Imágenes de páginas
PDF
EPUB

«< ce qui est au demaine de ladite seigneurie et en ce qui en est mouvant, hors la haulte « et moïenne justice des vassaux d'icelle eglise, doibvent pour tonlieu (1) et acquit de «chascun cheval ou jument deux deniers parisis, de chascune bête d'aubmaille un de<< nier parisis, de chascun pourceau ou truye une obole parisis, de chascune beste à << laine une obole parisis; et pareillement les achetteurs en doibvent autant, et se doibt «payer ledit droit par dedans le soleil couché du jour de la délivrance, sur peine de << LX solzs parisis d'amende pour chascune fois. »>

ARTICLE XXVI. Les dits religieux, abbé et couvent ont partout leurs terres et seignouries droit de confiscation, fourfaiture, choses espaves, acquitz, tonlieux, forages (2), afforages, estallages, admission de fiefz, admendes et autres droitures. << appartenantes à hauts justiciers. »>

La série des impôts seigneuriaux est bien longue, comme on le voit par cette nouvelle nomenclature, et elle n'est pas complète; car il y avait encore à Saint-Riquier même des impôts sur d'autres professions et notamment sur les bouchers, dont les redevances sont accusées jusque dans les derniers temps, avec les amendes dont sont frappés les délinquants.

Nous nous demandons si ces droits ont été véritablement abolis par la révolution ou seulement transformés. Bien des lecteurs répondront sans doute qu'on paie aujourd'hui au gouvernement ce qu'exigeaient les possesseurs des domaines, que les droits de marché, que les octrois, les droits d'enregistrement, le timbre, les patentes, les autres contributions directes et indirectes prélèvent sur le reveuu ou le travail des particuliers des sommes presque égales sinon supérieures à celles que l'organisation féodale avaient imposées à nos ancêtres. Nos budgets modernes sont-ils bien inférieurs aux redevances seigneuriales?

ARTICLE XXVII.

[ocr errors]

<«< Si aucuns vassaux de la dite abbaye, sujets ou rentiers ou << autres voulaient dénier les dittes coutumes, usages, droits, justices et seigneuries ou « parties d'icelles, lesdits religieux ont offert de faire apparoir si avant que de raison, << afin d'être conservés et maintenus en leurs droits. »

-

ARTICLE XXVIII. Dans ce dernier article, les religieux affirment « leurs privilèges << et leurs droits spirituels sur les prieurés, cures et chapelles, sur leurs patronages,

(1) Droit de tonlieu, droit de marché que les seigneurs se sont réservés sur leurs terres.

Bêtes d'aubmaille ou aumaille, gros bétail, vaches, bœufs, etc.

La coutume de la Ferté était conforme sur cet article à celle de l'abbaye.

(2) Forages, droit exigible quand on met en perce un tonneau de vin ou d'autre liquide. Afforages, impôt prélevé sur les taverniers ou gens vendant de la boisson à broc ou à débit.

Les seigneurs exigeaient encore sur les brasseries,

boissons et fabriques de liqueurs un droit spécial qu'on nommait Gambage ou Cambaye.

Nous ne voulons pas oublier le droit de chasse, droit féodal qui n'appartenait qu'aux personnes de condition noble. Le seigneur seul pouvait chasser sur ses domaines ou donner cette permission à d'autres. Les procès de chasse sont nombreux dans les archives; quelques-uns même sont mémorables.

Le droit de garenne n'appartenait qu'aux seigneurs hauts justiciers.

dispositions et droits de collation, sur leurs droits d'oblation, dixmes grosses et << menues que la dite abbaye possède en icelles cures et paroisses, non compris dans «<les dittes coutumes; et ces coutumes ont été approuvées par les féodaux et sujets de << la même abbaye, sous les réserves reprises au procès-verbal d'assemblée tenue en «<l'Eglise de Saint-Riquier (1).

Résumons, après cet exposé des coutumes, les revenus et les charges du monastère de Saint-Riquier pendant toutes les périodes de son existence.

[blocks in formation]

4° Les offrandes au tombeau de Saint-Riquier. Aux âges de foi, elles s'élèvent à des sommes extraordinaires pour cette époque; elles ne cessent pas dans la suite des temps, mais elles diminuent progressivement; on n'en connait le chiffre que sous Charlemagne.

2o Offrandes dans les églises de Saint-Riquier (2). L'Abbé en prélève une grande partie aux jours de fête et les deux tiers aux funérailles. Au dernier siècle, la cure paroissiale jouissait seule des offrandes et du casuel.

3o Les dimes. L'origine de la dîme est religieuse: elle était destinée à l'entretien des ministre du Seigneur. Libre dans le principe, s'il faut en croire quelques auteurs, elle devint dans la suite obligatoire. Les conciles n'ont cessé de rappeler aux fidèles le précepte que l'Église leur imposait de payer le tribut du Seigneur.

