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res, lui envoyaient leurs nombreux contingents, et qui, concourant à en accroître le nombre, finirent par former eux seuls toute la force militaire et s'emparer de l'empire. Enfin, il n'y a pas jusqu'à la paléographie ancienne qui ne puisse y gagner quelque chose.

Voilà la raison, Monsieur, pour laquelle, sans craindre de vous dérober un temps précieux que vous savez si bien employer au profit des bonnes études, et de l'antiquité en particulier, je me suis permis de vous adresser cette longue épître, que votre amour de la science et votre bonne amitié pour moi vous feront accueillir avec la bienveillance qui vous est ordinaire.

Agréez, Monsieur, l'assurance de la sincère estime et de la parfaite considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être,

Monsieur,

CONSTANCE GAZZERA,

Secrétaire de l'Académie.

RAPPORT

DE

M. LE CHEVALIER DE JUGE

SUR

LE POÈME ADRESSÉ A LA SOCIÉTÉ

POUR LE CONCOURS DE 1842 (1).

MESSIEURS,

Lors du dernier concours pour le prix de poésie, l'industrie, qui en était le sujet, avait fait vibrer toutes les lyres de notre patrie, et de nombreux concurrents s'étaient présentés pour obtenir l'honneur de vos suffrages. Malgré la beauté de son site, malgré la richesse de ses souvenirs, Hautecombe n'a pas eu le

(1) La commission se composait de M. le Président, du Secrétaire perpétuel et de M. le chevalier de Juge.

même bonheur, et un seul auteur est venu vous apporter le tribut des vers que lui a inspirés cet antique monument. D'où a pu venir cette notable différence, et pourquoi cette lacune soudaine dans les rangs de nos poètes? Enfants d'un siècle industriel, n'auraientils des chants que pour célébrer les merveilles des arts? Et serait-il vrai que, même au milieu de nos poétiques vallées, la bruyante usine ait désormais remplacé le mélodieux Parnasse, et que le wagon rapide ait écrasé à jamais le cheval ailé d'Apollon?

A Dieu ne plaise que je veuille me plaindre des hommages rendus à l'industrie, à cette muse des temps modernes,

Qui, n'arborant jamais de sanglantes bannières,

Se plaît au sein du bruit des fourneaux, des chaudières,
Et reine au bras nerveux, domptant le fer et l'eau,
A pour sceptre une roue, et pour trône un ballot.

Mais, si je ne me trompe, c'est surtout dans nos montagnes, si voisines du ciel, que l'homme ne vit pas seulement de pain. Il ne peut s'y absorber tout entier et toujours dans les douceurs du présent ; il a besoin parfois de remonter le passé ou de s'élancer vers l'avenir, et alors il aime à rencontrer sur sa route deux muses bien connues de la Savoie, la Patrie et la Religion.

Si donc, Messieurs, nos poètes n'ont pas répondu

cette année à l'appel de l'Académie, gardons-nous de les accuser. Non, ils n'ont pu rester froids devant cette magnifique abbaye que nous envie l'étranger. Plusieurs, j'en suis sûr, ont murmuré des vers sur ce beau lac qui baigne le rocher où s'élève l'imposant édifice. Mais, avouons-le de bonne foi, le sujet était difficile, le chemin était varié, l'horizon était immense. Il fallait unir la harpe de Solyme au clairon des combats; il fallait gémir sur d'illustres tombeaux ou chanter au pied de majestueux autels. Ne nous étonnons donc pas qu'en face de tant d'exigences, des poèmes soient restés incomplets, et croyons que la modestie a gardé captifs des vers qui auraient rappelé des noms dont notre pays s'honore.

Maintenant que nous savons pourquoi la lice poétique est restée vide cette fois de concurrents, nous allons vous parler du manuscrit que vous avez soumis à notre examen. Notre jugement sera tel que vous l'exigez en pareil cas, consciencieux et sévère. Gardienne des saines doctrines en tout genre, l'Académie ne doit ni flatter l'amour-propre, ni se courber devant l'opinion du moment. Pour que son action soit forte et durable, il faut qu'elle s'appuie sur les règles du goût et de la vérité.

L'auteur a intitulé son ouvrage Station poétique à Hautecombe. Ce titre n'a pas été, comme tant d'autres, choisi au hasard et pour produire de l'effet. Le poète

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l'a trouvé dans son cœur, que la douleur a visité; il est venu à Hautecombe, comme un oiseau las des orages, se reposer des fatigues d'une vie agitée.

Le poème, divisé en deux parties, est composé en stances variées, d'un nombre indéterminé, et dont un chiffre romain indique la suspension et le repos. Grâces à ces haltes ménagées avec art, le lecteur peut, sans lassitude et sans ennui, parcourir une composition de longue haleine, où l'imagination se livrant à tous ses caprices, s'est plu, sans transition prononcée, à passer d'une idée à l'autre.

A son début, le poète est sur les bords du lac du

Bourget. Il adresse à un batelier des stances pleines

d'une suave harmonie, et qu'on peut même lire après

une Méditation de Lamartine. Les voici :

Connais-tu, gondolier, cette côte adorée

Où l'amandier fleurit sous la neige au printemps;

Où le saule, pareil à la vierge éplorée,

Baigne aux flots bleus du lac ses long rameaux flottants?

Compagnon, la soirée est belle,

L'oiseau chante dans les halliers;
Laisse dériver ta nacelle

Le long de ces verts peupliers.

Connais-tu cette rive où le lis des vallées

Exhale au fond des bois ses parfums dans les airs;
Où la vierge des monts, dans les nuits étoilées,
Au bras de son amant suit les sentiers déserts ?

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