Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ANTOINE-LOUIS-LEON DE SAINT-JUST, député du département de l'Aisne à la Convention nationale, naquit à Blérancourt, près Noyon, en 1768, de rens nobles et fortunés.

pa

Lorsque la Révolution éclata, Saint-Just n'avait encore que vingt-un ans : alors toutes ses idées de bonheur allaient se réaliser. Avec une éducation soignée, il avait une grande instruction, devenue le fruit d'un travail assidu. Il s'était nourri de bonne heure de la lecture des anciens, et surtout de J.-J. Rousseau, qu'il regardait comme le précurseur de la Révolution, et dont il embrassa les principes avec l'enthousiasme d'une conviction profonde, et d'un cœur pur et gé

néreux.

En août 1790, Saint-Just écrivait à Robespierre, pour le prier d'appuyer une pétition qu'il lui envoya, dans laquelle il demandait de joindre son héritage aux

domaines nationaux, afin de conserver à son pays un privilége que la ville de Coucy voulait lui enlever, en se faisant transférer les marchés francs de Blérancourt. (Voir cette lettre, page 359.)

A vingt ans, Saint-Just fit un poëme intitulé Orgon, ouvrage léger, que nous nous dispensons de donner, étant en dehors du sujet de ce livre; il fit aussi un ouvrage politique : Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, qu'il nous a été impossible de trouver.

Saint-Just avait acquis une telle influence par son patriotisme, qu'il eût été élu député à l'Assemblée législative, si un article de la Constitution d'alors n'eût fixé à vingt-cinq ans le droit d'y siéger. Il n'avait pas attendu les événemens des 20 juin et 10 août 1792, pour professer ses principes républicains, aussi fut-il porté membre de la Convention, à l'unanimité des suffrages du département de l'Aisne, à vingtquatre ans.

Saint-Just se fit bientôt remarquer par son ardent amour pour la liberté, et par le talent qu'il déploya dans ses rapports et ses discours. Robespierre sut l'apprécier et se l'attacha, non par rapport à lui, mais dans l'intérêt de l'humanité tout entière. Ce sentiment les enflammait et les unit jusqu'à la mort.

Le 30 mai 1793, Saint-Just fut adjoint avec Couthon au comité de salut public, et le 10 juillet suivant, il fut nommé membre de ce comité, alors re

nouvelé. Envoyé en Alsace, avec Lebas, il fit cesser les calamités dont ce pays était devenu le théâtre, par les atrocités d'un nommé Scheneider, ex-vicaire de l'évêque de Strasbourg, qui recevait de l'or de l'étranger pour faire haïr le gouvernement républicain, par les excès qu'il commettait. Ce prêtre romain, qui avait été nommé accusateur public dans le département du Bas-Rhin, reçut le juste châtiment dû à ses crimes. De retour de sa mission, Saint-Just reçut de ses collègues les éloges que lui avait mérités sa sagesse.

Le 19 février 1794, Saint-Just fut élu président de la Convention. En mai, il fut chargé d'une nouvelle mission près l'armée du Nord, où il établit un tribunal révolutionnaire, afin de juger les conspirateurs et les traîtres de l'armée. Un lieutenant-colonel du génie fut condamné à mort, pour avoir retardé les travaux du siége de Charleroy.

Un officier autrichien, chargé de traiter de la reddition de cette place, fit demander à Saint-Just une demi-heure d'entretien. Une demi-heure, réponditil, est-ce que cet homme est chargé de capituler pour toute l'Europe? Il refusa le parlementaire, et dit au trompette qui se présenta: Allez dire à celui qui vous envoie, que les Républicains ne reçoivent et ne donnent que du fer et du plomb. Il ne changea point de langage ni de caractère dans toutes les campagnes où il assista; il allia toujours une grande prudence à un courage héroïque; il établit une discipline sévère,.

tant à l'égard des soldats, qu'à celui des chefs. Cette discipline fut bientôt portée dans toutes les armées par les commissaires de la Convention.

Le 26 mai 1794, il proposa un décret, portant qu'il ne serait plus fait de prisonniers anglais ni hanovriens, qu'ils seraient mis à mort. Par ce décret, StJust n'usait que de représaille, car le cabinet anglais l'avait déjà fait mettre à exécution à l'égard des prisonniers français.

Le 8 messidor suivant, il assista à la bataille de Fleurus, où il montra le sang-froid et le courage le plus stoïque, au milieu du feu de la mitraille de l'ennemi. Il envoya à la Convention les détails de cette victoire célèbre, auquel il avait si dignement contribué, et garda sur son compte le silence le plus scrupuleux, mais sans affectation.

Quelque temps après, sur l'invitation de Robespierre, il se rendit à Paris. L'agitation des factions nécessitait sa présence. Saint-Just fut de nouveau accueilli par les membres de la Convention; mais cet accueil n'était que sur les lèvres, et la jalousie et la haine étaient dans les coeurs. Saint-Just était devenu un censeur redoutable pour les ennemis du bien public, il s'attachait à eux comme un vautour après sa proie; aussi se liguèrent-ils contre lui pour le perdre.

Saint-Just annonça à la Convention que la Révolution allait prendre un nouvel essor. Que nos amis et nos ennemis apprennent, s'écria-t-il, que la terreur

et la vertu sont à l'ordre du jour. Il pensait qu'il fallait frapper vigoureusement, mais frapper juste, afin d'extirper la corruption du sein même de la Convention; aussi conseilla-t-il à Robespierre de ne pas perdre un instant, car il s'agissait encore une fois de sauver la patrie, et qu'il n'était que temps; il voulait diriger lui-même le mouvement, d'où devait infailliblement résulter le salut de la République; mais Robespierre voulait attendre encore, pensant ramener les membres à la vertu par la puissance de son éloquence, et par le concours du peuple, dont il défendait si énergiquement les droits.

Dans la nuit qui précéda le 9 thermidor, Saint-Just se rendit au comité de salut public; une violente discussion s'y éleva, et il sortit en disant à ses collègues: Vous avez flétri mon cœur, je vais l'ouvrir à la

Convention.

Dès l'ouverture de la séance, Saint-Just monta à la tribune, mais il ne put prononcer que quelques lignes du discours qu'il avait composé dans la nuit.

Abreuvé de dégoût, Saint-Just ne vit plus de bonheur que dans la nuit du tombeau, aussi l'invoquaitil comme un bienfait. Il fut décrété d'accusation sur la motion de Louchet. Au milieu de l'orage, il était calme et tranquille. Il fut conduit, avec Robespierre, dans la prison du Luxembourg, où les geoliers refusèrent de les recevoir. Le peuple les porta en triomphe à la Commune. La Commune jure de les défen

« AnteriorContinuar »