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l'Empereur Maximilien II, à la diète de Spire, lui décerna le 5 décembre, des lettres de noblesse, et en 1571, le 6 avril, le pape Grégoire VIII lui conféra l'ordre de l'Éperon d'or. A l'exemple de ces souverains, les princes et seigneurs les plus puissants se plaisaient à le combler d'honneurs et à lui prouver leur bienveillance. Quand, en 1571, Lassé fit un voyage à Paris, Charles IX le reçut avec la distinction la plus marquée et lui offrit les plus riches présents. Lorsqu'un an après, le massacre de la S'-Barthélemy eut épouvanté le royaume, et que l'âme du roi, bourrelée de

S'il faut que tes chansons graues ensemble et douces
Sur l'aile des beaux chants qu'on leur doit inuenter,
Jusqu'aux Roys (ô ma Muse) ains jusqu'aux dieux tu pousses
Des vers en contr'échange icy tu dois chanter
Pour Orlande, qui peut aux vers l'aile si belle
D'un heur, d'un air, d'un art, admirable prester.
L'aile qu'Orlande peut donner aux vers est telle,
Que son vol animé de mouuements si beaux,

Si prompts, si haults, surpasse en volant toute autre aile.
D'enfer au ciel, du ciel aux infernales eaux,
Mercure en un moment remonte et redeuale,
Ayant au chef, aux pieds, ses ailerons iumaux.
Ce beau vol peut porter à la riue infernale

Nos vers,
au ciel, aux coins de la terre, sans peur
De ce qui fit en mer cheoir le fils de Dédale.
Mercure aussi qu'on fait fort subtil inuenteur
En Musique, peut estre, est la Musique même,
Haussant, baissant, par tout ce beau vol enchanteur.
Puis donc qu'un tel art donne et course et force extrême
Aux vers, et puisqu'Orlande un tel vers façonnant,
Est des vieux et nouueaux ouuriers l'ouurier suprême:
Muses, qui d'un tel art irez toujours tenant
Comme l'art tient de vous, il ne faut qu'on refuse
D'orner ce qui vous peut donner tant d'ornement.
Puis la Musique a pris son beau nom de la Muse,
Mesme l'air des beaux chants inspirez dans les vers,
Est comme en un beau corps une belle ame infuse, etc.

JODELLE, Poëme sur Lasse.

remords, se fut assombrie, on dit qu'en entendant les douces mélodies des sept Psaumes de la pénitence, l'œuvre la plus étonnante peut-être de Lassé, celle du moins où il a mis le plus de pathétique, il sentit la consolation entrer dans son cœur, et qu'il désira avoir près de lui l'artiste qui lui avait procuré ce soulagement. Il lui fit offrir la direction de sa chapelle, emploi que le duc de Bavière, malgré la peine que lui causait le départ de Roland, lui conseilla d'accepter dans son propre intérêt et par considération pour le malheureux prince. Mais Lassé n'était encore arrivé qu'à Francfort, lorsque la nouvelle de la mort de Charles IX lui parvint, et il s'empressa de retourner à Munich, où le duc Albert le reçut de nouveau avec sa bonté accoutumée et le réintégra même dans son emploi.

Cependant son protecteur lui-même mourut le 24 octobre 1579, et quoique son fils et successeur, Guillaume V, ait continué à traiter l'artiste avec la plus grande considération, qu'il lui ait même fait présent d'une petite ferme près de Mersing, et qu'il ait accordé à sa femme une pension viagère, l'intimité entre le prince et le musi

cien cessa.

Lassé demanda au duc, en 1587, qu'il lui permît de passer annuellement quelques mois à sa petite ferme, pour se reposer de ses longs travaux et pour refaire sa santé qui commençait à faiblir. Le prince lui accorda cette demande, à condition toutefois qu'il ne recevrait que la moitié de sa solde. Mais Lassé considéra cette réponse comme une espèce de refus, et il continua son service avec un redoublement de zèle qui valut encore au monde artistique quelques nouvelles compositions.

Cependant tant de travaux finirent par anéantir ses forces, et il tomba bientôt dans un état de démence, dont, malgré tous les soins de ses médecins, il ne guérit plus ja

mais radicalement. Il resta depuis toujours sombre et mélancolique, et il prit le parti d'écrire au duc qu'il était décidé à quitter son service, s'il voulait remplir à son égard les promesses que lui avait faites Albert le Magnanime, et lui conserver son traitement de 400 florins. La réponse de Guillaume fut qu'il devait rester à son service, comme il l'avait fait jusqu'alors; mais que si cependant il s'opiniâtrait dans sa demande, il aurait son congé. Cette menace affecta tellement le vieillard qu'il mourut peu de temps après.

Les historiens qui ont parlé de Lassé, ne s'accordent point sur l'année de sa mort. Il est prouvé aujourd'hui, par l'inscription retrouvée sur sa tombe, que ce fut en 1595, date qui fut aussi inscrite sur le piédestal du monument que le roi Louis lui fit élever.

Cette tombe élégante date incontestablement du commencement du XVIIe siècle; elle se trouvait primitivement placée dans l'église de Notre Daine, d'où sans doute elle aura plus tard été enlevée lors de l'agrandissement de ce temple (1). Oubliée ensuite et perdue, elle fut retrouvée, il y a deux ans, chez un scieur de pierres et achetée par le roi Louis, qui la fit, en attendant de pouvoir lui donner une autre destination, placer dans le jardin de l'Académie des Beaux-Arts à Munich, où elle se trouve encore. Elle est en marbre rouge et contient, sur la partie supérieure, un hautrelief représentant l'inhumation du Christ, et de chaque

(1) Le dessin qui accompagne cette notice a été exécuté avec la plus scrupuleuse exactitude et exprès pour l'auteur de cette notice, par M. Sébold, à Munich, qui a bien voulu aussi se charger de faire le dessin de la statue. Selon M. Delmotte qui en a publié un autre dessin, ce tombeau était encore en 1800 placé dans le cimetière des Franciscains, et il passa plus tard en la possession d'un artiste du théatre de Munich, qui le fit transporter dans son jardin. Ce jardin qui appartint par la suite à mademoiselle de Manntich, le recélait encore en 1830. L'achat que le roi Louis de Bavière a fait de ce tombeau, le sauvera dorénavant de tout oubli.

côté l'épitaphe de Lassé (1). Sur la partie inférieure sont, au centre, les armoiries (2) de l'artiste et celles de son épouse, et de chaque côté, un rang de figures agenouillées et les mains jointes, dont la plus éloignée (à droite) paraît être celle de Lassé, accompagné de ses fils et petits-fils, et la plus à gauche, celle de son épouse, que précèdent ses filles et petites-filles. L'écusson de famille est du moins placé entre les deux figures qui sont devant la mère, et au pied de la première est un jeune enfant encore dans le maillot.

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(2) Ces armoiries sont parlantes, et contiennent un dièse, un bécarre et un bémol sur la bande qui coupe l'écusson. La croix de chevalier de l'Empire orne les deux champs de l'écu, qui se répètent au-dessus et au-dessous de cette bande. V. la planche représentant le tombeau.

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