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Dans la suite, l'anachorète mit une sorte de gloire à porter la tunique de Paul, aux fêtes solennelles de Pâques et de la Pentecôte. Elle lui servit de linceul, au terme d'une quinzaine d'années, le 17 janvier 356, époque à laquelle, épuisé par les veilles et les austérités, il quitta, à l'âge de 105 ans, la terre, pour revoir Paul dans une meilleure patrie (1).

Telle est, Messieurs, la scène attendrissante d'hospitalité antique que l'histoire et la poésie ont célébrée à l'envi (2), et qui se trouve figurée dans notre chapiteau du xv° siècle. Avec la tête du corbeau, malheureusement fracturée, a disparu le pain, que le céleste messager apportait pour la nourriture des deux solitaires. La tunique, tissée de feuilles de pulmier, ne laisse aucun doute sur l'identité de saint Paul, l'ermite. La clochette et le livre ouvert, dont nous expliquerons tout à l'heure la signification, et qui sont les attributs du second personnage, nous portent à reconnaître, d'une manière positive, saint Antoine dans cette représentation.

On nous demandera, peut-être, d'où vient le chapiteau de votre Musée ?

Nous répondrons que cette sculpture faisait autrefois partie de la chapelle des Cordeliers de Troyes (3). Nous savons tous que ce magnifique monument, que recommandaient son genre d'architecture et les souvenirs qui s'y rattachaient, fondé, en 1476, par Nicolas Guiotelli, docteur de Sorbonne, continué, en 1481, par Regnault de Marescot, provincial de

(1) Vie de S. Paul, l'ermite, par M. L'ABBÉ GAUME, dans son Catéch. de persévér. L'abbaye de Saint-Antoine, en Dauphiné.

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(2) S. HIERON., vit. S. Pauli. - CHATEAUBRIAND, les Martyrs,

liv.

XI.

(3) Elle était située sur l'emplacement des prisons actuelles de la ville.

9

T. XXVIII.

France (1), a été détruit, dans ces derniers temps, sans grande nécessité, et au stérile regret des amis des arts et de notre histoire locale (2) !...........

ni

Pendant les vingt-quatre années que nous avons rempli les fonctions de secrétaire de l'évéché, nous avons pu visiter la plupart des paroisses de notre diocèse. Nous avons été à même de remarquer, à l'époque des tournées pastorales, qu'après l'effigie de la Sainte Vierge, celle de saint Antoine était la plus multipliée dans nos églises du xiv au xvi° siècle. La sculpture sur pierre ou sur bois, la peinture sur verre ou sur toile, se sont plu à nous représenter le saint anachorète «< avec cette beauté inaltérable de traits, que » l'âge, ni ses luttes continuelles avec l'esprit-tentateur, » n'étaient parvenu à détruire, et, surtout, avec cet air de » bonté, de joyeuse et avenante affabilité (3), qui sont, dit >> M. le comte de Montalembert, les marques infaillibles » d'une âme qui plane dans les régions sereines (4). » — Obstupuerunt universi ejus gratiam..... Quasi nihil temporis exegisset, antiquus membrorum decor perseveravit. >> Nihil asperum quotidiana cum hostibus bella contule>> rant..... semper hilarem faciem gerens..... Jucundus at

(1) COURTALON, Topographie du Diocèse de Troyes, t. II, p. 251. (2) A l'époque où M. Arnaud a publié son Voyage archéologique, cette sculpture était intacte. Aussi, l'auteur ne s'est-il pas mépris sur sa véritable signification. (Voir l'ouvrage précité, page 106, et les planches qui accompagnent le texte.) — Les brisures que nous avons signalées n'ont eu lieu que depuis cette publication, et au moment de la démolition de la chapelle. — Ce sont ces cassures qui ont induit en erreur les archéologues modernes sur la représentation du sujet de notre chapiteau.

(3) Cette beauté de traits, cette bonté d'âme respirent surtout dans la figure d'une magnifique statue de saint Antoine, en pierre, du XVIe siècle, et plus grande que nature (elle mesure 2 mètres), qui existe à Troyes, dans la propriété de Gournay-les-Charmilles appar tenant à M. Jousselin, inspecteur des forêts. (V. LA PLANCHE no 2.) (4) Les moines d'Occident, T. I, p. 61.

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Statue en pierre. de S. Autoine, XVI. Siècle.

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dans la propriété de Gournay-les-Charmilles, à Troyes

que

» què affabilis (1). » C'est le portrait de saint Antoine saint Athanase nous a légué dans ses écrits. On le retrouve vivant dans nos monuments religieux. Partout on le voit avec ses ATTRIBUTS DISTINCTIFS, qui sont :

Le Feu, le Pourceau (et quelquefois le Lion), à ses pieds;

Le Tau sur l'épaule;

Le Bâton (ou la Béche), le Chapelet et la Clochette, d'une main;

Enfin, le Livre ouvert, de l'autre main.

Nous venons vous communiquer le résultat des recherches auxquelles nous nous sommes livré, pour expliquer la signification de chacun de ces ATTRIBUTS. — Nous avons cru ne devoir pas suivre l'ordre de leur énumération, afin de coordonner, autant que possible, les faits historiques que nous allons raconter.

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D'après la légende, saint Antoine, en entrant dans la caverne de Paul, pour la seconde fois, aperçut ce saint homme, comme nous l'avons dit plus haut, les genoux en terre, la tête levée, et les mains étendues vers le ciel. Il crut d'abord qu'il était vivant, et qu'il priait; il se mit de son côté en prières. Bientôt il reconnut qu'il était mort, mort dans cette sublime posture!.....

Il roula le corps dans la tunique désirée de saint Athanase, chanta des hymnes et des psaumes, suivant la tradition de l'Eglise catholique, et se disposa à confier à la terre ces reliques précieuses; mais il resta tout triste en pensant qu'il n'avait aucun instrument pour creuser la terre.

(1) S. ATHAN., Vit. S. Ant., c. 13, 40.

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