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Dans nos campagnes flamandes, les artistes dramatiques étaient aussi nombreux que les amis de la poésie. C'était aussi dans les Rhétoriques qu'ils se trouvaient. Le goût des lettres et du theâtre était donc répandu parmi nous, deux et trois cents ans avant que Lamartine eût tracé ces lignes : Qui m'aurait dit que les drames se heurteraient à la porte de tous les théâtres; que l'âme lyrique et religieuse d'une génération de bardes chrétiens inventerait une nouvelle langue pour révéler des enthousiasmes inconnus; que la liberté, la foi, la philosophie, la politique, les doctrines les plus antiques comme les plus neuves, lutteraient à la face du soleil, de génie, de gloire, de talents et d'ardeur, et qu'une vaste et sublime mêlée des intelligences, couvrirait la France et le monde du plus beau comme du plus hardi mouvement intellectuel qu'aucun de nos siècles eût encore vu? D

Eh bien! ce phénomène qui se passe de nos jours, nous l'avons observé dans notre Flandre aux XVIo, XVII® et XVIII siècles, et nous avons dit avec quelle ardeur la jeunesse flamande se rendait à ces époques aux concours dramatiques et littéraires, et quels sacrifices s'imposait le pays pour les favoriser.

Toutefois, nous ne prétendrons pas que nos poètes et nos écrivains flamands aient exercé une influence sur les princes de la littérature française; ceux-ci ignoraient ceuxlà, et lors même qu'ils les eussent connus, ils ne les auraient pas compris. D'ailleurs, notre langue est la langue d'un pays conquis, et l'esprit de parti, l'amour-propre français, n'aurait jamais consenti à adopter ses traits caractéristiques, ses images, ses beautés.

L. DE BAECKER.

Le Baron de Reiffenberg.

Il était le plus noble des savants et

le plus savant des nobles.

Consacrer quelques lignes à la mémoire d'un savant, dont la perte sera pendant longtemps encore vivement sentie par tous ceux qui aiment et qui cultivent les lettres, est une tâche douloureuse dont le Messager des Sciences et des Arts ne peut manquer de s'acquitter. Mais, comment raconter la vie si remplie et si utile de l'illustre défunt que nous pleurons et qui laisse un vide immense à combler, sans dépasser les limites qui nous sont rigoureusement imposées? Une biographie complète dans laquelle on soumettrait à l'analyse les œuvres remarquables que le baron de Reiffenberg a léguées à la postérité, et où l'on retrouverait les mille anecdotes littéraires qu'il savait si agréablement narrer, serait un vaste travail auquel un volume suffirait à peine. Nous nous bornerons donc à une esquisse rapide de sa vie, pour passer ensuite en revue les divers articles qu'il a publiés dans le Messager des Sciences et des Arts.

S'il est vrai que les Reiffenberg figurèrent autrefois avec quelqu'éclat parmi les guerriers qui illustrèrent les principales familles de la noblesse allemande, il est également vrai qu'ils donnèrent à la république des lettres plusieurs hommes célèbres, parmi lesquels il n'en est aucun qui mérite à plus juste titre de passer à la postérité, que:

FRÉDÉRIC-AUGUSTE-FERDINAND-THOMAS baron DE REIFFENBERG, né à Mons le 14 novembre 1795, que la mort vint

enlever au milieu de ses utiles travaux, à Bruxelles, le 18 avril 1850. Il était fils unique de Frédéric-Joseph-CharlesFerdinand, baron et comte de Reiffenberg et de MarieAntoinette Senault dit des Seize, et il avait épousé le 29 août 1827, Marie-Adèle-Félicité Frantzen, dont il eut deux fils.

:

Les armoiries de sa maison sont : D'argent à trois bandes de gueules. Cimier un vol d'aigle blasonné comme l'écu. Supports deux lions d'or, armés et lampassés de gueules, tenant des bannières aux armes de l'écu.

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Le baron de Reiffenberg, comme la plupart de ceux qui ont vécu sous la domination française, embrassa la carrière des armes. Il fit plusieurs campagnes dans lesquelles il reçut de glorieuses blessures; mais lorsque la puissance de Napoléon succomba sous les efforts de l'Europe coalisée, il quitta le service pour se livrer exclusivement à la science. En 1818 il fut nommé professeur à l'Université de Louvain et en 1835 à celle de Liége, d'où il fut bientôt appelé à Bruxelles en qualité de conservateur en chef de la Bibliothèque royale que le gouvernement venait de créer avec le fonds Van Hulthem (1). « Ce que le baron de Reiffenberg

(1) Voyez l'excellente notice biographique sur le baron de Reiffenberg, publiée par Mr X. Heuschling dans le Bulletin du Bibliophile belge, t. VII, 1850, p. 152.