Dans des époques de trouble, les laïcs se sont emparés des dîmes et les ont fait recueillir à leur profit, soit en totalité, soit en partie, ou les ont inféodées pour des redevances en argent. L'abus de cette sacrilège invasion, toujours combattue dans les conciles, fut corrigé par l'empire que la voix de l'Église exerçait sur les consciences. Les conciles de Latran s'occupèrent sans relâche de cette question et firent restituer la plus grande partie des dimes inféodées. Les moines possédaient les dimes au même titre

(1) Les deux derniers articles sont omis par M. Bouthors.

(2) Au xa siècle, on appelait: Eglises les terres et autres revenus fixes des Eglises ; Autels les offran

des des fidèles. Mais ces deux termes quelquefois distincts sont souvent confondus. Ecclesiæ, dit le pape Urbain II au Concile de Clermont, quæ vulgari vocabulo apud eos Altaria vocantur.

que les autels; on leur en donna considérablement au xi et au XIIe siècle, quand les seigneurs se sentirent pressés de rendre à l'Église ce qui appartenait à l'Église.

Le monastère de Saint-Riquier jouissait des dîmes sur les terres dont il avait la seigneurie. Bien qu'il eût des co-décimateurs en plusieurs endroits, il tirait cependant des revenus considérables de ces offrandes. Nous ignorons ce qu'il recouvra ou reçut en dons au moment de la restitution des dimes. C'est peut-être cet acte de justice qui lui assura quelques dîmes dans les lieux où il n'avait pas d'autre tribut.

On distinguait les grosses dîmes des menues dîmes. Les premières étaient perçues sur le bled, sur le vin, sur les récoltes principales d'une terre; les secondes sur les menues denrées, sur les fruits des jardins, les volailles : celles-ci appartenaient le plus souvent aux curés des paroisses. Cependant les archives du monastère indiquent quelques menues dîmes recueillies par le monastère.

Quand, par suite de restitution de dîmes inféodées à des monastères ou à d'autres bénéfices, les grosses dimes d'une paroisse sont partagées entre plusieurs co-décimateurs, il n'est rien de plus complexe dans la jurisprudence que cette division des dimes; point de source plus fréquente de procès. Jugées primitivement par les tribunaux ecclésiastiques, comme les conciles et la raison le demandaient, les causes des dimes en France, après une déclaration royale de 1656, furent plaidées devant les juges séculiers, sous prétexte que le temporel des églises dépendait de la puissance séculière.

Les dîmes furent quelquefois abandonnées aux curés pour leur part de subsistance; plus souvent, elles étaient partagées avec eux ou même réservées au monastère, à la condition de fournir aux curés une subsistance honnête, connue sous le nom de portion congrue.

4° Les fermages des domaines. Longtemps exploités sous la surveillance des moines et à leur bénéfice, les domaines, dans les derniers temps, furent affermés au accensés aux habitants des villages. La location se payait en argent, en grains, en fourrage. Ce fut, sans contredit, dans cette période, la grande ressource des monastères. Ces revenus fixes, s'accroissant continuellement avec les progrès de la culture, ne pouvaient manquer ; et c'est ainsi que les institutions religieuses, longtemps languissantes et gênées, se relevèrent et entrèrent au xvIII° siècle dans une voie de prospérité.

On a dit, quand on cherchait à les rendre odieux, que les domaines des moines se détérioraient par une mauvaise culture; grossière imposture qui se réfute d'elle-même. En quoi leurs fermiers le cédaient-ils à ceux des seigneurs pour l'intelligence et l'activité ? Les baux étaient assez avantageux pour leur assurer des bénéfices considérables et améliorer le sol. Les anciens fermiers des moines tenaient le premier rang dans la classe des cultivateurs de l'époque. Leurs épargnes leur ont facilité l'achat d'une grande partie des domaines religieux; ceux à qui leur conscience n'a point permis de participer à des adjudications condamnées par les lois de l'Église, n'en tiennent pas moins le premier rang dans l'aristocratie des propriétaires de la campagne.

5° Les droits féodaux. Nous les avons énumérés sous le nom de censives, reliefs, quint denier, etc. Ces droits éventuels n'offraient pas de revenus fixes, mais ils s'équilibraient dans une période déterminée. Nous en verrons les diverses redevances dans l'aperçu que nous donnerons de ces droits sur chaque fief ou village.

Faisons ici une remarque importante. Quand on énumère les domaines du monastère de Saint-Riquier, on est étonné du grand nombre de terres ou de fiefs perdus ou aliénés. Dans beaucoup d'autres, les redevances sont devenues presque insignifiantes. Ainsi sans doute le veut une loi mystérieuse de la Providence, qui ramène toujours les corps religieux à l'esprit primitif, à la pratique réelle de la pauvreté qu'ils ont solennellement vouée à Dieu et à l'Église. Ce que les saints n'oseraient proposer, ce qu'ils ne pourraient oser eux-mêmes sans sacrilège, le Tout-Puissant le laisse exécuter par les passions humaines, et par là un certain équilibre se rétablit dans la société.

