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NOTE

SUR DES

FRAGMENTS DE VASE ET DES OS HUMAINS

TROUVÉS A VILLEPART EN 1863

PAR

M. THEOPHILE BOUTIOT
MEMBRE RÉSIDANT

Dans le cours de l'année 1863, les ouvriers occupés aux travaux de terrassements du canal de la Haute-Seine ont remué profondément le banc de grèves calcaires formant une partie du territoire de Villepart, et situé au midi de ce village. Ces ouvriers établirent une grande tranchée qui n'atteint pas moins de six mètres de profondeur sur une longueur de 5 à 600 mètres. Cette tranchée est ouverte sur les bords du plateau qui commence en cet endroit, entre le ruisseau de la Hurande et celui de l'Hozain qui, ainsi que la Seine qui est proche, ont profondément creusé leur lit dans ce vaste dépôt de grèves.

Ces ouvriers mirent au jour, en deux endroits, des ossements humains profondément enterrés, c'est-à-dire qu'ils étaient recouverts des grèves dont je viens de parler par une

épaisseur d'au moins 4 mètres. Suivant leurs déclarations,

ces grèves, ainsi que le dépôt terreux formé par les anciennes alluvions venant des terrains supérieurs arrosés par l'Hozain et qui couvrent ces grèves sans s'y mélanger, ne paraissaient pas avoir été remués depuis leur dépôt par les forces naturelles.

A ces os brisés et dont les fragments ne constituent pas, à beaucoup près, ceux d'un cadavre complet, étaient réunis deux fragments de vases de terre.

Ces os et ces fragments de poterie furent recueillis par les soins de notre collègue, M. Emile Vaudé, chez lequel je les ai vus et qui a appelé mon attention sur cette découverte. M. Emile Vaudé a bien voulu se dessaisir de l'un des morceaux de vase, à mon profit et, après examen, je reconnus que la fabrication de ce vase avait la plus grande analogie avec celle d'un vase conservé à l'Hôtel-de-Ville de Nogent-sur-Seine et découvert dans le beau menhir de Frécul, dont M. Laperouse vient de vous entretenir.

Je priai M. Chertier de vouloir bien me communiquer l'un des fragments de ce vase, et répondant à ma demande, je pus comparer l'un avec l'autre, comme aujourd'hui vous pouvez le faire vous-même.

Mais, doutant de mes propres impressions, je m'adressai à un savant qui a donné de nombreux témoignages d'un profond savoir sur les faits et les objets remontant à l'époque anté-historique, et qui en ce moment prépare une Histoire de l'homme avant les temps historiques. J'envoyai à M. de Mortillet, historien et géologue, un fragment de ce fragment de vase, en lui disant seulement : « Il y a une quinzaine de jours, parmi quelques débris d'ossements >> humains, malheureusement peu considérables, il a été » découvert un fragment de poterie. Je vous en adresse un » échantillon. S'il vous était possible de me donner, sur » son origine, quelques éclaircissements, je vous serais fort >> reconnaissant. >>

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M. G. de Mortillet, sur la vue du fragment et en l'absence de tout renseignement, me répondit :

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«Le petit fragment de poterie que vous m'avez adressé >> a tous les caractères des poteries les plus anciennes. Il appartient évidemment aux temps anté-historiques; il >> réunit à la fois le mode de facture et la mauvaise cuisson >> des poteries de l'àge de pierre et de l'âge de bronze des >> habitations lacustres de la Suisse et des marières de >> l'Emilie (duchés de Parme et de Modène). C'est aussi la >> manière d'être des poteries de l'époque

no-lithique

>> ou des dolmens et des menhirs de la France. >>

Cette lettre est donc venue confirmer entièrement mes présomptions. Son auteur est d'autant mieux dans la vérité que nous sommes à même de rapprocher ce fragment de celui qui provient du vase de Frécul et qu'il ne connaît pas. Ce dépôt d'os humains, qui peut-être ont été abandonnés au lieu où ils ont été trouvés après avoir été roulés par les eaux, seront donc d'une époque contemporaine à celle qui vit se dresser les monuments si curieux de l'arrondissement de Nogent-sur-Seine ainsi que les établissements lacustres du lac du Bourget et des autres lacs de la Suisse.

