Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dans le courant du mois, le clergé de Paris, accompagné d'un nombreux concours d'hommes et de femmes, fit de solennelles et pieuses processions, et promena autour de l'hôtel royal de Saint-Paul le sacré corps de Notre-Seigneur comme le plus souverain de tous les remèdes. Enfin Dieu jeta du haut des cieux un regard de miséricorde sur la France, et rendit la santé au roi la seconde semaine de juillet. Le lendemain, qui était un lundi, le roi, pour reconnaître ce bienfait, fit un pélerinage à Notre-Dame de Paris, en habit royal, y entendit la messe et offrit des actions de grâces à Dieu. Le même jour et pour la même cause, les vénérables religieux de l'abbaye de Saint-Denys allèrent en procession solennelle au prieuré de l'Estrée.

Depuis ce jour jusqu'au vendredi de la semaine suivante, le roi jouit de son bon sens et fut en état de s'occuper de choses sérieuses. Mais le lendemain, sentant revenir ses accès de démence, il demanda qu'on lui ôtât son couteau, et donna ordre au duc de Bourgogne qu'on en fit autant à tous les gens de la cour. Il avait éprouvé ce jour-là de telles souffrances, que le lendemain il fit venir ledit duc et d'autres seigneurs, et leur déclara en pleurant qu'il préférait la mort à de pareils tourments; il arracha des larmes à tous les assistants, en leur répétant plusieurs fois, dit-on : « Au nom de Jésus-Christ, s'il en est parmi vous « qui soient complices du mal que j'endure, je les supplie de ne point «< me torturer plus longtemps et de me faire promptement mourir. »

Pendant que le roi était en proie à ces souffrances insupportables, quelques seigneurs allèrent consulter les deux apostats, comme s'ils se fussent adressés à Belzébut, et leur demandèrent à qui l'on pouvait attribuer cette rechute. Ceux-ci leur conseillèrent, sur je ne sais quel fondement, de faire arrêter et jeter en prison le barbier du roi, nommé Mellin, qui l'avait coiffé la veille, et un autre homme qui était concierge de l'hôtel du duc d'Orléans. Les seigneurs suivirent ce conseil. Quoiqu'il ne faille pas ajouter foi à la sorcellerie, beaucoup de personnes espérèrent qu'on pourrait par ces gens-là connaître la vérité au sujet

letati sunt, credentes per istos posse sciri veritas maleficii, quo vexari regem indubitanter credebant. Per tactum namque solummodo, ut ipsi asserebant, poterat quis ad amenciam deduci; et, ut communiter dicebatur, pluries barbitonsorem illum solum et hora suspecta in patibulo Parisiensi viderant. Quare suspicabantur ne aliquid ibi caperet, unde posset aliquod sortilegium facere vel conficere venenum. Quicquid tamen vulgus obloqutus fuerit contra istos, mendacio ascribimus; nam scimus quod, post diuturnum perpessum ergastulum, immunes abire libere permissi sunt, et absque corporis jactura vel bonorum cum convicaneis sicut antea habitare.

CAPITULUM VIII.

De promocione quorumdam aulicorum in regis curia.

Circa finem hujus mensis, rex incolumis effectus, quosdam officiales aulicos de novo instituens, dominum Jacobum de Borbonio, cognatum ducis Borboniensis, loco domini Inguerranni de Couciaco, qui de Hungaria rediens obierat, buticularium Francie ordinavit; et hic more solito vicesima septima die jullii solemne juramentum fecit de fidelitate servanda in officio predicto. Dominum eciam Hutinum Dosmont loco domini Guillelmi de Bordis, utique fidelissimi militis, et qui vulgo male pocionatus obierat, statuit vexilliferum suum, et ut ferret auriflammam; et hic publice in domo regia sancti Pauli fidelitatis prestitit juramentum, in presencia regum Francie et Navarre, Biturie, Burgundie et Borbonnensis ducum, aliorumque baronum multitudine copiosa. Verum quia prefatus dominus Guillermus vexillum illud retinuerat penes se, nec a tempore quo sibi traditum fuerat, non fuerat deplicatum, hoc rex

du maléfice dont on ne doutait point que le roi ne fût victime, et se réjouirent de leur arrestation. Les deux sorciers assuraient qu'on pouvait par le simple attouchement faire tomber quelqu'un en démence, et le bruit courait qu'on avait vu plusieurs fois ce barbier seul et à une heure suspecte près du gibet de Paris. On soupçonnait qu'il y prenait de quoi opérer des sortiléges ou faire du poison. Nous croyons que toutes les accusations du vulgaire contre ces malheureux étaient mal fondées. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après les avoir laissés longtemps en prison, on les remit en liberté, et on leur permit d'habiter comme auparavant leur quartier, sans qu'ils eussent souffert aucun dommage dans leurs personnes ou dans leurs biens.

