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Maintenant que nous avons jeté un coup-d'œil sur le magnifique cortége qui conduisait l'empereur Maximilien, le prince Charles et Marguerite d'Autriche au palais de ten Walle, au milieu des acclamations enthousiastes d'un peuple joyeux, et que nous avons vu l'une des plus belles illuminations qu'il soit possible de se figurer, nous allons assister également aux autres réjouissances qui eurent lieu pendant le séjour de la famille impériale dans la capitale de la Flandre.

III.

Deux jours après la solennité dont nous venons de parler, c'est-à-dire pendant la matinée du 25 février 1508, Maximilien se rendit avec tout l'appareil de la puissance au Marché du Vendredi, où il jura solennellement en qualité de mainbour et tuteur du jeune comte de Flandre, de maintenir et de respecter les priviléges du pays (1). Puis il se rendit à l'Hoog-Huys, vaste bâtiment situé sur le même marché, mais dont il n'existe plus de vestiges aujourd'hui, pour y recevoir le serment de fidélité que les quatre Membres de Flandre et le Magistrat de Gand devaient lui prêter à leur tour.

Nous n'entrerons ici dans aucun détail sur cette imposante cérémonie, décrite dans les ouvrages spéciaux traitant des Joyeuses Entrées et dans les relations inaugurales dont nous avons reproduit les titres au commencement de cette notice. D'ailleurs, les sources où nous puisons nos renseignements, ne faisant pas mention du cérémonial qui eut lieu dans cette circonstance, nous croyons qu'il vaut mieux passer cette partie des fêtes de 1508 sous silence, pour nous

(1) Item tsondachs dede de Keyser heet als voocht ende momboer naer de costume. Bouck van memorien der stadt Gendt, fol. 255.

occuper du fameux tournoi à outrance qui se donna le même jour au Marché du Vendredi.

Au moyen-âge tout gentilhomme qui n'était pas destiné dès le berceau à entrer dans les ordres, devait suivre, au moins pendant quelque temps, la carrière des armes. De là naquit cet esprit guerrier qui distingua la noblesse à cette époque. Ces idées belliqueuses prirent tellement racine, que même pendant la paix, alors qu'on n'avait pas d'ennemis à combattre, on cherchait à entretenir cette ardeur guerrière par des Tournois et des pas d'Armes où le sang venait quelquefois rougir le sable de la lice. Ces barbares spectacles auxquels un peuple entier aimait à assister, étaient appelés: Tournois à outrance, par opposition aux Tournois à plaisance où l'on se mesurait à armes courtoises ou émoussées; tandis que dans les premiers on combattait à fer esmoulu et à espées tranchans et poignans, avec des brancs d'acier bien aiguisez, comme nous l'apprennent les vieux romans de chevalerie.

Anciennement les tournois à plaisance étaient qualifiés de nobles assemblées ou pardons d'armes; ils étaient publiés dans toutes les provinces par des rois et des hérauts d'armes, qui se rendaient quelquefois jusque dans les cours des Souverains étrangers.

Il y avait différentes manières de proclamer ces joutes chevaleresques. En France, en Allemagne, en Flandre, en Brabant et dans plusieurs autres pays, on avait généralement adopté, quoiqu'il y eût des exceptions à cet égard, la manière suivante. Le prince ou seigneur banneret, car il fallait qu'il eût au moins cette qualité, qui désirait donner, ou pour nous servir du terme technique, qui désirait frapper un tournoi en la présence des dames et damoiselles, se constituait Appelant et faisait remettre par l'entremise du roi d'armes de sa contrée, au seigneur qu'il voulait combattre en champ-clos, une épée rabattue et émoussée. Si

rien n'empêchait ce seigneur d'accepter le gage qui lui était présenté par le roi d'armes assisté de ses tenants et de ses poursuivants, il devenait Défendant el était tenu de se rendre au jour fixé dans le lieu qu'on avait choisi pour le tournoi. Les juges du camp étaient au nombre de quatre, tous élus par l'Appelant, mais celui-ci était tenu d'en choisir deux appartenant au pays du Défendant. Aussitôt que les juges avaient accepté la noble mission qui leur était offerte, le roi d'armes accompagné des hérauts se rendait dans les différentes localités où l'on voulait faire proclamer le tournoi et sur son ordre un des hérauts criait par trois fois (par trois grandes alenées et par trois reposées) : « Or oez! or OEZ! OR OEZ! Puis il ajoutait : « On fait à sçavoir à tous » Princes, Seigneurs, Barons, Chevaliers et Ecuyers de la › Marche de France, de la Marche de Champagne, de la > Marche de Flandres, etc., et à tous autres de quelsconques » Marches qu'ils soient de ce royaulme et de tous autres > royaulmes chrestiens, s'ils ne sont bannis, ou ennemis du > roy nostre sire, à qui Dieu doint bonne vie; que tel de ce » mois en tel lieu, de telle place sera un grandesime Par» don d'armes et très noble Tournoy, frappé de masses > de mesure et espées rabatues en harnois propres pour ce > faire, en tymbres, cottes d'armes et houssures de chevaulx, > armoyées des armes des nobles Tournoyeurs, ainsi que de » toute ancienneté est de coustume. Duquel Tournoy sont > chiefs très hault et très puissant Princes et mes tres re> doubtez seigneurs le ...... pour Appellant et le ...... pour » Deffendant. » Suivent les conditions imposées par les juges, mais que nous ne pouvons reproduire ici à cause de leur étendue (1).