Déduisant les conséquences du fait que je viens d'énoncer, on arrive à penser que les grèves, qui, à Villepart, forment un talus d'une élévation d'environ 15 mètres au-dessus du cours de l'Hozain et de la vallée de la Seine, ont été déposées à une époque où l'homme avait déjà pris possession de la terre, à une époque où l'homme aurait élevé les monuments monolhitiques qui aujourd'hui attirent si vivement l'attention.

Cette conséquence, Messieurs, n'a plus rien aujourd'hui qui doive surprendre, en raison des découvertes relevées avec une si grande publicité et faites dans la vallée de la Somme. Il demeure acquis que l'homme vivait alors que se déposaient, sur les bords des grands fleuves d'autrefois

et qui sont, relativement, devenus de modestes ruisseaux en raison du dessèchement progressif de la surface de la terre, les terrains de la formation quaternaire. Si le fait est hors de discussion pour les bords de la Somme, dans nos contrées nous avons réuni déjà plusieurs observations qui tendent à l'établir pour la vallée de la Seine.

Le premier de ces faits se rapporte à la découverte, opérée en 1842, d'une hache en silex, non polie, dans les terres jaunes, dans les arènes de la commune des Noës, produit mélangé de débris de craie et d'argile, de craie et des argiles rouges des terrains tertiaires que l'on rencontre à Montgueux et dans la forêt d'Othe, et dont le dépôt serait contemporain, s'il n'est antérieur aux dépôts des grèves de la vallée de la Seine. Cette découverte eut lieu à une époque où le fait fut seulement constaté, mais non livré à la publicité. L'étude sur ce point, qui se rapporte autant à l'histoire qu'à la géologie, n'était point encore arrivée à la hauteur où M. Boucher de Perthes et d'autres après lui ont su la porter depuis.

Le deuxième de ces faits s'applique à la découverte d'une hache en silex dans les grèves de la vallée de la Seine, en travaillant, vers la même époque, c'est-à-dire vers 1842, à la construction du pertuis Saint-Etienne, placé en face du village de Barberey et au milieu des prairies qui bordent notre fleuve.

Ces deux haches sont placées sous les vitrines de notre Musée avec l'indication de leur origine.

Enfin, je serais disposé à ajouter un quatrième fait. Mais j'hésite, en raison de la matière. Je veux parler de la découverte d'un taillant en fer, de la forme d'un faucillon, trouvé en 1859, à une profondeur de 7 à 8 mètres sous l'ancien, on peut dire l'antique village de Chappes, dans des terres grèveuses non remuées et à environ cent mètres des bords actuels de la rivière de Seine.

J'arrête ici ma communication.

J'ai désiré, Messieurs, rapprocher ces quelques fails, afin de conserver un souvenir de découvertes qui ont pris aujourd'hui une importance particulière. Les études sur l'homme avant les temps historiques se multiplient, elles préoccupent vivement et les historiens et les géologues. J'ai cru devoir rédiger cette note pour prendre date, et afin que notre département paie son tribut au mouvement qui s'opère dans cette partie des études.

Troyes, le 20 mai 1864.

Au Congrès scientifique tenu à Troyes en août dernier, il fut communiqué par un ecclésiastique, dont le nom n'est pas resté dans ma mémoire, des fragments de vases d'une terre mal préparée, mal cuite, d'une grande épaisseur (0015), et paraissant provenir de vases d'une grande dimension. Cette terre a l'apparence de celle du vase de Nogent-sur-Seine, mieux de Frécul, et de celle des fragments de Villepart. Ces fragments proviennent, nous a-t-on dit, des marais tourbeux de Saint-Pouange, où ils auraient été trouvés en assez grand nombre.

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