétendirent que ce qui avait troublé la raison du roi, c'était un épanchement de bile noire et échauffée, joint à la colère qu'il éprouvait de ne pas voir arriver assez vite ses gens de guerre. D'autres disaient que c'était un fléau envoyé par Dieu, qui châtie ceux qu'il aime. Mais la plupart des seigneurs et des gens du menu peuple prétendaient que le roi avait été ensorcelé. L'usage des maléfices n'était alors que trop fréquent parmi les personnes de tout sexe et de tout rang. Cependant le roi, revenu à la santé, fit une neuvaine dans l'église des religieuses de Saint-Julien; puis il se rendit à Chartres pour accomplir son voeu, et offrit un collier précieux à l'image de la bienheureuse Vierge Marie.

CHAPITRE VII.

Les oncles du roi reprennent la direction des affaires; ils poursuivent le connétable et ses amis.

Dans les premiers jours de l'automne, le roi, d'après le conseil de ses oncles les ducs de Berri et de Bourgogne, se disposa à retourner à Paris, et ordonna qu'on payât la solde des gens de guerre plus lar

rent occasione casus sui expedicionem frustratam, cunctis jussit liberalius solito largiri stipendia consueta. Tempus adhuc aptum erat ad hostilia ubique exercenda. Quapropter, in hoc consistorio principum generali, comes inclitus Sancti Pauli, dominus Galerannus, diserte intimans quod regem Boemie jam diffidaverat, quia accommodatas sibi a patre ingentes peccunias reddere recusabat, ut duo milia congregatorum pugilum ad eumdem infestandum secum duceret peciit et impetravit. Statutum eciam fuit ut ex reliquis pugnatoribus dominus Boussicaudus, dictus Johannes le Maingre, Francie marescallus, tot assumeret quot vellet, cui eciam datum est in mandatis ut Acquitaniam petens conciones Vasconum sub quibusdam nobilibus, ex furtivo tamen concubitu ortis, militancium expelleret, qui versus Sanctum Macharium quidquid hostis in hostem consuevit exercebant. Ne tamen eorum inquietudine aut aliorum hostium Francia, sicut alias contingerat, vexaretur, hoc onus domini duces Biturie ac Burgundie susceperunt. Sicque regem a Cenomanie comitatu reducentes, eodem consenciente et jubente, secum iterum regni regimen, a quo destituti per triennium fuerant, receperunt. Tam diu se elongatos a curia indignanter pertulerant; et quoniam id sciebant conestabularii, dominorum Burelli de Ripparia, de Noviente ac Blesi de Violanis opera processisse, mox eisdem evocatis, districte prohibuerunt ne amplius pertractarent regni negocia, sed et ne consiliis regiis amplius interessent. Quamvis regni ardua laudabiliter disponendo ex hoc potissime commendabiles eos scirent, quod sollicito atque sollerti ingenio urbanis exactionibus opes regias auxerant, quia tamen eorum spreto consensu temerariam hanc expedicionem bellicam concluserant, qua de causa eos odio habebant; quod ut lenirent absencia, regi Francie vale dicto, lares proprios pecierunt.

gement que de coutume, afin que les chevaliers et les barons ne fussent pas trop mécontents de voir l'expédition manquée à l'occasion de sa maladie. Comme la saison était encore favorable aux opérations militaires, l'illustre comte de Saint-Pol, messire Valeran, annonça au conseil des princes, dans un éloquent discours, qu'il avait envoyé un défi au roi de Bohême, parce que ce prince refusait de lui rendre des sommes considérables qu'il avait empruntées à son père. Il demanda et obtint un corps de deux mille hommes pour aller le combattre. On décida aussi que messire Boucicault, dit Jean le Maingre, maréchal de France, prendrait avec lui tout ce qu'il voudrait du reste de l'armée, et serait chargé d'aller en Aquitaine pour en chasser les bandes de Gascons, qui s'étaient enrôlées sous les bannières de quelques gentilshommes bâtards, et qui commettaient toutes sortes d'hostilités dans les environs de Saint-Macaire. Cependant, messeigneurs les ducs de Berri et de Bourgogne se chargèrent de veiller à ce que le repos de la France ne fût troublé ni par ces brigands, ni par d'autres ennemis, comme cela avait déjà eu lieu. Ils ramenèrent le roi Charles du Maine à Paris, et reprirent, de son consentement et par ses ordres, la direction des affaires, dont ils avaient été exclus pendant trois ans. Ils éprouvaient un vif ressentiment d'avoir été si long-temps éloignés de la cour. Sachant qu'ils devaient leur disgrâce au connétable, à messire Bureau de la Rivière, au sire de Noviant et à Lebègue de Vilaines, ils les mandèrent aussitôt, et leur défendirent expressément de se mêler désormais des affaires de l'État, et même d'assister aux conseils. Ils n'ignoraient pas que ces ministres avaient pris de sages mesures pour le gouvernement du royaume, et qu'on devait surtout leur savoir gré d'avoir par leurs soins et leur habileté grossi les revenus du roi au moyen des contributions imposées aux villes; mais ils leur gardaient rancune pour avoir osé décider sans leur consentement l'expédition de Bretagne. Les conseillers disgraciés, pensant que leur absence calmerait cette haine, prirent congé du roi, et se retirèrent dans leurs domaines.