:

Après la proclamation du tournoi, le roi d'armes devait

(1) Marc de Wlson, sieur de Colombiere. Le vray théâtrc d'honneur et de chevalerie ou le miroir héroïque de la noblesse.

crier à son tour par trois fois : il dit vrai le noble héraut! Après cela ils se retiraient et laissaient par écrit les articles du Pardon d'armes qu'ils venaient de publier (1).

Dans ces Tournois et combats à Plaisance, dit le sieur de la Colombiere, il estoit absolument deffendu de » frapper personne de la pointe de l'espée, mais seulement › du plat ou du taillant qui estoit rabattu et émoussé et ce > seulement de la ceinture en haut, le bas estant deffendu : > ces choses se faisant plustost par forme d'exercice hon› neste el sans danger, que par aucune malice ou van› geance qu'on peut prendre d'aucun en ces occasions, y > ayant un Chevalier d'honneur nommé par les Dames, lequel avoit soin d'empescher que personne des combattans › ne fust mal-traité et trop rudement battu par les autres ; > estant ordonné que lorsque ledit Chevalier d'honneur tou> cheroit quelqu'un avec l'escharpe ou le couvre-chef que » les Dames auroient attaché au bout de sa lance; alors les > autres combattants estoient obligez de luy laisser prendre › haleine, et de cette sorte rarement y arrivoit-il aucun » mal-encontre. »

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Ainsi, lorsque le chevalier d'honneur abaissait le couvrechef de Plaisance sur l'un des combattants, celui-ci devait aussitôt cesser de frapper son adversaire, car dès ce moment les dames le prenaient sous leur protection immédiate, c'est pourquoi on appelait cet emblême de paix, la Merci des dames.

Les tournois se donnaient ordinairement à l'extérieur des villes situées dans le voisinage des forêls; toutefois, cette condition n'était pas absolument requise, car nous pourrions citer un grand nombre de tournois qui eurent lieu au sein des villes sur de vastes places publiques. On y construisait la lice, qui avait la figure d'un parallelogramme

(1) Marc de Wison de la Colombiere.

formé par deux rangées de barrières en bois, faites de piquets ou pals équarris, fortement fichés en terre et liés entre eux par deux épaisses traverses horizontales, dont l'une était placée à hauteur du genou et l'autre, qui lui était parallèle, à hauteur du menton. Ces barrières servaient de clôture au champ, qui était couvert de sable pour empêcher les chevaux de tomber. A l'une des extrémités on voyait de hautes et belles estrades en forme de tribunes, garnies de tentures de velours ou de soie et pavoisées de bannières et de banderoles aux couleurs de l'Appelant et du Défendant. Ces estrades réservées aux dames s'étendaient sur toute la longueur de la lice, sauf qu'elles étaient séparées au centre par la tribune des juges, armoriée aux armes des seigneurs qui devaient l'occuper. En face de cette tribune, du côté opposé, s'élevait le Perron ou colonne haute d'environ dix toises, où on appendait des écussons d'or, d'argent et d'autres émaux. Ces écussons désignaient les différentes armes dont il était permis de faire usage ou quelquefois la manière de combattre; dans ce cas, l'écusson d'or signifiait le combat à pied et l'écusson d'argent le combat à cheval. Près du Perron, se tenait le roi d'armes, entouré des hérauts et des poursuivants; et chaque jouteur ou tournoieur, comme on les nommait en vieux langage, après avoir touché de la main l'un des écussons attachés au perron, devait remettre au roi d'armes ses armoiries, en déclinant son nom et ses titres. Cependant il y eut des exceptions à cette règle, car plus d'une fois on vit entrer en lice des chevaliers inconnus, qui conservèrent l'incognito même après avoir obtenu le prix réservé au vainqueur.

La lice avait deux entrées opposées, pratiquées dans les deux autres côtés du parrallelogramme, l'une pour l'Appelant et l'autre pour le Défendant qui y entraient en même temps, chacun avec sa compagnie. Dans l'intervalle établi

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