Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[graphic][merged small][merged small]

Roland de Lassé,

COMPOSITEUR BELGE,

NÉ A MONS EN 1520 (1).

Hic ille Orlandus Lassus qui recreat orbem.
(Verset contemporain de l'artiste).

Quel que soit le jugement que l'histoire portera un jour sur le roi Louis de Bavière, son nom vivra dans la capitale qu'il se plut à embellir et à couvrir de monuments, aussi longtemps que les traces de ces monuments frapperont les regards des futures populations.

Ce fut peu avant les troubles qui le dégoutèrent du trône où il se montra si généreux envers les arts, qu'il conçut la noble penseé d'élever une statue au plus grand des compositeurs qui illustrèrent la Bavière, et que la Belgique revendique à juste titre comme l'un de ses enfants les plus célèbres.

Lassé, ai-je dit dans un article où je développai l'histo

(1) Feu Henri Delmotte a publié une notice détaillée sur Roland de Lattre, Lassé ou Lassus (Valenciennes, 1836, in-8°, 168 pages), avec son portrait. Dans la notice que nous insérons ici aujourd'hui, l'auteur s'est contenté de tracer à grands traits la vie du célèbre Maestro, pour arriver à parler de la statue que le roi Louis de Bavière a élevée à ce compositeur. On y trouvera cependant quelques détails nouveaux qui n'ont pas été consignés dans le travail de M. Delmotte.

(Note de la Rédaction).

rique de l'école de musique flamande au moyen-âge (1), était né à Mons en 1520.

Son père avait porté le nom de Lattre. Mais cet homme, jusque là probe, ayant eu le malheur de se laisser entraîner à la fabrication de fausses monnayes, et ayant, pour ce crime, été condamné à une peine infamante, la honte qui rejaillit sur son nom porta par la suite son fils, dont les talents déjà développés pour l'art donnaient les plus grandes espérances, à le changer en celui de Lassé qu'il devait rendre si glorieux, et qu'il continua de porter jusqu'à sa mort.

Le jeune Roland avait, dès l'âge de sept ans, été instruit dans les lettres, et il avait de bonne heure aussi commencé son instruction artistique. Sa voix était d'une rare beauté, et comme enfant de chœur à l'eglise de S'-Nicolas de Mons, où son père vivait dans la rue Gerlande (2), il charmait le nombreux auditoire qui se portait dans le temple pour l'écouter. On prétend que plusieurs fois son chant fit une telle impression, que dans leur enthousiasme, quelques-uns de ses auditeurs l'enlevèrent à sa famille. Samuel Quikelberg, qui rapporte ce fait (3), semble donner à entendre qu'il connut lui-même Lassé et qu'il eut de lui quelques détails sur sa vie; son assertion mérite donc d'être prise en considération. Cependant, comme aucun document ne constate ces enlèvements, ils n'ont de vraisemblance qu'autant qu'on se rappelle les jalouses rivalités qui existaient entre les églises, pour la composition de leurs chœurs, à l'époque où le jeune artiste vécut, et combien les chapitres tenaient

(1) V. Messager des Sciences historiques de Belgique, année 1848, p. 146-147.

(2) Dans la maison qui avait pour enseigne la Noble Teste. Voir Vinchant, Annales du Hainaut.

(3) Dans la Prosopographia heroum atque illustrium virorum totius Germaniae. Basileæ, 1566, p. 541-542.

à avoir des sujets distingués pour chanter aux grandes solennités les louanges du Seigneur.

Quoiqu'il en soit, Roland s'était aussi attiré l'attention de Ferdinand de Gonzague, occupé alors à lever en Belgique des troupes pour aller soutenir la cause du roi Don Carlos en Sicile. Le général, en quittant le pays, se fit accompagner du jeune enfant, qui alors prit le nom de Lassé, et qui suivit son protecteur en Sicile et à Milan, et auprès duquel son génie se révéla, muri par les études profondes de l'art que sa position auprès du vice-roi lui permit de poursuivre. Roland lui resta attaché pendant six ans, et se rendit ensuite avec Constantin Castrieto à Naples, où il s'arrêta pendant trois ans dans la maison du marquis de la Terza. En 1541, il visita Florence, et après un séjour de six mois dans cette ville, où il fut continuellement l'hôte de l'archevêque, il obtint à Rome, où sa réputation l'avait dévancé, la place de maître de chapelle à l'église de Saint-Jean de Latran. De cette époque datent plusieurs de ses œuvres sacrées, exécutées sous sa direction. Cependant, ayant, en 1543, appris l'état maladif de ses parents, et leur désir de le revoir avant qu'ils ne quittassent ce monde, il délaissa celte position brillante pour se rendre de nouveau dans sa patrie. Mais ceux qu'il venait y consoler, avaient déjà cessé de vivre avant son arrivée, et il parcourut alors l'Angleterre et la France suivi d'un artiste contemporain, Cæsar Brancacio, qu'il avait mené avec lui en Belgique. Il finit par se fixer pendant deux ans à Anvers, où il écrivit plusieurs de ses compositions musicales, et où tout ce que cette ville renfermait de plus noble, de plus instruit, de plus policé se plaisait à l'entendre et à l'admirer.

Il paraît que pendant les quatorze ans qui suivirent son séjour dans cette ville, et sur lesquels se taisent toutes les notices que nous avons consultées, il fit un second voyage en Italie, ou du moins, à la même époque, plusieurs de ses ouvrages furent imprimés à Venise.

Albert V, dit le Maguanime, régnait alors en Ba

vière.

Ce prince, protecteur des lettres et fondateur de la bibliothèque de Munich, qui, pendant sa vie, se montra si jaloux de voir fleurir dans ses états tous les arts libéraux, appela en 1557 près de lui l'artiste célèbre, dont la réputation commençait à remplir toute l'Europe, et l'attacha à sa personne avec plusieurs autres artistes belges que sa munificence attira.

[ocr errors]

Lassé, dans cette nouvelle position, sut non-seulement se concilier les faveurs et la bienveillance du souverain, mais encore, par ses qualités extérieures et par l'affabilité de son caractère, il s'attira l'attention et l'amitié de toute la cour. Il n'était point encore à Munich depuis un an, que déjà il épousait une fille d'honneur de la Duchesse, la belle Régina Weckinger, et en 1562, il fut nommé directeur de la chapelle du prince; celle-ci devint bientôt la plus renommée de toute l'Europe, et pour mieux la compléter, Lassé fit un nouveau voyage en Belgique et à Anvers, d'où il ramena avec lui les sujets les plus distingués et les chanteurs les plus éminents.

Ce fut alors que se développa tout son génie et qu'il étonna le monde musical par l'importance et l'extrême fécondité de ses productions. Il n'est plus connu dès lors que sous le nom de Prince des musiciens, et en Allemagne, en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas, partout son nom reçoit les hommages de ses contemporains (1). En 1570,

(1) Étienne Jodelle, peu lu aujourd'hui, mais qui cependant fut le premier qui imita sur la scène française la forme grecque dans ses deux tragédies de Cléopâtre et de Didon, a fait sur Lassé un poëme de 172 vers, dont je transcris ici le commencement. Ces vers sont am poulés comme tous ceux de l'époque, mais ils prouvent l'enthousiasme qu'excitait le nom de Lassé et ils ne contiennent rien que ne justifient les œuvres du compositeur :

« AnteriorContinuar »