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moyens propres à le procurer, à l'accroître, à le perfectionner. Elle est, on peut le dire, la science de gouverner les hommes et de leur faire du bien, la manière de les rendre, autant qu'il est possible, ce qu'ils doivent être pour l'intérêt général de la société.

Elle consiste à entretenir le bon ordre, à veiller aux besoins communs des citoyens, à y pourvoir, à empêcher tout ce qui pourrait troubler la paix et la tranquillité dont ils doivent jouir, à leur prescrire les règles qu'ils doivent suivre, à les obliger de s'y conformer; à observer ceux dont la conduite, les actions ou l'oubli de leurs devoirs peuvent être préjudiciables aux autres, et arrêter, corriger et réprimer les abus et les désordres; à prévenir les crimes, faire en sorte que les coupables ne puissent échapper à la punition qu'ils méritent; à séparer de la société ceux qui ne peuvent que lui être nuisibles; à rendre à tous les citoyens également et indistinctement la plus exacte et la plus prompte justice; à leur accorder les secours, la protection et les soulagements qu'ils doivent attendre, et qu'il est possible de leur procurer.

Toute l'attention, la vigilance et l'activité que demandent des soins aussi importants et aussi étendus, à quelque degré qu'elles puissent être portées, ne suffisent pas encore pour y subvenir, et pour embrasser l'immensité des détails qu'ils présentent à la fois dans les grandes villes; elles ne sont que les secondes causes du succès de ces mêmes soins.

Ces succès dépendent principalement : 1o du plan général de l'administration, qui n'est autre chose que l'ordre dans la distribution des détails qui la concernent et qui en règlent la marche totale; 2o des moyens qu'elle emploie, de leur convenance générale et particulière, de la précision avec laquelle ils sont appliqués.

Les moyens qui méritent la préférence sont constamment ceux qui s'étendent et se rapportent en même temps à un plus grand nombre d'objets, dont la pratique est la plus simple, et qui présentent le plus naturellement l'idée du bien qui en doit résulter. Le choix de ces moyens est donc très-intéressant. Ils constituent en grande partie l'économie de la Police; ce sont les ressorts de la machine, ils doivent être perpétuellement en action sous les yeux du magistrat, et toujours en état, à la plus légère impression qu'il leur donne, d'opérer tous les effets qu'ils doivent produire.

POLICE DE PARIS.

QUELS SONT LES DIFFÉRENTS DEGRÉS ET DÉPARTEMENTS DES PERSONNES CHARGÉES DE LA POLICE? (QUESTION TROISIÈME).

Le magistrat qui préside à la police en a seul le gouvernement et la principale administration. Comme il ne doit rien ignorer de tout ce qui intéresse sa gestion, il est obligé d'embrasser à lui seul la connaissance générale de tous les détails de la police, d'y veiller par lui-même et d'en remplir personnellement une grande partie.

48 commissaires, départis dans les quartiers de Paris, partagent avec le magistrat, et sous lui, les soins de la police dont ils ont la manutention ordinaire, lui rendent compte de leurs opérations, reçoivent ses ordres et les font exécuter'.

Une garde de 1,000 hommes, dont la moitié fait un service de 24 heures de suite, et est relevée ensuite par l'autre moitié, est établie pour le maintien du bon ordre, la sûreté et la tranquillité générale dans la ville; elle est répartie dans différents postes, d'où elle se porte au moindre avis dans les endroits où sa présence est nécessaire; elle arrête les délinquants, et les conduit, avec ceux qui peuvent avoir des plaintes à porter ou qui ont été témoins de ce qui s'est passé, devant les commissaires, pour y être pourvu selon l'exigence des cas. Le commandant de cette garde, qui a le double titre de Chevalier du guet et de Commandant de la garde de Paris, est aux ordres du magistrat, et lui rend compte tous les matins, par les rapports de sa garde, qu'il lui envoie, de toutes les affaires pour lesquelles elle a été appelée2, et des observations intéressantes qu'elle a pu faire en remplissant son service3.

Il y a 20 inspecteurs de police, dont un dans chaque quartier; ils ont inspection, sous les commissaires, sur tout ce qui intéresse la police, et doivent leur donner avis sur le champ des délits et contraventions dont ils ont connaissance, en rendre compte au

1. Les commissaires de police sont actuellement au nombre de 70, touchant de 5 à 8,000 fr. de traitement.

2. Le texte porte rappelée.

3. Outre le régiment de la garde de Paris ou garde républicaine, on compte environ 7,500 gardiens de la paix, un pour 200 habitants. C'est un effectif de 11 à 12,000 hommes.

magistrat, exécuter ses ordres, faire les informations et les recherches secrètes dont il les charge, assister les commissaires dans leurs fonctions lorsqu'il en est besoin.

Les environs de Paris sont gardés par une maréchaussée appelée la Compagnie du prévôt général de l'Ile de France'. Elle est partagée en huit brigades, de 4 ou 6 hommes chacune. Ces brigades, dont 7 ont leur résidence dans les villes ou principaux villages de ces mêmes environs, font incessamment des rondes, arrêtent et emprisonnent les vagabonds, les gens sans aveu, les mendiants et autres gens suspects qu'elles rencontrent sur les chemins ou dont elles découvrent la retraite, ainsi que les malfaiteurs et autres dont le signalement leur est envoyé; elles se portent aussi sur les lieux où il a été commis des crimes, et se saisissent des coupables.

La 8e brigade, appelée celle du major ou de l'inspecteur, réside à Paris pour y recevoir plus aisément les ordres du magistrat de police, que le commandant général est tenu d'exécuter. Les commandants particuliers des autres brigades rendent aussi compte au magistrat de tout ce qui peut arriver dans leurs départements concernant la sûreté et la tranquillité publiques.

