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CULTURE DU LIN

DANS

LE DÉPARTEMENT DE L'AUBE

PAR M. HERBO-PRÉVOST

MEMBRE ASSOCIÉ.

On m'a plusieurs fois témoigné le désir d'avoir des renseignements sur la culture du lin dans le département du Nord, son prix de revient et son rendement. De plus, sachant que, depuis trois ans, j'ai cultivé cette plante texile à Eclance, la Société d'Agriculture de l'Aube m'a fait l'honneur de me demander mon avis sur cette culture dans le département de l'Aube, et à quel avenir elle peut prétendre.

Je vais essayer de répondre à ces diverses questions, et tout d'abord, en ce qui concerne la dernière, je m'empresse de reconnaître qu'il serait téméraire, après une aussi courte expérience, de se prononcer d'une manière absolue; mais il y a tout lieu de croire, d'après les récoltes obtenues à Eclance et dans diverses communes environnantes, que cette culture, sans être aussi fructueuse que dans le département du Nord, pour des causes que j'indiquerai plus loin, apporterait certainement une grande amélioration dans l'assolement usité dans ces pays, et, par suite, dans la position

très - précaire d'une grande partie des cultivateurs de l'Aube.

Voici la méthode employée le plus généralement par les cultivateurs du département du Nord:

PRÉPARATIONS ET CHOIX DES TERRAINS.

Le lin aime les terres argileuses, parce qu'elles conservent plus d'humidité, ce qui ne l'empêche point de venir convenablement dans les terres d'une nature différente, surtout lorsque les temps lui sont propices. On choisit de préférence une terre propre, exempte de plantes parasites; car, dans le cas contraire, le sarclage étant indispensable deviendrait trop coûteux, on ne pourrait l'effectuer faute de bras. A cet effet on fait succéder le lin à une prairie artificielle ou à une céréale semée sur la prairie artificielle. Le premier mode cst préférable, en ce qu'il donnera toujours moins de plantes étrangères au lin, et par conséquent nécessitera moins de sarclage. Il est bon, sinon indispensable, de donner un labour énergique avant l'hiver, pour semer ensuite à la herse, afin d'avoir une terre ferme, bien tassée, sans cependant la rendre compacte. Si la terre a été trop rebattue par les pluies de l'hiver et que la gelée n'ait point réparé le mal de manière à permettre à la herse de l'ameublir, on passe l'extirpateur avant la herse, et cette opération suffit toujours.

ENGRAIS.

Le fumier le plus chaud doit toujours être préféré. En activant la levée de la graine, il permet aux jeunes pousses d'échapper à la voracité des pucerons, qui, dans un printemps froid et pluvieux, peuvent causer un grand tort au lin, comme cela arrive pour le colza, avec cette différence que cet insecte s'allaque d'un côté à la fleur et de l'autre à la plante à sa sortie de terre. Si l'on emploie le fumier de ferme (de bergerie de préférence à tout autre si c'est pos

sible), il faut le mettre en terre avant l'hiver, afin qu'il soit bien consommé lors des semailles, et le répartir bien également par tout le champ, de manière à n'avoir point de places plus fumées les unes que les autres, ce qui occasionnerait des longueurs différentes de tiges et nuirait à la qualité du lin. L'engrais du commerce, au contraire, se répand quinze jours avant la semaille. Il faut éviter de semer simultanément l'engrais et la semence, l'engrais déterminant toujours une fermentation qui pourrait nuire à la levée de la graine. On emploie, préférablement à tous les autres, les tourteaux de chenevis. J'ai tout lieu de croire que l'engrais Rohart ou tout autre engrais du commerce composé de matières animales et végétales serait d'un bon usage. La quantité à employer varie selon l'état de la terre. Si l'on sème le lin après un gazon de prairie artificielle, 1,000 kil. de l'un de ces engrais suffisent, tandis que si la terre a déjà porté une céréale, il faut doubler la fumure. C'est donc une avance de 150 à 300 francs en engrais par hectare. Le prix des engrais peut faire varier ces sommes. En engrais de ferme, il faudrait donc de 25 à 50 mètres cubes de fumier pour rester dans les mêmes proportions.

SEMENCES.