Nec sic tamen ducum ira deferbuit. Jam post omnes, excepto conestabulario, capti cum quibusdam eorum familiaribus, per dimidium annum tedium molestie carceralis perpessi sunt. Quo spacio, quod res hominum instabiles sint, et quo major est altitudo eo gravior ruina, experimento novissent, si rex eis suam graciam substraxisset. Nam assenciendo eisdem, quia instanter justiciam requirebant, cuncta que famam eorum denigrare poterant in libellis conscribuntur, et regi per dominos duces pluries ostenduntur, poscentes ut tanquam prodiciosi capite plecterentur. Ad quod horrendum spectaculum intuendum multis diebus incole Parisienses ad communem plateam ad hoc aptam convenerant. Que continebantur in processu non pro compertis habui. Scio tamen quod rex hunc tandem in lucem venire vetuit, nec solum eisdem vita donavit, sed ymo, victus vallidis precibus magnatorum, anni sequentis mense februario, patriis arvis omnique supellectili restitutis, permisit ut in Francia viverent. In ducum tamen favorem, regie liberalitati condiciones addite quod et quamdiu viverent, omni officio regali privati penitus, sub pena criminis lese majestatis perpetrati, quocunque rex se diverteret longe lateque per regnum, ab eo semper distarent per quadraginta leucas, nisi haberent super hoc licenciam specialem.

CAPITULUM VIII.

De guerra ducis Britanie et domini Oliveri, et de novo conestabulario.

Ne dominus Oliverus, conestabularius Francie, consortum pateretur molestias, fugere fuga lapsus dignum ducens, hucusque in Britania suis fortissimis delituerat in castris; nec pluries evocatus nunciis et apicibus a rege comparuerat, semper nunciis

Mais leur éloignement n'apaisa point le ressentiment des ducs. Ils furent tous, à l'exception du connétable, arrêtés avec plusieurs de leurs amis et jetés en prison. Ils eurent à subir pendant six mois les ennuis de la captivité; et si le roi leur eût retiré sa protection, ils auraient appris à leurs dépens que les choses d'ici-bas sont fragiles, et que plus on est élevé, plus la chute est dangereuse. Comme ils demandaient instamment justice, on rédigea contre eux, en réponse à leur requête, des libelles diffamatoires, que messeigneurs les ducs mirent à plusieurs reprises sous les yeux du roi, en insistant pour qu'on les condamnât à mort comme traîtres. Pendant plusieurs jours, les habitants de Paris se rassemblèrent sur la place de Grève dans l'espérance de jouir du spectacle, de leur exécution. Je n'ai point eu connaissance des pièces de ce procès. Je sais seulement que le roi défendit qu'on y donnât suite, qu'il leur fit grâce de la vie, et que même, sur les instances des principaux seigneurs, il leur rendit, au mois de février de l'année suivante, leurs patrimoines et tout leur mobilier, et leur permit de vivre en France. Toutefois, par égard pour les ducs ses oncles, il mit des restrictions à cette grâce en décidant qu'ils seraient exclus à jamais de tout office royal, et que, sous peine d'être déclarés criminels de lèse-majesté, ils se tiendraient toujours à une distance de quarante lieues de l'endroit où le roi se trouverait, à moins que cette défense n'eût été levée par une autorisation spéciale.

CHAPITRE VIII.

Guerre entre le duc de Bretagne et messire Olivier. - Nomination d'un nouveau

connétable.

Le connétable de France, messire Olivier, avait cru devoir prendre la fuite pour échapper au sort de ses compagnons, et s'était tenu jusqu'alors caché en Bretagne dans ses châteaux les mieux fortifiés '. Malgré les lettres et les messages

'Suivant Froissart, le connétable se retira d'abord dans son château de Montlhéri;

que le roi lui avait envoyés mais ayant appris qu'on avait donné ordre de l'y arrêter, il s'enfuit en Bretagne.

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