Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pas

qui ne retira d'autre avantage matériel de ses nombreuses découvertes dans les arts, découvertes qui ont enrichi tant de manufactures, qu'une pièce de toile de coton, qu'il ne voulait même accepter. Je n'ai pas cité vingt autres noms, rappelés dans l'ouvrage de l'abbé Grillet, comme ayant été connus dans les pays étrangers par leurs vertus privées et leur rare désintéressement; ni les écrivains modernes, dont la réputation littéraire n'a enrichi que leur éditeur, dans un temps où la littérature n'est plus, pour tant d'auteurs, qu'une spéculation mercantile.

<< D'après ce que je viens de dire, vous jugerez facilement, Monsieur, avec quel intérêt j'ai écouté la partie de votre éloge qui rappelle la fin religieuse de M. Bise, et avec quelle satisfaction j'ai appris que l'élève de l'Ecole normale, l'associé de l'Athénée, avait reconnu qu'il valait mieux

pour lui finir dans la croyance de ses pères que dans les doctrines qu'il avait entendu enseigner dans l'une et l'autre de ces institutions, versées à pleins bords dans la première, instillées goutte à goutte dans la seconde. Hélas! il avait été, comme tant d'autres, soumis à la nécessité à laquelle nous condamne notre position géographique et la langue que nous parlons, celle de ne pouvoir atteindre à un certain degré d'instruction sans l'aller chercher dans la seule capitale de l'Europe où les sciences physiques et les études métaphysiques n'ont pas encore cessé de graviter vers le matérialisme ou le panthéisme, Mantua væ miseræ... Qu'il reçoive donc les louanges qu'il mérite pour n'avoir pas voulu se séparer des gens de lettres de notre patrie, dont le caractère religieux est, ainsi que je l'ai dit, une qualité propre et distinctive. Je ne sais pourquoi personne n'a encore relevé cette circons

tance. Si l'on a redouté pour leur mémoire

le dédain que le philosophisme moderne

a déversé sur les écrivains religieux, on a eu grand tort. Qu'importe l'opinion d'une fraction du monde littéraire chez un seul peuple et dans un seul siècle ! L'estime pour le caractère religieux des poètes et des philosophes est de tous les siècles et de tous les peuples, et cette estime est si forte qu'elle triomphe même des opinions propres à chaque religion. Assurément nous avons peu de sympathie pour les divinités de l'Olympe, ou pour le puritanisme protestant, et cependant quel homme de bien ne préfère le respect pour les dieux professé par Euripide, Platon, Virgile, Cicéron, et n'aime mieux la religion de Newton, de Leibnitz, de Klopstok, que l'irréligion d'Aristophane, de Lucien, de Hume ou de Bolingbroke, quoique ces hommes aient pensé comme nous sur le paganisme ou le protestan

[ocr errors]

tisme? C'est donc une gloire réelle pour les hommes de lettres de Savoie d'avoir toujours conservé ce caractère d'attachement à la foi de nos pères, même dans les temps les plus difficiles. Qu'on se rappelle le 16 siècle, lorsque l'esprit de la Réforme envahissait la moitié de l'Europe et partageait les écrivains en deux camps presque égaux; non-seulement il n'y eut en Savoie aucune défection chez les écrivains ecclésiastiques, mais les auteurs profanes eux-mêmes, comme Favre, et plus tard St-Réal, publièrent des ouvrages de controverse en faveur de la foi catholique. Enfin, au dernier siècle, lorsque, si près de nous, trois générations successives ont fait au christianisme une guerre active et incessante, guidées au combat par la portion la plus nombreuse, et, il faut bien l'avouer, la plus habile des gens de lettres et des savants, on ne peut compter aucun homme distingué de

notre pays qui se soit enrôlé sous ce drapeau. Loin de là, deux hommes se sont rencontrés parmi nous qui, de l'aveu général, se sont placés au premier rang des défenseurs du Christ. L'un, qui a honoré la pourpre plus encore que la pourpre ne l'a élevé, a défendu la vérité avec tout l'ascendant que lui donnait la réputation d'un des plus grands géomètres et des premiers métaphysiciens de son siècle; l'autre, armé de toute la puissance d'une érudition qui étonne la pensée, et s'appuyant sur une renommée littéraire devenue européenne, a pris courageusement l'offensive; il a attaqué l'école voltairienne corps à corps; il a osé arracher de son front cette auréole de suprématie littéraire qu'elle avait usurpée, et la changer en couronne d'ignominie, et tous les peuples ont applaudi à son audace. Il ne m'appartient pas de le louer, mais je crois que nul plus que lui n'a accéléré

« AnteriorContinuar »