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CHAPITRE III.

Secours envoyés par la France au roi de Hongrie contre les Turcs.

Sur ces entrefaites, d'illustres chevaliers et de savants personnages d'Angleterre, de Hongrie et de Hainaut, arrivèrent à Paris, chargés d'un message pour le roi de France. Le roi les accueillit avec sa courtoisie ordinaire, leur fit bonne chère, les combla de présents et leur donna gracieusement audience plusieurs jours de suite. Les députés hongrois furent les premiers admis en présence du roi et de sa cour; c'étaient quatre nobles chevaliers qui, au dire des assistants, surpassaient les autres ambassadeurs par leur haute stature et la magnificence de leurs vêtements. Ils eurent aussi les premiers l'honneur d'offrir au roi, de la part de leur maître, l'hommage de leurs salutations; puis ayant obtenu la permission d'exposer ce qu'ils avaient à dire, ils s'exprimèrent ainsi :

<< Votre ami et cousin nous a envoyés auprès de votre royale majesté «< pour vous faire connaître la situation déplorable de la Hongrie, et "vous informer que nous serons bientôt réduits à la dernière dé<< tresse, si votre puissante protection, qui n'a jamais manqué aux << malheureux, ne vient promptement à notre secours. C'est un fait <<< notoire que Bajazet, le plus cruel des tyrans, a réduit en captivité << presque tous les chrétiens de la Bulgarie, de la Vaiachie et de la << Pannonie, que chargés de fers, épuisés par la faim, enfermés dans << d'horribles cachots, et abreuvés d'amertume, ils languissent au sein << de la misère et de l'esclavage. Les villes de ces contrées, autrefois << soumises au roi de Hongrie et à la foi chrétienne, ont subi pour la << plupart le joug cruel des Turcs. Dans leur rage forcenée, les infidèles << se montrent chaque année plus altérés du sang des chrétiens, et « travaillent sans relâche à les anéantir. Qui pourrait entendre, sans « verser des larmes, le récit de leurs atrocités? Ils dépouillent les églises de leurs ornements sacrés; ils enlèvent les enfants pour les «< instruire dans leurs impures croyances et leur apprendre à renier le

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<< ecclesiarum sacra pignora et eorum filii, ut gencium immun<< diciis deserviant et nomen Dei vivi abnegent, aut ceduntur gladiis more bidencium, sanctis martiribus sociandi. Non est sacrilegis locorum differencia nec personarum respectus; <«< conviciantur sacerdotes, coguntur virgines fornicari, nec <<< matronis etas maturior suffragatur. Ad tantam tyrannidem << vindicandam adversus gentem hanc immundarum sectatricem << tradicionum, opibus tamen et armis vallidam, repetitis vicibus « arma mota et bella ancipiti marte gesta cunctis notum est, << regemque nostrum vario eventu et sepissime infausto con«< flixisse. Et quamvis acerbum miserandumque sit quod fateri << fortuna christianorum cogit, addimus et quod nequiora <«< solito eis in brevi significavit inferenda iniquissimus vel <<< Basita; ideo ad umbram vestri auxilii, rex inclite, dignum << ducunt recurrere. Hinc est, serenissime princeps, quod vobis << et lilia deferentibus rex noster supplicat, ut consanguinitatis jure et favore Dei, eidem accommodetis consilium et juvamen, promittens quod deinceps nullus erit qui eumdem obsequio <<< erga vos fideque poterit superare. »

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In oculis omnium assistencium grata et omni accepcione digna visa fuit peticio, et de consensu omnium, necdum exacto novendio, rex nuncios donis cumulatos uberioribus remittens ad propria, eos dignos censuit auxilio, promisitque consanguineo suo regi opem ferre.

Sic nunciis vale dicto, ad hoc gratum et Deo beneplacitum obsequium exequendum, mox dux Burgundie Philippus, ejus patruus, dominum Johannem, filium suum primogenitum, comitem Niverniensem presentavit, quem et vallidis precibus postulat illuc mitti; quod rex benigne annuit, piam ejus commendens intencionem. Quamvis generosum juvenem sub signis

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« nom du Dieu vivant, ou les égorgent comme des victimes, et en «<font autant de martyrs. Leur fureur sacrilége ne respecte aucun lieu, « et n'épargne personne. Ils outragent les prêtres, déshonorent les jeunes filles, et exercent même leur brutalité sur les femmes que << leur âge devrait protéger. Tout le monde sait que pour tirer ven<< geance de tant d'outrages contre cette nation de mécréants, qui n'est «que trop puissante et trop redoutable, nous avons plus d'une fois pris les armes et combattu avec des chances diverses, et que notre « roi a livré plusieurs batailles, dont l'issue lui a presque toujours « été funeste. Quelque pénibles et quelque tristes que soient de tels <«< aveux, le sort des chrétiens nous oblige à les faire. Le farouche Bajazet, ce monstre d'iniquité, les menace de maux plus grands << encore'. C'est pourquoi, illustre roi, ils ont cru devoir recourir à «< votre puissance tutélaire. Notre maître vous supplie, prince séré<«< nissime, vous et les princes des fleurs de lis, de vouloir bien, en «< considération des liens de parenté qui l'attachent à vous et par amour «< pour Dieu, lui prêter appui et assistance. Il promet que personne << ne vous sera désormais plus dévoué ni plus fidèle que lui. >>

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Toute l'assemblée accueillit cette demande avec faveur et y donna son assentiment. Neuf jours après, le roi, de l'avis de son conseil, renvoya les ambassadeurs dans leur pays, en les comblant de présents et en leur promettant qu'il aurait égard à leurs prières et qu'il ferait passer des secours au roi son cousin.

