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23 A la surveillance des lieux publics.

24° Aux approvisionnements et à l'inspection des marchés de Paris, Sceaux, Poissy, La Chapelle et Saint-Denis.

25. A la préservation des monuments publics.

Sauf les paragraphes 8 et 17, et cela pour de bonnes raisons, car il y est question des émigrés et de la Bourse, les attributions de M. Dubois, en 1800, étaient de tout point celles du lieutenant de police de Sartine en 1770. Elles étaient alors distribuées sous onze titres différents, comme on le verra en lisant le mémoire que nous publions ici; c'étaient :

1° La religion (titre 9 du décret de pluviôse).

2° La discipline des mœurs (titres 2, 4, 23).

3o La santé (titre 15).

4° Les vivres (titres 20, 24).

5o La voirie (titre 13).

6. La sûreté et la tranquillité publiques (titres 1, 3, 5, 10, 11, 12, 14, 16,25).

7° Les sciences et les arts libéraux.

8o Le commerce (6, 7, 18, 19, 21, 22).

9° Les manufactures et les arts mécaniques.

10 Les serviteurs, domestiques et manouvriers.

11 Les pauvres.

Il résulte même de cette simple comparaison que les Lieutenants de police avaient plus de travail que n'en ont aujourd'hui les Préfets, et si l'on songe qu'ils étaient en outre chargés de punir les contraventions et les délits, on constatera que la police de l'ancien régime, avec un personnel très-peu nombreux, ajoutait aux attributions du préfet de police actuel celles des juges de paix et des tribunaux de simple police et de police correctionnelle. Le seul mérite du Premier Consul, en cette circonstance, a donc été de rétablir ce que la Révolution avait eu le tort de supprimer, et d'attribuer à la justice proprement dite ce que les ordonnances royales avaient mêlé mal à propos à l'administration. C'est là, je le répète, un fait curieux et important pour l'histoire, et ce fait ressort, avec la dernière évidence, du mémoire qu'on va lire, mémoire composé de 1768 à 1771, par ordre du Lieutenant de police de Sartine et sous la direction de ce magistrat éminent.

Gabriel de Sartine (1729-1801) est célèbre entre tous les Lieutenants de police, et l'histoire vante avec raison sa prodigieuse habileté à découvrir les malfaiteurs. Rien ne lui échappait, dit-on; il trouvait immédiatement ceux qui prétendaient tromper la vigilance de ses agents, et lorsque la police de Vienne ou de Rome lui signalait quelques coquins en fuite que l'on supposait arrivés à Paris, il répondait qu'on pouvait les saisir soit à Vienne même, dans telle maison qu'il

indiquait, soit en pleine mer, à quelques lieues des côtes italiennes'. Mais un Lieutenant ou un Préfet de police ne doit pas seulement s'appliquer à la poursuite des hommes dangereux, il doit encore et surtout prévenir les crimes, les malheurs ou les accidents innombrables qui peuvent menacer les citoyens. Il faut que les vivres arrivent en abondance sur les marchés, et que les consommateurs ne soient pas à la merci de fournisseurs cupides, capables d'affamer la population; il faut que les habitants n'aient à redouter ni le feu, ni l'eau, ni la chute des matériaux, ni le choc des voitures, etc.; il faut, en un mot, que l'administration veille sur eux nuit et jour pour les protéger ou les défendre contre eux-mêmes et contre les autres. Les Lieutenants de police de l'ancienne monarchie étaient à la hauteur de leurs obligations, et le mémoire de Sartine est une preuve irrécusable de leur intelligence et de leur dévouement.

Ce mémoire fut commencé en 1768, et voici à quelle occasion. La, belle organisation de la police parisienne, à cette époque, était fort admirée des souverains étrangers, et l'on sait que Catherine II ellemême pria Sartine de lui donner quelques conseils 2. La même demande fut adressée au gouvernement français par l'impératrice MarieThérèse, et comme le ministre Choiseul songeait alors à une alliance austro-française dont il espérait de grands avantages, on ne négligea rien pour satisfaire la cour d'Autriche. L'ambassadeur Mercy-Argenteau remit à Sartine une suite de seize questions relatives à la police de Paris, et l'on chargea un commissaire au Châtelet, nommé Le Maire, de répondre méthodiquement à ces questions. Voici, d'après le mémoire lui-même, l'ordre qu'avait adopté l'ambassadeur :

1' Quels sont, dans l'ordre judiciaire, les objets qui sont du ressort de la police?

2° Quels sont les juges commis pour juger les causes de la compétence de la police?

3° Quels sont les différents degrés et départements des personnes chargées de la police?

4° Quel est le nombre et quelles sont les fonctions des commissaires de quartiers?

5. Quel est le nombre et quelles sont les fonctions des inspecteurs de police?

6. Quel est le plan des instructions qui leur servent de règle dans l'exercice de leurs fonctions?

7° Différentes classes de personnes employées par les inspecteurs de police.

1. Cf. Peuchet, Mémoires historiques, passim.

2. A Londres, en 1763, on publia un ouvrage intitulé: The police of France.

8. De quelle manière ils se procurent des informations exactes sur la demeure, la conduite, le genre d'occupation et de gagner leur vie : — 1o des habitants permanents, 2o des étrangers.