Nous avons recueilli çà et là quelques chiffres des revenus du monastère à certaines époques, sans toutefois trouver d'autre chiffre officiel que celui de la déclaration de 1730, pour l'assise des décimes payées au roi. Nous le croyons authentique, à moins que les calculs n'aient été élevés d'un côté et abaissés de l'autre pour alléger la contribution des décimes.

La manse abbatiale déclare un revenu de 22,000 1. et la manse conventuelle un revenu de 25,791 1. 15 s. 9 d. et 540 1. de revenu en Flandre. Mais il faut en déduire les charges pour la manse abbatiale, 3,474 1. 10 s.; en outre 3,500 1. de pension et 3,500 1. de réparations extraordinaires de ferme: pour la manse conventuelle, 7,1181. 11 s. 10 d. en France et 161 1. en Flandre (!).

[blocks in formation]

Nous venons d'anticiper sur les charges afin de ne pas scinder un compte. Nous allons en énumérer les diverses sortes. Quelques-unes furent supprimées, d'autres étaient inhérentes à la propriété et à sa gestion.

Sous la première race des rois, les bénéfices ecclésiastiques étaient soumis envers le roi aux mêmes charges que les bénéfices distribués aux guerriers; ils devaient le service militaire. Quand il fut réglé que les hommes d'armes des seigneurs ecclésiastiques seraient placés sous la conduite des vidames ou de leurs avoués, on fut obligé de donner à ceux-ci pour récompense ou prix de leurs services des bénéfices qui leur formèrent dans la suite des temps une dotation. C'est ainsi qu'on retrouve dans le domaine des seigneurs de la Ferté un grand nombre de fiefs de la première dotation du monastère.

(1) Voir M. Darsy (Bénéfices de l'Eglise d'Amiens. Tome 1, pages 244, 252 et Tome 1, page LIII pour la

taxe des décimes.)

Les droits de procuration ou de gîte et de past occasionnaient quelquefois des frais tellement excessifs, à cause de la suite des princes qui usaient de ces coutumes, qu'on se vit obligé de limiter le nombre des personnes et des équipages avec lesquels on devait entrer dans le monastère.

Les biens ecclésiastiques jouissaient, comme les biens nobles, du privilège d'être exempts des charges publiques et en particulier de l'impôt ; mais qu'on se garde bien de croire qu'ils ne contribuaient point à ces charges. Les dons gratuits et plus tard les décimes et les pensions sur les revenus égalèrent les impôts les plus onéreux.

Les évêques, les abbés et les seigneurs, possesseurs de bénéfices, donnaient communément de l'argent, des chevaux, des habits, quelquefois des livres. Ces offrandes sur lesquelles on inscrivait le nom des donateurs, étaient chaque année portées aux plaids royaux. Dans l'origine peut-être, le don était volontaire, mais comme il se renouvelait chaque année, ce mot n'était plus qu'un euphémisme. Le don s'était converti en véritable tribut. « Nous nous rendons vraiment ridicules, disait Salvien; l'or que nous pesons, nous l'appelons présent; nous déclarons qu'il y a don, lorsque le prix en a été convenu d'avance, et quel prix pour une condition si dure et si misérable! >>

Aux dons succédèrent des décimes ou subsides imposés sur les biens ecclésiastiques. A l'époque de certaines guerres onéreuses pour le trésor royal, une somme assez ronde était mise à la charge du clergé. Des agents les distribuaient par diocèses et par bénéfices, à raison du revenu (1). Les subsides des guerres de religion ruinèrent les monastères et amenèrent la destruction d'une partie considérable des domaines. Quelques communautés en rachetèrent plus tard quelques-uns avec leurs économies, mais on ne retira pas tous les biens vendus. Outre les décimes ordinaires, on demandait encore dans les crises politiques des dons extraordinaires. Les réclamations du clergé n'étaient plus écoutées, et il vint un temps où les comptes accusèrent un déficit. Les gros décimateurs étaient tenus de réparer et d'entretenir en bon état les chœurs des églises paroissiales dans les lieux où ils levaient leurs dimes. Ils étaient aussi obligés de fournir les calices, les ornements et les livres nécessaires, quand les revenus des églises ne suffisaient pas aux frais du culte. La mauvaise volonté des décimateurs ne restait pas impunie: on saisissait leurs dimes. L'obligation des co-décimateurs était solidaire jusqu'à concurrence du revenu. Point d'appel pour les récalcitrants, après la sentence de condamnation prononcée.

Enfin, les biens des monastères avaient des charges perpétuelles dans l'entretien des fermes, la réparation des bâtiments, la garde des bois, les honoraires des officiers de justice et des employés de toute nature. Ajoutez encore des rentes et des pensions que le roi imposait aux abbés, aux monastères, pour rémunérer les services des abbés de

(1) M. Darsy. Bénéfices de l'Eglise d'Amiens. Tome 11, page 244.

« AnteriorContinuar »