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incessante d'un sol accidenté qui semble avoir été agité par tous les cataclismes que le globe a subis, l'aspect de ceux de ses châteaux qui ont échappé au marteau du vandalisme révolutionnaire, les ruines mêmes de ceux qui ont été à moitié démolis, tout ici semble inviter le génie à prendre la lyre ou le pinceau. La fraîche et brillante nature de la Savoie n'a point encore été noircie par les fumées de l'industrie; ses riantes collines, ses mystérieux ombrages n'ont point encore été symétrisés par le compas des niveleurs ; ses habitants, simples, naïfs, hospitaliers, n'ont point encore été façonnés par ce culte de l'or qui change la nature de l'homme. Chantres de la nature, c'est ici qu'il faut chercher vos modèles !

Dans un discours de réception, M. Bonjean a fait l'éloge de M. Bise. Nous en parlerons ailleurs.

M. le comte de Vignet, Président de la Société, a répondu par un discours qui retrace si bien l'esprit et le but de la Société, que nous croyons utile d'en reproduire ici la plus grande partie.

<< Si le but de l'institution de cette Société, dit-il, est d'encourager les talents naissants et de leur donner un moyen de se faire jour; si nous avons admis des candidats dans la seule espérance que leurs succès futurs justifieraient notre choix, à bien plus forte raison il est heureux pour nous de recevoir dans notre sein des personnes dont les travaux sont déjà connus et dont les pas dans la carrière des sciences ont déjà été marqués par des succès obtenus dans notre pays et à l'étranger. Quelle que soit donc la modestie qui vous fait attribuer à votre seul zèle pour la science et à votre constance dans le travail, le titre de Membre effectif de la Société, vous ne devez pas douter qu'en vous l'ac

cordant elle n'ait voulu récompenser vos essais précédents et en reconnaître l'utilité.

<< Le souvenir du membre de la Société dont vous venez de déplorer la perte est encore assez frais parmi nous, pour que nous ayons prêté une oreille attentive à ce que vous nous avez dit de lui, et donné notre assentiment aux éloges qu'il vient de recevoir dans votre discours. Son zèle pour l'accroissement de la Bibliothèque publique, la simplicité de ses manières et la rare complaisance qu'il montrait dans l'exercice de ses fonctions de bibliothécaire, sont encore présents à tout le monde. Mais un mérite de M. Bise, que vous n'avez pas oublié, et auquel je m'arrêterai spécialement, est son rare désintéressement. Je n'omettrai jamais l'occasion de signaler cette vertu, compagne nécessaire de l'intégrité, parce que, ainsi que je l'ai déjà dit dans un écrit que la

Société a bien voulu faire imprimer (1), ce désintéressement est un caractère distinctif et général des gens de lettres de notre patrie. Je n'ai jamais attaché une grande importance aux dénombrements que plusieurs de nos écrivains ont faits des auteurs que la Savoie a produits, pour prouver notre aptitude aux lettres et aux sciences. Ils ont oublié qu'une seule ville de 25,000 âmes, placée sur notre frontière, a produit à elle seule plus d'hommes distingués que les 21 autres cantons Suisses et les 8 provinces de la Savoie réunis. Mais il n'en est pas de même de tout ce qui peut relever, ne fût-ce qu'à nos propres yeux, le caractère de la classe des gens de lettres de Savoie. Si nous pouvons prouver que toujours et partout ils

ont été reconnus comme gens intègres,

(1) Réponse du vice-président de la Société académique, à M. le comte Charles de Boigne.

1830.

désintéressés, religieux, nous aurons prouvé plus que beaucoup d'autres contrées ne pourraient prouver en leur faveur; et si l'on disait que ce genre de mérite est plus facile et moins rare que le mérite littéraire, on risquerait fort de se tromper. Il est plus d'une contrée où l'on rencontrerait plus aisément un savant ou un littérateur, qu'un homme parfaitement intègre et désintéressé.

« J'ai déjà parlé ailleurs du désintéressement de presque tous nos grands hommes, qui ont sacrifié les plus brillants avantages à l'amour de leur patrie ou de leur devoir, mais je n'ai pas cité les hommes de lettres qui avaient montré la même vertu chez l'étranger. Je n'ai pas nommé Frezier, qui, dans une place où d'autres auraient accumulé une grande fortune, n'a rien su gagner pendant une longue vie, que le renom d'une parfaite intégrité. Je n'ai pas parlé de Berthollet,

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