Imágenes de páginas
PDF
EPUB

du monde, un caractère original, une physionomie particulière. Chaque peuple a ses souvenirs, ses espérances, patrimoine sacré dont il est le gardien jaloux, et qu'il ne livre jamais à des mains étrangères. Or, c'est là un trésor inépuisable de poésie, un sujet toujours nouveau, offert à l'enthousiasme de qui a reçu d'en haut le don de peindre ses pensées par des paroles. Sous ce point de vue, Messieurs, le poète savoyard n'est pas un enfant deshérité du ciel. N'avonsnous pas nos jours resplendissants de lumière pour éclairer nos pompes religieuses, nos fêtes nationales ? N'avonsnous pas des fleurs de toute espèce pour orner nos autels et parfumer nós demeures? Et le bruit lointain de nos torrents, et le frémissement harmonieux de nos forêts ne viennent-ils pas se mêler au chant grave de nos prêtres, aux doux cantiques de nos vierges? Oui, la paix

de nos fraîches vallées appaise les inquiétudes de l'existence, et nos monts nous élèvent vers le trône de l'Eternel, dont ils sont en quelque sorte le sublime marchepied.

<< Mais la nature, en Savoie, ne vient pas seule inspirer le poète. Les beauxarts y ont aussi droit à ses hommages. Sans doute nous n'avons pas ces temples magnifiques, ces basiliques imposantes dont des peuples plus fortunés s'enorgueillissent nos monuments sont simples

comme nos mœurs, modestes comme nos héritages. Cependant nous devons à la piété de nos pères quelques édifices que les artistes ne dédaignent pas de confier à leurs pinceaux. Et de nos jours même, deux monuments se sont élevés, qui, consacrant tout ce qu'il y a de grand dans le passé, s'emparant de tout ce qu'il y a de hardi dans l'industrie moderne, suffiraient seuls pour rendre le pays qui les

possède le juste objet de l'admiration des étrangers vous avez tous, comme moi, Messieurs, nommé l'abbaye d'Hautecombe et le pont Charles-Albert.

<< Maintenant si, fouillant dans les siècles écoulés, j'y cherche nos titres de gloire et d'honneur, quel immense horizon ne s'ouvre pas devant moi! Quelle lyre pourra répondre à tous ces noms qui rayonnent dans notre histoire ? Ah! Messieurs, elle est bien grande, bien faite pour parler au cœur et à l'imagination, cette royauté savoyarde, qui, partie du sein de nos agrestes montagnes, s'est élevée par ses vertus et son courage, et franchissant les Alpes soumises, a posé sous le beau ciel d'Italie son trône, dont l'amour des peuples a creusé les solides fondements. Elle est bien digne de l'enthousiasme de l'ode, de la consécration d'une épopée, cette famille de princes et de rois, qui, toujours vierge d'un tyran,

porta aussi bien le sceptre que l'épée, et plus que jamais est devenue de nos jours la personnification de toutes les gloires nationales.

« Et ne croyez pas qu'en suivant la trace de nos princes et de nos guerriers, le poète n'ait qu'à parcourir la terre qui leur donna le jour. Non, leur sang généreux a coulé partout où il y avait des injures à venger et des lauriers à conquérir. La Terre-Sainte a vu briller leur épée victorieuse; la croix blanche a flotté triomphante dans les plaines parfumées de l'Orient, et nous trouvons leurs pas empreints en sillons lumineux sur la plupart des champs de bataille que l'Europe montre avec fierté aux nations qui s'inclinent devant sa gloire.

[ocr errors]

M. le comte de Boigne, Président de l'Académie, répondant au récipiendaire,

a montré, dans un discours rempli de grâce et d'érudition, que l'amour de la poésie et la culture des lettres peuvent s'allier aux études graves et sérieuses qui doivent remplir la plus grande partie de la vie d'un magistrat. Il rappelle que Thomas Morus, d'Aguesseau et le président Favre débutèrent par des vers dans la carrière des lettres, et cependant devinrent de grands magistrats.

Dans la même séance, M. l'avocat Ménabréa, rapporteur de la commission chargée d'examiner et de juger les tableaux envoyés au concours de peinture, montre aussi la Savoie comme un lieu privilégié et éminemment propre à inspirer les poètes et les peintres. Son ciel souvent nuageux, ses montagnes tantôt gracieuses, tantôt âpres et sévères, ses vallées fraîches et touffues, cette variété

« AnteriorContinuar »