D

» a écrit depuis de livres, de brochures, de notes, de commentaires, de prolégomènes, » dit M. Schoonen dans sa courte mais intéressante notice sur cet homme célèbre (1), « est immense et défrayerait une bibliothèque. Véritable » bénédictin exercé au travail comme ces moines érudits » de Saint-Maur, à qui l'Europe doit tant de savantes recher» ches; tête d'encyclopédiste, merveilleusement organisée, D infatigable à la peine, toujours prête à réfléchir, toujours » prête à produire, le célèbre bibliophile que l'Académie » royale de Belgique vient de perdre alliait une érudition » prodigieuse à un esprit des plus délicats et des plus fins. » Ce portrait d'une ressemblance parfaite, nous donne une idée exacte du profond savoir et de l'érudition peu commune dont le baron de Reiffenberg était doué. En effet, l'étonnante facilité avec laquelle il donnait le jour aux œuvres les plus vastes et les mieux digérées, à quelque genre qu'elles appartinssent, car il les cultivait tous avec un égal succès, le range incontestablement parmi les polygraphes les plus remarquables dont les annales de la littérature belge fassent mention. Il serait difficile d'énumérer, sans en omettre aucun, tous les écrits sortis de cette plume aussi féconde que brillante. Cette énumération constituerait le catalogue d'une bibliothèque choisie, dans laquelle la poésie, l'histoire, la critique et la philosophie seraient dignement représentées. Puis, combien de revues et de recueils périodiques tant étrangers que nationaux, n'a-t-il pas enrichi d'articles admirablement écrits où la science se présente toujours sous une forme attrayante? N'est-ce pas à la collaboration de cet homme éminent que quelquesunes de ces publications sont redevables du succès qu'elles ont obtenu dans la suite? Au nombre de ces recueils scientifiques qui doivent un tribut de reconnaissance au baron

(1) Bulletin de la société des gens de lettres belges. 1850, p. 19.

de Reiffenberg, nous citerons le Messager des Sciences et des Arts, le plus ancien de tous et qui compte aujourd'hui vingt-cinq ans d'existence, longévité extraordinaire que peu de revues atteignent. En 1833, le baron de Reiffenberg en prit la direction conjointement avec Messieurs Jaequemyns, Serrure, Van Lokeren, Voisin et Warnkoenig, mais en 1840, ce savant cessa de figurer parmi les directeurs, quoiqu'il continuât à accorder au Messager sa précieuse coopération. Les articles insérés dans ce recueil dus à sa plume, sont les suivants :

Traditions populaires, faits singuliers, anecdotes. T. VII (1833), pp. 161 et 442.

Analyse critique des chansons nationales de O. L. B. Wolff. Idem, p. 204.

Chartes d'affranchissement des XI et XIIIe siècles. Idem, p. 303.

Un primus de Louvain. T. VIII (1834), p. 22.

Traditions populaires, faits singuliers, anecdotes. Id., p. 103. Poésie et œuvres d'imagination en Belgique depuis 1880. Id., p. 217. Article critique des plus spirituels, où il passe en revue les œuvres poétiques de quelques jeunes auteurs belges, après avoir tracé le tableau peu flatteur de l'avenir réservé à la littérature française en Belgique.

Analyse critique de l'édition de la CHRONIQUE D'ARRAS ET DE CAMBRAI par BALDERIC, publiée par le docteur Le Glay. T. IX (1835), p. 288.

Analyse critique des TOURNOIS DE CHAUVENCI donnés vers la fin du XIII° siècle, décrits par JACQUES BRETEX, 1285. Annotés et publiés par H. Delmotte. Id., p. 308.

Analyse critique de la COLLECTION DE DOCUMENTS INÉDITS SUR L'HISTOIRE DE FRANCE. T. XI (1887), p. 107.

Mémoires du comte d'Ongnies. 1665. T. XII (1838), p. 121. Analyse critique de la BIBLIOGRAPHIE PALÉOGRAPHICO-DIPLOMATICOBIBLIOLOGIQUE GÉNÉRALE par P. Namur. Id., p. 177.

Analyse critique de la BIOGRAPHIE UNIVERSELLE DES MUSICIENS

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