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RAPPORT SUR LE PRIX DE POÉSIE.

brant un des monuments qui honorent notre pays, il verra son nom, gravé sur le frontispice, passer à la postérité.

Nota. L'auteur du Poème couronné est M. J.-P. VEYRAT.

MATÉRIAUX HISTORIQUES

ET

DOCUMENTS INÉDITS

EXTRAITS

DES ARCHIVES DE LA VILLE DE CHAMBÉRY.

Par M. le Marquis Costa de Beauregard.

Ter MÉMOIRE.

Avant l'époque où les princes fondateurs de la monarchie de Savoie prirent un ascendant décidé sur les petites puissances environnantes, le pays qui depuis a formé leur domaine, était partagé entre un grand nombre de seigneurs, de comtes, de barons tous, dans l'origine, simples officiers des empereurs ou des rois de Bourgogne, puis devenus héréditaires, quelques-uns même vassaux perpétuels et immédiats

de l'empire germanique. Fiers de leur force, jaloux à l'excès de leur indépendance, ces puissants feudataires visaient sans cesse à la consolider aux dépens de l'autorité souveraine, et sentirent l'importance de s'assurer des retraites qui pussent les protéger contre la vengeance du suzerain, ou les mettre à l'abri des entreprises belliqueuses de leurs ambitieux rivaux. Ce fut alors que, sur les rochers escarpés qui bordent nos vallées, on vit s'élever ces sombres forteresses dont les ruines parlent aujourd'hui si éloquemment à notre imagination. Souvent les anciennes chroniques nous représentent ces châtelains guerriers s'élançant de leurs donjons comme l'aigle de son aire, pour dépouiller le voyageur et semer autour d'eux l'épouvante et la ruine. Mais ces murs furent aussi les muets témoins de nobles actions; l'honneur, l'hospitalité, la gloire, ont habité leur enceinte, et des faits d'un grand intérêt pour l'histoire s'y sont accomplis. S'il nous était donné de faire parler ces nobles débris que le temps et le vandalisme des spéculations font chaque jour disparaî– tre, quel charme nous offriraient leurs intéressantes révélations! Peu de tâches seraient plus belles, plus véritablement patriotiques que de rechercher dans les documents contemporains les souvenirs historiques de ces antiques manoirs, et ceux des familles illustres qui les habitèrent; mais malheureusement fort peu de ces titres précieux nous ont été conservés; beau

coup périrent dans les invasions qui suivirent la Réforme. Les Valaisans et les Bernois dévastérent alors nos plus belles vallées, portèrent le fer et la flamme dans les monastères et les châteaux du Chablais, du Faucigny, des bailliages de Gaillard, de Gex et de Ternier, et anéantirent des documents dont la perte est irréparable pour l'histoire de ces provinces. Toutefois, un grand nombre avait échappé à la barbarie de ces sauvages novateurs; car, en 1650, époque où Charles-Auguste de Sales écrivait son Pourpris historique, il fut à même de compulser les archives des principales familles de Savoie, et plus de cinquante mille titres lui furent alors communiqués (1). Il était réservé aux philosophes, à ces protecteurs éclairés des sciences et des lettres, d'anéantir les sources les plus précieuses de l'histoire dans les stupides fureurs de la révolution qui fut leur ouvrage. Que l'on ne m'accuse point ici d'exagération : qui ne sait que, le 19 juin 1792, Condorcet, à la tribune de la Convention nationale, fit décréter d'urgence la destruction de tous les titres qui existaient dans les dépôts des départements: « C'est aujourd'hui (dit-il) que dans la capi<«< tale la raison brûle, aux pieds de la statue de « Louis XIV, ces immenses volumes qui attestent la << vanité de la noblesse ; d'autres vestiges en subsistent

(1) Pourpris historique, page 26.

<< encore dans les bibliothèques publiques, dans les << chambres des comptes, dans les chapitres à preu<< ves et dans les maisons des généalogistes; il faut <<< envelopper ces dépôts dans une destruction com

mune (2); » et cette destruction s'étendit jusques aux trésors de la vaste collection commencée par Colbert et d'Aguesseau, et continuée par les ministres successeurs de ces grands hommes, Bertin, de Maurepas, d'Ormesson, de Calonne. « Déjà la patience <«<et le savoir immense des Bénédictins, assistės du <«< concours des hommes instruits de tous les pays, << avaient accumulé et classé un nombre prodigieux de <«< chartes, de diplomes et d'actes de toute espèce, <«< qui servirent de centre à ces grands travaux histo«< riques, éternel honneur des lettres françaises. On << y venait puiser à la fois pour le recueil des ordon«<nances, celui des historiens de France, l'Art de << vérifier les dates, la Gallia christiana et la nouvelle <<< collection des conciles. Déjà l'on avait fait pres«< sentir que l'ensemble de ces documents pourrait << être un jour publié, et le roi en avait donné l'assu<«<rance au monde savant en 1782 (3). » Mais cette espérance ne devait pas se réaliser la révolution

:

(2) Châteaubriand, Introduction aux études historiques. (3) Champollion-Figeac, cité par M. de Châteaubriand, Etudes histor.

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