Ainsi tous les détails de la police sous le magistrat, en ce qui regarde uniquement l'intérieur de la ville et ses habitants, se trouvent distribués entre les commissaires, les inspecteurs de police et le commandant de la garde, suivant la nature et l'ordre des fonctions qui leur appartiennent, et qui seront plus amplement expliquées dans la suite.

C'est par le moyen de cette correspondance et de cette communication immédiate, perpétuelle et facile, établie entre le magistrat et ce petit nombre de personnes, qu'il gouverne un million d'habitants rassemblés dans une ville immense; qu'il les tient sous le joug salutaire de l'ordre et de la règle; qu'il étend ses relations et sa sollicitude jusqu'au moindre des citoyens; qu'il se multiplie et se trouve, pour ainsi dire, partout en même temps; qu'il sait tout, qu'il voit tout, prévoit tout, et pourvoit à tout; donne à tous les instants, et toujours quand il le faut, les ordres nécessaires; et qu'ils se trouvent exécutés avec la même célérité et la même précision.

Tel est l'espèce de problème dont on trouvera la solution dans

1. C'est aujourd'hui la gendarmerie qui est chargée de ce service.

les articles suivants, où l'on tâchera de ne rien omettre de ce qui peut servir essentiellement à l'expliquer d'une manière satisfai

sante.

ARTICLE PREMIER.

DU MAGISTRAT.

La création de la charge de Lieutenant général de police, la nécessité de cet établissement, l'un de ceux qui ont le plus contribué à la splendeur de la capitale, l'accroissement de crédit et d'autorité que les magistrats qui ont rempli cette place ont reçu dans la suite par les différentes parties du ministère dont l'exercice leur a été confié, l'usage qu'ils en ont fait dans leur gestion principale, sont autant de circonstances dont il paraît nécessaire de rendre compte pour donner une plus juste idée de l'administration actuelle de la police à Paris, et qui semblent d'ailleurs avoir une application trop naturelle à l'objet de ce mémoire pour que l'on puisse se dispenser d'en faire une légère mention.

1.- Police administrée avant Louis XIV par plusieurs magistrats. Inconvénients et désordres qui en résultent.

Originairement l'administration générale de la police appartenait au prévôt de Paris, qui remplissait seul alors dans la capitale les principales fonctions de la magistrature. Lorsqu'il cessa, vers l'an 1500, de rendre la justice en personne, il fut représenté par deux lieutenants, l'un pour la connaissance des matières civiles, l'autre pour les matières criminelles. La police étant mixte entre le civil et le criminel, il s'agissait de savoir auquel de ces deux magistrats l'administration en devait appartenir. Il fut décidé qu'ils la régiraient concurremment, mais cette concurrence, sur laquelle ils n'étaient pas d'accord, ne cessa d'occasionner des contestations entre eux, l'un et l'autre prétendant qu'elle devait dépendre de son tribunal; chacun voulait s'en attribuer toute l'autorité, ou réclamait la compétence dans tous les cas où la nature des affaires lui paraissait avoir plus de rapport à l'exercice de sa juridiction particulière. Ces difficultés perpétuelles, qui les détournaient de l'attention qu'ils devaient à leur administration commune, arrêtaient le cours des opérations les plus nécessaires. Les soins de la police portaient entièrement sur les commissaires; c'étaient 30 magistrats au lieu d'un. Il n'y avait nul point de vue

général, nul ordre dans la gestion. Tout se faisait au hasard. La confusion devint si grande à la fin que tous les moyens se trouvèrent insuffisants pour remédier aux désordres de toute espèce auxquels elle donna lieu. Il n'y avait nulle sûreté dans les rues de Paris, ni dans les maisons. Les meurtres, les assassinats et les vols s'y commettaient presque impunément le jour comme la nuit; les autres parties de la police n'étaient pas mieux tenues'.

2. Réformation de la police, création d'un nouveau magistrat sous le titre de Lieutenant général de police, avec attribution à son tribunal de tout ce qui doit la concerner.

Les choses étaient en cet état lorsque Louis XIV prit seul les rênes du gouvernement. Le préjudice notable que le défaut de police à Paris apportait à cette capitale lui fit prendre aussitôt toutes les mesures nécessaires pour parvenir à une réformation devenue indispensable dans une partie aussi essentielle de l'administration publique. Il forma, à cet effet, en l'année 1666, un conseil qu'il composa de M. le chancelier Séguier, chez qui se tinrent les assemblées, de M. le maréchal de Villeroy, de 8 conseillers d'Etat et de M. Colbert, ministre des finances.

Les huit conseillers d'Etat se chargèrent, pendant la tenue de ce conseil, de la direction des seize quartiers dont la ville était alors composée. Chacun en eut deux pour son département; il assemblait chez lui les deux anciens commissaires de ces quartiers, et travaillait avec eux sur toutes les affaires de la police.

Ces commissaires, de leur côté, assemblaient chez eux les notables, conféraient avec eux et prenaient leurs avis.

Le résultat de tout ce travail était ensuite porté au conseil où les commissaires anciens des quartiers étaient appelés et entendus; on y examinait les règlements et l'on arrêtait ce qui était à faire pour en assurer l'exécution.

Paris était devenu un cloaque pour la malpropreté, par la négligence des entrepreneurs du nettoiement et celle des habitants à exécuter les ordonnances sur cet objet. Louis XIV, qui se faisait rendre le compte le plus exact des délibérations du conseil, avait la réformation de la police tellement à cœur qu'il chargea M. le chancelier de dire de sa part au conseil que l'on s'appliquât parti

1. Cf. Boileau: Satire VI, Embarras de Paris.

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