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CHAPITRE XVI.

Mort ignominieuse des partisans du roi Richard.

Le duc Henri, élevé au trône d'Angleterre, invita les principaux seigneurs du royaume à un tournoi pour le jour des Rois. A cette nouvelle, le sire de Spenser, qu'on appelait alors le comte de Glocester, et plusieurs ducs et comtes, qui s'intéressaient vivement à l'infortune du roi Richard, formèrent le projet de se saisir ce jour-là de l'usurpateur et de ses fils. Ce complot fut découvert par la négligence du comte de Rutland. Un jour, à l'heure du dîner, il reçut une lettre de ses amis qui le pressaient de hâter l'exécution de leurs desseins. Le duc d'York, son père, s'empara adroitement de cette lettre et la lut. Ayant ainsi appris le secret de la conspiration, il adressa de vifs reproches à son fils et résolut d'en instruire le roi. Mais le comte de Rutland le prévint; il alla lui-même raconter au roi toute l'affaire, se jeta à ses genoux et lui demanda humblement pardon de son crime. Il l'obtint, à condition qu'il livrerait sous peu les autres conjurés. Pour accomplir sa promesse, il conseilla au roi de lever une armée; se faisant l'espion de ses complices, il alla les trouver le lendemain, leur annonça que le roi avait déjà rassemblé des troupes, et les engagea à avoir bon courage, jurant de leur être dévoué jusqu'à la mort. Il leur persuada en même temps d'aller faire des levées à la hâte dans le pays de Galles et s'offrit pour être leur guide fidèle. A peine eurent-ils fait quatre lieues, qu'ils rencontrèrent l'avant-garde du roi Henri. Le comte, poussant alors le cri à mort, à mort, feignit de fondre sur cette avant-garde; mais au même instant il abandonna ses compagnons et alla se joindre aux ennemis. Dès que le comte de Kent s'aperçut de cette trahison, il courut aussitôt à la tête de quelques uns de ses gens s'emparer d'un pont qui était près de là, et le défendit vaillamment, jusqu'à ce que tous les hommes qu'il avait amenés avec lui eussent passé de l'autre côté avec armes et bagages.

cito pontem proximum paucis ex suis comitatus occupavit et viriliter deffendit, donec omnes quos secum evocaverat pugnatores cum omnibus sarcinis et omni supellectili pertransissent pacifice.

Quo peracto, omnes super evasione gaudentes, quemdam virum ecclesiasticum, nomine Magdalain, regi Anglie Richardo forma vultuque simillimum loco regis prefecerunt; quem per Oxoniam campestresque villas perducentes ubique precipiebant ut omnes, qui egre ferrent ignominiam Richardi, una cum ipsis gladiis accingerentur ad vindictam. Sie sollicitantes rurales cum eos usque ad Succestre duxissent, tunc fraude detecta, et quod in Henricum conspirabant, major ville a rustica multitudine hospicium ipsorum cum arcubus et sagittis jussit invadere, et contra eos tanquam proditores pessimos fortiter dimicare.

Quamvis forcium virorum animos concutere eciam soleant repentina, nobiles tamen fortiter se deffenderunt, et in conflictu comes Cancie sagitta confossus interiit; comes eciam de Salsebery occubuit fortiter preliando. Unde territi comites de Hotinton et Glocestrie, prefatus quoque Magdalain, per fenestras exeuntes aufugerunt quorsum tendere voluerunt. Tandem cum missilia ceteris resistentibus defecissent, dominus Thomas Leblont et dominus Benedictus cum triginta aliis militibus et armigeris se ruricolis reddiderunt; quos mox pedestres apud Oxoniam, ubi jam rex advenerat, magnis itineribus perduxerunt. Tanto munere rex letatus, omnibus decollatis, excepto quodam juvene, cui rex pepercit, cum eum noviter accinxisset baltheo militari, dominum Thomam Leblont et dominuun Benedictum milites eviscerari precepit, et intestinis combustis decollari. Nec tamen inhumano facinore rex contentus, nisi hoc notum

Les conjurés, se félicitant d'avoir échappé à ce péril, mirent à leur tête, en guise de roi, un ecclésiastique nommé Magdalain, qui avait les traits et la taille du roi Richard. Ils le conduisirent à Oxford et dans les villages d'alentour, exhortant tous ceux qui déploraient l'outrage fait au roi Richard à prendre les armes et à se joindre à eux pour en tirer vengeance. Ils poursuivirent ainsi leur route jusqu'à Cirencester en soulevant les campagnes. Le maire de cette ville, ayant découvert la ruse et reconnaissant les conjurés, fit investir la maison où ils s'étaient retirés par des paysans armés d'arcs et de flèches, qui les attaquèrent vigoureusement comme d'infâmes traîtres..