Après le départ des ambassadeurs, on s'occupa de mettre à exécution une si noble et si louable entreprise. Le duc de Bourgogne Philippe

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regis Francie pluries militasse pater sciret, hunc tamen optabat accingi baltheo militari agrediendo adversarios Crucifixi, Ad quod cum innumerabiles de regno milites et scutiferi se offerrent, orantes ut dictum comitem sequerentur, ex hiis tamen solum duo milia elegit. In excercitu sic electo merito nominandi sunt Philippus de Artesio, comes Augi, Francie conestabularius et regis cognatus, Johannesque de Vienna, miles emeritus et admirallus Francie, hujus eciam regni marescallus, Johannes dictus le Maingre, alias Boussicandus, et dominus de Couciaco Enguerrannus auctoritate ceteris precellebant, quibus in cunctis arduis dux ceteris obtemperare precepit. Cum prefatis eciam primiceriis fuerunt domini Henricus et Philippus de Baro fratres, comes eciam Marchie, regis Francie consobrini, dominus de Sampiaco, Reginaldus de Raya, dominus Guido, dictus de la Trimoulle, multi quoque extranei digni memoria viri, et antiquam ducentes ex generosis proavis sanguinis dignitatem, quorum nomina, prolixitatem declinans studiose, pretereo.

Quantum duci Burgundie profectio complacebat, tam sollerciori cura de peccuniis propriis, regiis quoque, ac viris ecclesiasticis sub se degentibus accomodatis, filio apta peregrinacioni sic studuit ministrare, quod nichil ei defuit quod potuisset decuisse regiam majestatem. Provisis que itineri congruebant, vidisses milites et armigeros hinc inde ecclesias frequentendo celicolarum omnium auxilium implorare, ut res prospere succederent. Dux eciam ad ecclesiam beati Dyonisii dilectum adduxit filium, qui inter missarum solemnia fusis devotis precibus, ipsa die patri et Francie vale dicto, circa finem mensis marcii iter arripuit.

Non eamdem abhinc viam tenuerunt milites christiani; nam dominus de Couciaco et Henricus de Baro, ut jussi erant a rege,

présenta au roi son neveu, monseigneur Jean, comte de Nevers, son fils aîné, en demandant avec instance qu'il fût envoyé en Hongrie. Le roi voulut bien souscrire à cette prière, et loua fort la pieuse intention qui l'avait dictée. Le jeune comte avait déjà servi plusieurs fois sous les drapeaux de la France; mais son père voulait qu'il gagnât ses éperons de chevalier en combattant contre les ennemis de JésusChrist. Grand nombre de chevaliers et d'écuyers du royaume offrirent de suivre le comte de Nevers. Il ne prit avec lui que deux mille d'entre eux. Ses principaux compagnons furente Philippe d'Artois, comte d'Eu, connétable de France et cousin du roi, l'amiral Jean de Vienne, chevalier d'une valeur éprouvée, le maréchal Jean le Maingre, dit Boucicault, et messire Enguerrand de Coucy'. Le duc de Bourgogne enjoignit aux autres d'obéir en tout à ces seigneurs. Parmi les principaux chefs étaient aussi messeigneurs Henri de Bar, son frère Philippe, et le comte de la Marche, cousins du roi, messire de Saimpy, Renaud de Roye, messire Guy de la Trémoille, ainsi que plusieurs étrangers de distinction, issus de nobles familles, dont je passerai les noms sous silence, pour éviter des longueurs inutiles.

Le duc de Bourgogne avait fort à coeur cette expédition. Il s'empressa de fournir à son fils, tant de ses propres deniers que de l'argent du roi et d'un emprunt fait au clergé de ses états, tout ce qui lui était nécessaire pour son voyage, et déploya une magnificence qui n'eût pas été indigne de la majesté royale. Lorsque tout fut prêt pour le départ, on vit les chevaliers et les écuyers se rendre en foule dans les églises et implorer l'assistance de tous les saints pour le succès de leur entreprise. Le duc de Bourgogne conduisit son fils bien aimé à l'église de Saint-Denys; ce jeune prince y entendit la messe et pria Dieu avec ferveur. Le même jour, il prit congé de son père et de la France, et se mit en route. C'était vers la fin du mois de mars.

Les chevaliers chrétiens ne suivirent pas tous le même chemin. 'Ce fut, suivant Froissart, au sire de gogne confièrent particulièrement le comte Coucy que le duc et la duchesse de Bour- de Nevers, leur fils.

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