La semence à employer a une assez grande importance, et comme valeur et comme qualité comme valeur, parce qu'il en faut pour 80 francs à l'hectare si l'on veut produire ce que l'on appelle lin de mars; moitié moins si l'on veut du lin de mai comme qualité, parce que d'elle peut dé: pendre la valeur de la récolte. Ainsi on s'abstient de se servir pendant plus de trois ans d'une graine de même origine, parce qu'après cet espace de temps le lin est exposé à une maladie qu'on appelle Teigne, et qui arrête la croissance de la plante. Ceci est loin d'être une règle générale, mais le cas s'est présenté plusieurs fois.

Les cultivateurs du département du Nord font venir des graines d'un pays plus froid que le leur (de Russie), par cette raison, qui du reste est reconnue juste pour toute espèce de graine, qu'elle trouve sous une température plus chaude et un terrain mieux préparé des éléments à une plus forte végétation. Quand on emploie la graine venant de Russie en vue de se procurer de la bonne semence pour l'année suivante, on sème en mai et on en obtient alors une plus grande quantité tout en faisant une économie notable, puisqu'il en faut moitié moins que si l'on semait en février ou mars. La graine de Russie coûte, en moyenne, 60 francs les 100 kil.

SEMAILLES.

On sème le lin depuis février jusqu'au 15 juin. On appelle lin de mars celui qui est semé avant le mois de mai. A dater de cette dernière époque, il prend le nom de lin de mai. Le premier demande 10 à 12 boisseaux de semence ou 150 kil. par hectare, produit plus de filasse et de la meilleure qualité, mais peu de graine. Il lui faut la fumure indiquée plus haut. Le lin de mai n'a point besoin d'engrais, demande moitié moins de semence, produit plus de graine, mais beaucoup moins de filasse et de qualité inférieure. Lorsque l'extirpateur, la herse et le rouleau ont rendu la terre assez menue, on sème, et il suffit d'un léger coup de herse pour enterrer la graine. La dernière opération consiste à passer le rouleau lorsque la terre est ressuyée à la surface, afin de conserver assez d'humidité à l'intérieur de la terre pour faire lever la graine vivement. D'après le peu d'expérience que j'ai pu acquérir de nos terrains de Champagne, je crois qu'il serait bon, particulièrement dans les terres calcaires, de semer dès les premiers jours de février, afin que la plante puisse résister aux hâles d'avril; car le lin, après la levée, reste stationnaire pendant cinq à six semaines

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et ne se développe que lorsque ses racines, qui descendent très-profondément dans la terre, sont presque complètes.

SARCLAGES.

Lorsque le lin est levé, il faut faire enlever les mauvaises herbes. Cette opération ne peut se faire qu'avec les doigts ; on emploie ordinairement à cette besogne de jeunes enfants et des femmes. On enlève les chardons avec un couteau, en ayant soin de couper le moins de lin possible. Les bras élant rares et chers dans la Champagne, il faut choisir semer le lin les terres exemptes de plantes parasites.

RÉCOLTE.

pour

La récolte du lin de mars se fait ordinairement fin de juin; celle du lin de mai en juillet ou août. On arrache le lin à la main; on en fait des poignées de 1 à 2 kil. qu'on laisse étendues un ou deux jours, selon que le temps est plus ou moins sûr. Lorsque la pluie menace de tomber, il faut le mettre en chaîne à mesure qu'on l'arrache, à moins qu'il soit trop chargé d'humidité, ce qui occasionnerait de la moisissure à l'intérieur des chaînes. La chaîne consiste à mettre en face les unes des autres les poignées qu'on a relevées, appliquant le pied du lin sur la terre et inclinant un peu les têtes de manière qu'en se rejoignant elles forment une toiture presque droite. Ce mode de relever le lin empêche l'eau de pénétrer à l'intérieur des chaînes tout en permettant à l'air de circuler facilement à l'intérieur. On reconnaît que le lin peut être rentré dans la grange lorsqu'il ne laisse plus de moiteur à la main et que la graine a pris la couleur jaunâtre qui lui est naturelle. Il reste alors à extraire la graine des milliers de têtes dont les tiges sont garnies, ce qui se fait avec des fléaux d'une confection particulière, ou avec un instrument perfectionné. Le lin, relié en bottes de 10 kil. environ, est prêt à être livré au rouissage,

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