L'imprévu abat souvent les coeurs même les plus intrépides. Cependant les conjurés se défendirent avec acharnement. Le comte de Kent tomba percé d'une flèche. Le comte de Salisbury périt aussi en combattant vaillamment. Alors les comtes de Huntingdon et de Glocester et ledit Magdalain, cédant à la peur, s'échappèrent par les fenêtres et se sauvèrent où ils purent. Les autres continuèrent à résister. Quand ils eurent épuisé leurs munitions, messire Thomas Blount et messire Benoît, ainsi que trente autres chevaliers et écuyers, se rendirent aux paysans, qui les menèrent à pied et par des marches forcées jusqu'à Oxford, où le roi était déjà arrivé. Ce succès lui causa beaucoup de joie. Il fit décapiter tous les prisonniers, à l'exception d'un jeune gentilhomme, qu'il avait récemment armé chevalier. Quant à messire Thomas Blount et à messire Benoît, on leur arracha les entrailles pour les jeter au feu; puis on leur trancha la tête. Non content d'avoir exercé ces cruautés, il insulta à ses victimes en faisant présenter, le 16 janvier, aux habitants de Londres par une troupe de misérables les lambeaux sanglants de leurs corps qu'on avait coupés par quartiers et à

faceret Lundoniensibus, ad ignominiam occisorum ipsorum membra abcisa lintheaminibus non plene involuta per abjectissimos homines ipsis jussit presentari, decima sexta die hujus januarii mensis. Aderant et precedentes, qui capita comitum Cancie et de Salsebery, sex quoque aliorum militum longis lanceis affixa defferebant cum lituis et instrumentis musicis, ut sic cives ad horrendum spectaculum convenirent. Cumque pontifices cum clero sacris vestibus induti processionaliter Te Deum laudamus altis vocibus cantando obviam scelesti muneri processissent, tandem ad introitum pontis suspensa sunt capita; membra quoque per campestria sparsa sunt, feris et avibus devoranda.

CAPITULUM XVII.

De morte Richardi regis.

Dum ubique longe lateque per orbem anglicana detestaretur nequicia, nuncii supervenerunt, qui regem Richardum in turri fortissima Londoniensi diucius famis inedia cruciatum obisse retulerunt. Sed nundum exacto mense alii sic eum sublatum e medio vivencium narraverunt. Iniquos Lundonienses, mortem ejus non vulgalem reiteratis clamoribus deposcentes, rex Henricus pluries compescuerat, dicens se nolle mutare parlamenti judicium. Sed tandem eorum victus precibus importunis annuit quod petebant. Cum enim ad persequendum hostes suos cum Londoniensibus exisset, tunc nephandissimi sceleris dominum Petrum Dexton exequtorem constituens, jussit ut Richardum, quem tunc Johannem de Burdegalis vocavit, de vivencium medio separaret. Qui, octo nequam viris se similibus mox assumptis, turrimque regiam die Regum, hora qua rex corpus

peine ensevelis. Les têtes des comtes de Kent et de Salisbury et celles de six autres chevaliers furent portées au bout de longues piques par des gens qui marchaient au son des clairons et d'autres instruments, afin d'attirer le peuple à cet affreux spectacle. Les évêques, vêtus de leurs habits pontificaux, et accompagnés de leur clergé, allèrent processionnellement au-devant de cet horrible cortège, en chantant à haute voix le Te Deum. Enfin les têtes des victimes furent suspendues à l'entrée du pont, et leurs membres dispersés dans la campagne, pour servir de pâture aux bêtes féroces et aux oiseaux de proie.

CHAPITRE XVII.

Mort du roi Richard.

Pendant que tout l'univers maudissait la cruauté des Anglais, on apprit que le roi Richard était mort de faim dans la tour de Londres après une longue agonie. On reçut les détails de sa mort avant la fin du mois. Les habitants de Londres ne cessaient de demander à grands cris le supplice du roi. Henri avait plusieurs fois cherché à apaiser leur fureur forcenée, en disant qu'il ne voulait rien changer à la sentence du parlement. Mais il céda enfin à leurs importunités. Au moment où il sortit de la capitale pour se mettre à la poursuite de ses ennemis, il confia l'exécution de cet exécrable attentat à messire Pierre d'Exton et le chargea d'assassiner Richard, qu'il lui désigna sous le nom de Jean de Bordeaux. Pierre d'Exton, ayant pris avec lui huit misérables de son espèce, entra dans la tour de Londres, le jour des Rois, à l'heure où le malheureux prince prenait un peu de nourriture pour ranimer ses forces épuisées. Il appela celui qui le servait à table et lui dit qu'il ne fallait plus traiter son prisonnier en roi. Quand cet officier revint, Richard, étonné de la tristesse répandue sur son visage et du

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