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RECHERCHES

HISTORIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES

SUR LES

ATTRIBUTS DE SAINT ANTOINE

PAR M. L'ABBÉ COFFINET

MEMBRE RÉSIDANT

« Nemo in vanum currit ad Antonium.

> Nemo impunè peccat in Antonium. ›

« On n'accourt point en vain auprès du grand Antoine. > Personne impunement n outrage le saint Moine. (1)

MESSIEURS, (2)

Une de mes premières préoccupations, après avoir accepté les fonctions de conservateur de votre Musée, a été d'introduire un certain ordre parmi les divers objets qui encombraient la galerie affectée à l'archéologie. Pour faire place aux dons multipliés qui, chaque jour, viennent enrichir nos collections, ainsi que l'attestent les procès-verbaux

(1) Sentences qu'on lisait autrefois sur la face extérieure des commanderies des Antonins.

(2) Cette notice a été lue dans la séance de la Société Académique de l'Aube du 20 novembre 1863.

de vos séances, j'ai dû extraire de cette galerie un grand nombre de chapiteaux et de statues, pour les exposer sous les arcades, ou les fixer aux piliers de la façade principale donnant sur la cour de l'ancienne abbaye de SaintLoup.

Un double avantage résulte de cette opération :

Dégagés de tous autres débris, ces restes d'antiquités peuvent être plus facilement étudiés comme modèles de sculpture ou de statuaire du moyen âge.

Ils animent, en outre, et décorent, d'une manière trèsconvenable, d'après l'avis d'hommes compétents, cette partie des bâtiments de l'abbatiale.

Parmi les morceaux ainsi classés, se trouve un chapiteau du xv° siècle (1), remarquable par le sujet qu'il représente, et par les souvenirs historiques qu'il rappelle. Découvert, en 1850, dans une maison du mail des Tauxelles, il a été donné, cette année même, à notre Musée, par M. Valtat, sculpteur à Troyes. Il figure, à la droite du spectateur, un personnage à longue barbe, la tête nue, les épaules couvertes d'une tunique tissée de feuilles d'arbre, et tenant, de la main gauche, un bâton et un chapelet. La main droite est cassée. En face, est un second personnage, également à barbe longue, vêtu d'un manteau, dont le capuchon est relevé sur la tête. La main gauche est brisée. La droite tient un livre; au petit doigt est passé un anneau, auquel pend une courroic terminée par une sonnelle. - Dans la partie supérieure, s'abat, entre les deux personnages, un oiseau, aux ailes éployées, et dont la tête n'existe plus.

Plusieurs archéologues, et des plus habiles, qui avaient

(1) Ce chapiteau est fixé sur le pilier de l'arcade qui conduit au Musée, à gauche, en entrant. Il est actuellement surmonté d'une belle statue de la Vierge. - Il mesure 51 centimètres de hauteur, 92 c. de largeur et 45 c. de profondeur. (VOIR LA PLANCHE no 1.)

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Chapiteau du XV Siècle

représentant la visite de S'Antoine à S.Paul, l'Ermite; (au musée de la Ville de Troyes)

remarqué ce chapiteau dans l'atelier de M. Valtat, avaient cru qu'il représentait le mystère de la Sainte Trinité. Ils avaient même vu, dans le premier personnage appuyé sur un long bâton, la figure de Jésus-Christ revenant de son pèlerinage.

Nous ne saurions admettre cette explication. L'absence totale de nimbes caractéristiques, et la présence d'une sonnelle (car c'est toujours sur les ATTRIBUTS qu'il faut fixer son attention, pour découvrir la véritable signification d'une sculpture du moyen âge), nous déterminent à reconnaître, dans le sujet qui nous occupe, la visite de saint Antoine à saint Paul l'ermile.

Notre opinion va se trouver confirmée par la légende.

Antoine naquit dans le village de Côme, près d'Héraclée, dans la haute Egypte, l'an 251 après Jésus-Christ. Tout jeune encore, il sentit naître en son âme un attrait sans bornes pour la solitude. Privé de ses parents quand il sortait à peine de l'adolescence, il se vit, à vingt ans, maître absolu d'une fortune considérable (1). Six mois après, entendant lire, dans une église, ces paroles adressées au jeune homme de l'Evangile : « Vendez ce que vous avez, et donnez-en le prix aux pauvres (2), » l'humble disciple du Sauveur s'en fit l'application à lui-même. Se dépouillant de ses biens, il en abandonna le fruit aux indigents de la contrée, pour se livrer à la contemplation de Dieu et des merveilles de la création.

Sous l'influence de la grâce divine, l'anachorète devint un grand modèle des vertus évangéliques son abstinence était extrême; ses pénitences effrayent encore l'imagination;

(1) Aruræ autem erant ei S. ATHAN. Vit. S. Anton. 2.

trecentæ uberes, et valdè optimæ. L'arura était une mesure de super

ficie usitée en Egypte. V. Roswede, Onomasticon. p. 1014.

(2) S. Matth. c. 19, v. 21.

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