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parce que ces lois importent à son bonheur; mais le peuple même ne pouvant effacer le crime de la tyrannie, le droit des hommes contre la tyrannie est personnel; et il n'est pas d'acte de la souveraineté qui puisse obliger véritablement un seul citoyen à lui pardonner.

C'est donc à vous de décider si Louis est l'ennemi du peuple français, s'il est étranger: si votre majorité venait à l'absoudre, ce serait alors que ce jugement devrait être sanctionné par le peuple; car si un seul citoyen ne pouvait être légitimement contraint par un acte de la souveraineté à pardonner au roi, à plus forte raison, un acte de magistrature ne serait point obligatoire pour le souverain.

Mais hâtez-vous de juger le roi, car il n'est pas de citoyen qui n'ait sur lui le droit que Brutus avait sur César ; vous ne pourriez pas plutôt punir cette action envers cet étranger, que vous n'avez blâmé la mort de Léopold et de Gustave.

Louis était un autre Catilina; le meurtrier, comme le consul de Rome, jurerait qu'il a 'sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple; il est vaincu : c'est un barbare, c'est un étranger prisonnier de guerre: vous avez vu ses desseins perfides; vous avez vu son armée; le traître n'était pas le roi des Français; c'était le roi de quelques conjurés ; il faisait des levées secrètes de troupes, avait des magistrats particuliers: il regardait les citoyens comme ses esclaves ; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage; il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du

Champ-de-Mars, de Tournay, des Tuileries: quel ennemi, quel étranger nous a fait plus de mal? il doit être jugé promptement. C'est le conseil de la sagesse et de la saine politique; c'est une espèce d'otage que conservent les fripons: on cherche à remuer la pitié; on achètera bientôt des larmes; on fera tout pour nous intéresser, pour nous corrompre même. Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance; et tu pourras nous accuser de perfidie!

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DISCOURS SUR LA MÊME QUESTION,

Prononcé par Saint-Just, dans la séance du 27 décembre

1792.

Quand le peuple était opprimé, ses défenseurs étaient proscrits : ô vous qui défendez celui que tout un peuple accuse, vous ne vous plaindrez pas de cette injustice! Les rois persécutaient la vertu dans les ténèbres; nous, nous jugeons les rois à la face de l'univers! Nos délibérations sont publiques, pour qu'on ne nous accuse point de nous conduire sans ménagement. O vous, encore une fois, qui défendez Louis, vous défendez tous les Français contre le jugement que va porter le monde entier! Peuple généreux jusqu'au dernier jour! Il ne voulut point jului-même son ennemi; il permit qu'on employât tout pour le convaincre qu'il se trompait, lors même que tant de familles portaient le deuil de leurs en

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fans, et que les meilleurs citoyens, par les suites de la trahison et de la tyrannie, étaient enterrés dans l'Argonne, dans tout l'empire, et dans Paris autour de vous!

Et cependant il faut encore qu'un peuple infortuné, qui brise ses fers, et punit l'abus du pouvoir, se justifie de son courage et de sa vertu! O vous aussi qui paraissez les juges les plus austères de l'anarchie, vous ne ferez point dire de vous, sans doute, que votre rigueur était pour le peuple, et votre sensibilité pour les rois! Il ne nous est plus permis de montrer de faiblesse: nous qui demandions l'exil des Bourbons, si l'on exile ceux qui sont innocens, combien ne devons-nous pas être inflexibles pour ceux qui sont coupables!

S'il était un ami de la tyrannie qui pût m'entendre, et qu'il trempât secrètement dans le dessein de nous opprimer, il trouverait, peut-être, encore le moyen d'intéresser la pitié; peut-être, trouvera-t-il l'art de peindre les ennemis des rois comme des sauvages sans humanité : la postérité ne serait point oubliée toucher l'orgueil des représentans du peuple...... Postérité! tu béniras tes pères; tu sauras alors ce qu'il leur en aura coûté pour être libres; leur sang coule aujourd'hui sur la poussière que doivent animer tes générations affranchies!

pour

Tout ce qui porte un coeur sensible sur la terre res

Allusion à l'entrée des ennemis dans les départemens de la Meuse, de la Marne et de l'Aisne.

trop tôt dans son ame; il en a perdu le fruit. Il n'y avait rien dans les lois de Numa pour juger Tarquin; rien dans les lois d'Angleterre pour juger Charles I": on les jugea selon le droit des gens; on repoussa la force par la force; on repoussa un étranger, un ennemi. Voilà ce qui légitima ces expéditions, et non point de vaines formalités, qui n'ont pour principe que le consentement du citoyen par le contrat.

On ne me verra jamais opposer ma volonté particulière à la volonté de tous. Je voudrai ce que le peuple français, ou la majorité de ses représentans voudra; mais comme ma volonté particulière est une portion de la loi qui n'est point encore faite, je m'explique ici ouvertement.

Il ne suffit pas de dire qu'il est dans l'ordre de la justice éternelle, que la souveraineté soit indépendante de la forme actuelle de gouvernement, et d'en tirer cette conséquence, que le roi doit être jugé; il faut encore étendre la justice naturelle et le principe de la souveraineté jusqu'à l'esprit même dans lequel il convient de le juger: nous n'aurons point de République sans ces distinctions qui mettent toutes les parties de l'ordre social dans leur mouvement naturel, comme la nature crée la vie de la combinaison des élémens.

Tout ce que j'ai dit tend donc à vous prouver que Louis XVI doit être jugé comme un ennemi étranger. J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire que son jugement à mort soit soumis à la sanction du peuple, car le peuple peut bien imposer des lois par sa volonté,

parce que ces lois importent à son bonheur; mais le peuple même ne pouvant effacer le crime de la tyrannie, le droit des hommes contre la tyrannie est personnel; et il n'est pas d'acte de la souveraineté qui puisse obliger véritablement un seul citoyen à lui pardonner.

C'est donc à vous de décider si Louis est l'ennemi du peuple français, s'il est étranger: si votre majorité venait à l'absoudre, ce serait alors que ce jugement devrait être sanctionné par le peuple; car si un seul citoyen ne pouvait être légitimement contraint par un acte de la souveraineté à pardonner au roi, à plus forte raison, un acte de magistrature ne serait point obligatoire pour le souverain.

Mais hâtez-vous de juger le roi, car il n'est pas de citoyen qui n'ait sur lui le droit que Brutus avait sur César; vous ne pourriez pas plutôt punir cette action envers cet étranger, que vous n'avez blâmé la mort de Léopold et de Gustave.

Louis était un autre Catilina; le meurtrier, comme le consul de Rome, jurerait qu'il a 'sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple ; il est vaincu : c'est un barbare, c'est un étranger prisonnier de guerre: vous avez vu ses desseins perfides; vous avez vu son armée; le traître n'était pas le roi des Français; c'était le roi de quelques conjurés ; il faisait des levées secrètes de troupes, avait des magistrats particuliers: il regardait les citoyens comme ses esclaves; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage; il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du

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