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Societé des Antiquaires de Picardie

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Il lui est postérieur de près de 40 ans. Les archives de l'abbaye nous disent qu'il a été posé en 1730 (1).

Sous la tribune de l'orgue deux statues colossales, placées sur des colonnes torses accouplées et surmontées de fort jolis dais d'un travail recherché, représentent saint Christophe et saint Jacques-le-Majeur. La naïve légende du Porte-Christ est reproduite au naturel dans cette statue (2). Nos pères croyaient pieusement que la vue de saint Christophe préservait de maladie contagieuse et de mort subite.

« Cette manière de représenter saint Christophe, toute symbolique, dit Gilbert, est l'emblème de l'amour qu'il portait dans son cœur à Jésus-Christ, et que les artistes du moyen-âge ont caractérisé sous un sens matériel, afin de rendre plus palpable aux yeux du peuple l'Esprit saint dont il était animé (3).

L'explication n'est-elle pas un peu maniérée ? Pourquoi ne pas dire que les artistes n'inventaient pas les symboles, mais qu'ils copiaient les légendes populaires?

La vue du patron des pèlerins, saint Jacques de Compostelle, réjouit le cœur du chrétien énervé par les fatigues du voyage. Cette statue avait tout naturellement sa place dans une église aussi fréquentée que celle de Saint-Riquier par les populations, qui accouraient de tous les villages du Ponthieu au glorieux tombeau du patron de la contrée. L'Apôtre tient le livre des Evangiles de la main gauche et la pannetière du pélerin est suspendue au côté droit. L'Evangile entre les mains de cet Apôtre n'est point précisément son attribut iconographique, mais ici il avertit sans doute le fidèle que la dévotion chrétienne n'a d'autre fondement que la prédication de la vérité évangélique par les Apôtres.

LES NEFS LATÉRALES. Aux piliers prismatiques des nefs latérales on reconnaît la création d'Eustache Le Quieux. C'est lui qui a renouvelé entièrement les nefs latérales.

(1) L'orgue de Saint-Riquier a été réparé en 1854 et augmenté de plusieurs jeux par les frères de Valloires, au compte de la fabrique, avec le généreux concours de M.de Tanlay, préfet de la Somme, et du conseil général, et avec les libéralités de M. l'Abbé Padé, curé de Saint-Riquier.

(2) Un géant d'une taille, extraordinaire s'était rendu esclave de Satan, puis placé au service du Sauveur des hommes, parce que le prince des enfers tremblait devant une croix. Il se condamna, pour expier son crime, à vivre près d'un fleuve et à passer jour et nuit tous les voyageurs qui se présenteraient. Un jour, appelé plusieurs fois, sans jamais voir personne, Christophe trouva enfin un enfant au bord de l'eau. Mettre l'enfant sur ses épaules, s'appuyer sur son bâton et pénétrer dans le fleuve fut pour lui une chose facile. Mais voilà que l'eau s'élève peu à peu, que l'enfant pèse sur les épaules du

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<< portais le monde entier sur mes épaules.» L'enfant
lui répondit : « rien d'étonnant, tu portais sur tes
<< épaules celui qui a créé le monde. Je suis le Christ,
«ton Roi, celui pour qui tu accomplis ta rude péni-
etence. Pour preuve de la vérité de mes paroles,
« plante ton bâton dans le sable et demain tu le
<< verras couvert de feuilles et de fleurs.»> A l'ins-
tant le céleste voyageur disparut. Christophe ayant
enfoui son bâton dans le sable, le retrouva le len-
demain fleuri, comme un palmier, et couvert de
dattes. La Légende Dorée, 25 juillet.
(3) Gilbert. Ibid. Page 96.

Les voûtes de ces nefs ont conservé leur cachet primitif et la variété de leurs motifs, comme les étoiles, les croix de Jérusalem, les enroulements en forme de cables et autres figures à sections coniques. Mais ce qu'il y a de plus parfait et de plus délicat, c'est l'ornementation guillochée de deux travées de voûtes sous le vestibule, à droite du spectateur, lorsqu'il entre dans l'église. Une tradition rapporte, dit Gilbert, que deux religieux du monastère avaient consacré leurs loisirs à cette laborieuse tache, mais que la mort les surprit avant qu'ils eussent parcouru le pourtour de l'église (1). Nous n'avons aucune raison pour combattre la première partie de cette affirmation; mais l'examen des lieux nous prouve que cette dentelle tissée sur la pierre n'est qu'un reste d'un plus vaste travail. Le raccord des voûtes, à la deuxième travée, nous fait supposer une ruine dans la basse nef, soit en 1554, soit en 1719. La partie abritée sous le véstibule est restée intacte et nous montre les différentes variétés des richesses artistiques du xvi siècle. Cette époque est sans contredit inférieure au XII pour la conception de ses monuments, mais est-ce lui faire une trop belle part que de dire qu'elle l'emporte pour le fini et la perfection de ses détails?

LE CHOEUR ET LE SANCTUAIRE. Nous arrivons à la partie la plus auguste du temple chrétien. Dans cette enceinte réservée aux ministres sacrés on chante jour et nuit les louanges de Dieu. Des chœurs d'anges terrestres répètent avec des transports d'amour les hymnes de la céleste patrie. C'est là aussi que se renouvelle sans cesse le sacrifice adorable de la loi nouvelle, que l'agneau de Dieu efface les péchés du monde. Rien d'étonnant que l'art sacré y prodigue surtout des richesses de décoration.

Trois âges d'architecture ont laissé leur empreinte dans le chœur de cette église. Le XIII siècle sur les quatre piliers angulaires et sur les autres piliers, aussi bien que sur le gros-œuvre le xvi dans les restaurations d'Eustache Le Quieux, qui en a perpétué le souvenir sur un pilier du sanctuaire : le xvir dans le revêtement intérieur du chœur, du sanctuaire, dans l'autel et l'ameublement, où le style grec étale toute la perfection et les grâces de sa sculpture. (2)

Le pourtour du sanctuaire est de forme hexagonale. Les chapiteaux des piliers sont très soignés et nous laissent voir sur les colonnes du xi° siècle des réparations du xvi et même du xvir. Arrêtez vos regards sur les piliers de l'entrée du sanctuaire et vous y reconnaîtrez facilement les têtes si placides des bonshommes du xn' et du xm' siècle, que les artistes de cette époque se plaisaient à sculpter sur leurs chapiteaux (3).

Décrire le chœur et le sanctuaire de l'église de Saint-Riquier, c'est raconter les magnificences ajoutées par l'Abbé d'Aligre au plan primitif. Nous laisserons certains

(1) Gilbert, page 90.

(2) Voir les chapitres de Giles de Machemont, d'Eustache Le Quieux et de Charles d'Aligre.

(8) Sur le pourtour extérieur, quelques têtes sont du XVIIe siècle.

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