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plaintes des serviteurs des pauvres. Jean XXII, par une bulle du 5 juin 1329; - Clément VI, par une autre bulle du 28 février 1350; - Innocent VI, par une autre, datée du 22 février 1353, -et Boniface IX, par un bref du 6 février 1398, << ordonnèrent aux prélats et aux abbés de sur>> veiller les entreprises des moines, et d'arrêter toute spé>> culation odieuse sur les aumônes des fidèles au préjudice >> des priviléges dont jouissaient les Antonins et les pauvres >> infirmes qu'ils soignaient. Ils permirent qu'on s'emparât >> de ces fourbes et de leurs pourceaux à sonnettes de saint » Antoine; qu'on les séquestrât, eux, les harnais, leurs trou>> peaux et leurs biens, les excommuniant ipso facto (1). >>>

5° Altribut. - LE TAU.

Rien n'indique que saint Antoine l'ait porté sur ses habits de son vivant. Il paraîtrait que les Antonins, l'ayant pris comme enseigne de leur ordre pour les motifs que nous allons exposer, l'appliquèrent aux statues et aux portraits de leur saint patron.

Leur costume était simple : une tunique noire, ample, surmontée d'un gros capuchon; un manteau se joignant au cou par une agrafe; sur la tunique et sur le manteau, du côté gauche, un signe extérieur (2) servant à les faire reconnaître; c'était le TAU sacré (3), en camelot d'azur.

Ce dernier emblème, que les hospitaliers ont constam

(1) Extrait de l'Inventaire des titres des Antonins. Saint-Antoine, en Dauphiné.

L'abbaye de

(2) Ce signe était la lettre que les Grecs ont nommé TAU. On remarque le signum T sur l'épaule gauche de saint Antoine, dans une grisaille du XVIIe siècle, que renferme la sacristie de l'église de SaintMartin-ès-Vignes, près Troyes. Ce petit vitrail, formant médaillon, est le plus beau de tous ceux que nous avons rencontrés jusqu'ici.

(3) Voir le T sur l'épaule gauche de la statue de saint Antoine, figurée dans LA PLANCHE No 2 de la présente notice.

ment porté depuis la fondation de l'ordre jusqu'à son extinction, a été expliqué de diverses manières.

Il pouvait représenter, en petit, un Báton en forme de polence, ou de béquille; ou bien une Croix; ou proprement le Tau d'Ezechiel; ou enfin servir d'image de la trèssainte Trinité.

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1o. Si le Tau représentait une potence, c'était pour rappeler aux frères le bâton que, sous les yeux de Gaston, leur fondateur, saint Antoine planta en terre, et qui devint à l'instant un arbre fleuri. Sur le premier sceau de la maison de l'aumône, appartenant aux Antonins du Dauphiné, on voyait un séculier, la tête découverte, qui recevait, des mains du saint patriarche, un bâton semblable à une potence. C'était aussi pour qu'ils n'oubliassent pas qu'ils devaient être les soutiens des infirmes du feu sacré.

Il en est qui ont pensé que cette potence indiquait le bâton même dont saint Antoine se servait pour se soutenir dans sa grande vieillesse. Du Cange (1) dit « qu'au moyen âge on >> appelait Bâton de saint Antoine, tout bois de cette forme, » sur lequel on s'appuyait. » Il cite un manuscrit de 1320, trouvé dans les archives de Saint-Victor de Marseille, et qui renferme cette explication.

2o. Si le Tau représentait une croix d'Egypte, elle aurait été adoptée de préférence par les hospitaliers, en mémoire de la patrie de leur saint patron: mais cette croix d'Egypte, ayant toujours été regardée comme le symbole de la vie future (les Egyptiens, en effet, s'en servaient dans leurs hiéroglyphes pour porter les peuples à soupirer après le monde à venir; ils l'avaient peinte, en plusieurs endroits, sur les murs du temple de Sérapis, une de leurs plus insignes divinités, et sur une multitude d'idoles (2);

(1) Du Cange. Glossaire, au mot: THAU.

on la

(2) Voir les planches de Creuzer, dans son ouvrage des Religions de l'antiquité.

voit encore aujourd'hui sur les obélisques qui s'élèvent, à Rome, devant l'Eglise de Notre-Dame-du-Peuple, et devant Saint-Jean-de-Latran), les hospitaliers l'auraient appliquée sur leurs vêtements, pour se souvenir plus souvent de leur éternelle patrie.