CHAPITRE III.

Promotion de quelques seigneurs à des offices de la cour.

Vers la fin de ce mois, le roi, qui avait recouvré la santé, pourvut à la nomination de quelques charges devenues vacantes à la cour. Il nomma grand-bouteiller de France, à la place de messire Enguerrand de Coucy, mort à son retour de Hongrie, messire Jacques de Bourbon, cousin du duc de Bourbon, qui prêta, selon l'usage, serment de fidélité, le 27 juillet. Messire Hutin d'Aumont fut créé garde de l'oriflamme, pour succéder au fidèle chevalier messire Guillaume des Bordes, qui avait été, disait-on, empoisonné. Il prêta publiquement serment de fidélité dans l'hôtel royal de Saint-Paul, en présence des rois de France et de Navarre, des ducs de Berri, de Bourgogne et de Bourbon, et d'un grand nombre d'autres seigneurs. Mais comme ledit sire Guillaume des Bordes n'avait jamais déployé l'oriflamme depuis qu'elle avait été remise entre ses mains, et l'avait toujours gardée chez lui, le roi, jugeant qu'il n'en devait pas être ainsi, ordonna au nouvel officier de la porter à l'église de Saint-Denys, pour qu'elle y fùt conservée, suivant l'ancienne coutume, jusqu'à ce qu'on en eût besoin. Conformément aux ordres du roi, messire Hutin d'Aumont se rendit

indignum reputavit, novo vexillifero precipiens ut illud ad ecclesiam beati Dyonisii deferret, et ibidem servaretur, donec eo indigeret, morem antiquum servando. Qui, sequenti luce, regiis obtemperando mandatis, ad ecclesiam veniens, et in presencia prioris et conventus, abbate tunc absente, illud super altare martirum integrum demonstravit, et post missarum solemnia ad cameram thesauri veniens, illud cum vestimentis regalibus reposuit conservandum.

Ab isto iterum mense tribus aliis transactis, cum rex in ecclesia beate Marie Parisiensis, pro conestabulario domino de Couciaco, domino Guidone de Trimoulla et ceteris qui in Hungaria obierant, fecisset solemnes exequias celebrari, consilium habuit cui miliciam suam posset committere. Nec diu post, dominum Ludovicum Sacri Cesaris, tunc marescallum, consensu et favore avunculorum suorum ducum, comitum et baronum astancium, conestabularium instituit, emeritum utique militem et fidelem, sibi post fidelitatis juramentum regium ensem concedens. Quamvis is esset facie dispicabili, et oculis aliquantulum obliquis, nec tamen ad indecentem modum, tot tamen bonis moribus conspicuus, et actibus insignis militaribus erat, ut inter ceteros milites reputaretur fulgor inextinguibilis probitatis. Loco autem ejus dominum Boussicaudum, qui et Johannes Lemaingre vocabatur, precipuum marescallum Francie ordinavit. Qui quidem pusillus statura, sed membris plenioribus robustus valde, in consiliis quidem promptus, animo tamen preceps, in agendis impetuosus et in ira modi nescius existebat.

le lendemain à l'abbaye. Là, en présence du prieur et du couvent, car l'abbé était alors absent, il plaça l'oriflamme sur l'autel des martyrs, et la fit voir tout entière. Puis, après avoir entendu la messe, il monta dans la chambre du trésor et y déposa la bannière, pour qu'elle y fût gardée avec les ornements royaux.

Trois mois après, le roi fit célébrer dans l'église de Notre-Dame de Paris un service solennel en l'honneur du connétable messire de Coucy, de messire Guy de la Trémoille et des autres chevaliers morts en Hongrie. Il tint ensuite conseil pour décider à qui il confierait le commandement de ses armées. Du consentement et sur la demande des ducs ses oncles, des comtes et des barons de sa cour, il donna la charge de connétable à messire Louis de Sancerre, chevalier d'une fidélité éprouvée, et lui remit l'épée royale, après avoir reçu son serment. Messire Louis de Sancerre avait les yeux de travers; sa figure était laide, mais n'avait rien de désagréable. Il était du reste si recommandable par ses bonnes mœurs et s'était signalé par tant d'exploits, que tous les chevaliers le regardaient comme la perle des braves. Le roi lui donna pour successeur dans l'office de premier maréchal de France messire Boucicault, qu'on appelait aussi Jean le Maingre. C'était un homme de petite taille, mais fort et robuste; il était résolu, mais emporté; actif, mais impétueux, et ne savait garder aucune mesure dans sa colère.

« AnteriorContinuar »