3o. Si le Tau des hospitaliers n'est que la représentation du Tau d'Ezechiel, il leur annonçait que l'ange du Seigneur les empêcherait de succomber au cruel fléau infernal..... On lit dans le livre d'Ezéchiel : « Omnem autem super quem videritis TAU, nè occidatis (1) »

Pluche, dans son Histoire du Ciel (2), rapporte « que les >> peuples d'Asie suspendaient un Tau au cou de leurs en>> fants et de leurs malades; ils l'appliquaient sur des ban» delettes parfumées, dont ils enveloppaient leurs momies, >> et où nous les retrouvons encore. Que peut donc, s'écrie>>t-il, signifier ce Tau enchaîné auprès de ceux à qui l'on >> souhaite la santé et la vie, si ce n'est la délivrance de la >> maladie et de la mort? »

Les hospitaliers, institués afin de soulager les infirmes du feu sacré, auraient donc, par là, témoigné de leur tendre charité, en communiquant le Tau à ceux qui étaient atteints de cette terrible maladie, comme une prière qu'ils adressaient au ciel pour leur guérison.

4o. Enfin le Tau envisagé comme image de la très-sainte Trinité. Les disciples de Gaston, en l'adoptant, voulaient peut-être exprimer que leur institut, quoique reconnaissant saint Antoine pour patron, se considérait établi pour procurer partout, par la charité, la gloire des trois personnes divines. Même sous le paganisme, le Tau était regardé comme le symbole de la Trinité (3).

(1) Livre d'Ezechiel, c. ix, 16.

(2) Tom. Ier, p. 359.

(3) Description de l'Egypte antique, v. 1er sur Thèbes, p. 47.

Les hospitaliers l'appelèrent « le signe de Dieu le plus » auguste et le plus vénérable de tous les signes (1). >>

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La sonnette rappelle le souvenir de l'autorisation. que les papes avaient accordée aux Antonins, de réunir les peuples sur les places publiques ou dans les rues, au son d'une clochette, quand ils voulaient faire leurs quêtes.

Pour cet emblème, comme pour le Tau, le patron brillait des insignes de la famille qu'il protégeait.

De grands seigneurs, comme témoignage de leur confiance en saint Antoine, ou par reconnaissance pour les guérisons qu'ils en avaient obtenues, joignaient le Tau et la sonnelle à leurs écussons. Pierre Paillot cite les blasons de quelques-unes de ces puissantes familles dans son ouvrage : La science des armoiries (2). Bien plus, les princes et les sujets suspendaient ces symboles à leur cou. C'est ce qu'indique le poète Ambroise Novidius, dans les vers sui

vants :

«

Collo mea concutit æra,

Noscere quæ poscis, nè noceatur, ait.

Es que meum gestat baculo quod cernis in isto :

Quisque rogans æger, colla que multa gerunt. >>

Les nobles ornaient de ces insignes du bienheureux anachorète le devant de leurs châteaux; les citadins les faisaient peindre ou sculpter sur la face la plus apparente de leurs demeures dans les campagnes, on les voyait à tous les pas : « Hujus ignis sacri historia, cum sancti Antonii imagine,

(1) Crayon des grandeurs de saint Antoine, par Claude Allard. L'abbaye de Saint-Antoine, en Dauphiné.

(2) P. 619.

» pluribus in locis, præ foribus ædium privatarum adpicta » cernitur (1). »

On voit encore aujourd'hui, sur une porte des bâtiments du Petit-Séminaire de Troyes (2), autrefois occupés par les Antonins, un cartouche sculpté qu'entourent des feuilles d'olivier et de laurier. Il renferme un cœur enflammé (symbole de la charité) dans la partie supérieure, et au centre un Tau surmonté de flammes; il se termine par une son

nelle.

7 Altribut. - LE BATON.

Le bâton témoigne de la grande vieillesse du saint anachorète, qui s'en servait pour s'aider à marcher. C'est aussi un emblème de sa puissance contre les démons. D'après la tradition, ce bâton, qui était à double bec, signifiait la croix du Christ. Saint Antoine le montrait aux ennemis de son s'en défaire, quand ils l'attaquaient.

salut, pour

Très-souvent, comme on le remarque dans un charmant petit vitrail de la sacristie de l'Eglise de Saint-Martin-èsVignes (3), le bâton sur lequel s'appuie saint Antoine affecte la forme du Tau. Alors il rappelle l'instrument dont se servaient les Antonins, obligés de se tenir à genoux ou debout pendant la durée de longs offices. Suivant en cela l'usage vénérable des ordres religieux, dès l'origine de leur institution ils s'appuyaient sur cette espèce de béquille qui, cachée sous leurs robes, les aidait au besoin à soutenir le poids du corps dans les moments de fatigue. Ce n'est que plus tard qu'ils se procurèrent des stalles pour jouir du point d'appui si bien nommé Miséricorde..

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(1) Joan Molan. in lib. 3, de Imaginibus. - L'abbaye de SaintAntoine, en Dauphiné.

(2) A Saint-Martin-ès-Vignes;

cette porte conduit au jardin.

(3) C'est le même vitrail déjà cité par nous, lorsque nous avons expliqué le 5e attribut: le Tau.

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