9° Des dénonciations, si les dénonciations volontaires sont admises. Si elles sont encouragées, comment on les encourage.

10° Qualités requises dans ces mêmes personnes (les employés de la police); leur salaire fixe ou autre en certains cas.

11. Quel est le système de la police par rapport aux charlatans?

12° Quel est le système relativement aux filles de joie?

13. Si les filles de joie sont employées à l'espionnage.

14° Quel est le système de la police relativement : 1° à la propreté des rues; 2° à l'entretien du pavé?

15 Quelle est la manière dont les rues sont éclairées pour la sûreté pendant la nuit?

16 Quel est le système pour l'avitaillement de Paris? Police des boulangers. Quels sont les moyens de les contenir? Quels sont les moyens pour contenir les bouchers?

Au lieu de répondre en quelques mots à ces différentes questions, Le Maire eut l'heureuse idée de modifier un peu l'ordre qu'avait suivi l'ambassadeur, et après deux ans et demi de travail il put remettre un mémoire complet et méthodiquement rédigé, un véritable traité de la police parisienne, où se trouvent indiquées avec une clarté toute française les différentes parties de cette importante administration.

Le mémoire ainsi composé fut-il remis à l'ambassadeur d'Autriche? Je ne saurais l'affirmer, mais la chose est plus que probable, car on n'ignore pas que les bonnes relations de la France et de l'Autriche furent cimentées en 1770 par le mariage du dauphin avec l'archiduchesse Marie-Antoinette, et le mémoire fut achevé en janvier ou février 1771. D'ailleurs le Lieutenant de police Le Noir, successeur immédiat de Sartine, fit imprimer en 1780 un petit ouvrage intitulé : Détail de quelques établissements de la ville de Paris, demandé par S. M. la reine de Hongrie, et ce Détail est évidemment une suite au mémoire de Le Maire, car il y est simplement question des hospices, vidanges, incendies, etc., de l'école de boulangerie, du pain de pommes de terre et autres créations ou inventions récentes. Après avoir appliqué avec succès le système que lui avait si bien fait connaître Sartine, Marie-Thérèse voulait profiter pour sa capitale des perfectionnements apportés depuis dans l'organisation parisienne, et tel était l'objet du Détail, qui n'a point de raison d'être si le Mémoire ne l'a précédé.

Mais, dira-t-on, comment se fait-il que ce mémoire n'ait pas été publié, à la fin du siècle dernier, et d'où vient qu'il en est resté une copie en France? Il est aisé de répondre à la première de ces objections que la nature même du travail exécuté par Le Maire s'opposait à sa publication: les secrets de la police y sont trop bien dévoilés

pour qu'il ait été possible d'imprimer cet ouvrage sans commettre à la fois une inconvenance et une imprudence. Il devait, de toute nécessité, rester manuscrit, au lieu que le Détail pouvait être imprimé sans inconvénient.

La seconde objection est plus sérieuse, mais il n'est pourtant pas impossible d'y répondre d'une manière assez satisfaisante. Il y a d'abord un fait incontestable : c'est l'existence d'un manuscrit petit in-folio de 277 pages, d'une grosse et belle écriture, sur beau papier de Hollande. Ce manuscrit a été relié après 1826 avec différents papiers ou cahiers de moindre importance, et il constitue le tome 181 d'un recueil de pièces réunies par l'ex-conventionnel Grégoire ou lui ayant appartenu, et presque toutes annotées de sa main. Peut-être le commissaire au Châtelet Le Maire avait-il conservé une copie de son travail, et cette copie est-elle tombée plus tard entre les mains de Grégoire. Peut-être aussi un ami commun de Sartine et de Grégoire, LouisAdrien Le Paige, ancien avocat au Parlement et bailli du Temple', en avait-il obtenu un exemplaire. Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, il est certain que le mémoire manuscrit existe, qu'il est inédit, qu'il est très-important et qu'il a été jugé tel par un des hommes de France les plus compétents en pareille matière, par un des derniers successeurs de Sartine. Toutes ces raisons ne suffisent-elles pas à justifier la publication d'un mémoire qui montrera aux Parisiens comment vivaient leurs aïeux, et quelle était, il y a cent ans, l'organisation de notre police municipale?

A. GAZIER.

1. Sur ce personnage, voyez, au tome II des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris, le curieux travail que M. Jules Lair a consacré à l'histoire de la seigneurie de Bures dont Le Paige fut le dernier possesseur. (Note de la Rédaction.)

MÉMOIRE

SUR

L'ADMINISTRATION DE LA POLICE EN FRANCE.

Contenant les éclaircissements demandés à ce sujet par M. l'Ambassadeur de Vienne, de la part de LL. MM. impériales et royales à M. de Sartine, Conseiller d'État, Lieutenant-général de police de la

ville de Paris.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

Les articles contenant les questions auxquelles on a eu à répondre dans ce mémoire ne concernent pas seulement quelques faits particuliers de la Police, ils en embrassent généralement toutes les parties et tous les objets.

Les éclaircissements qu'il s'agissait de donner doivent donc renfermer une idée générale de la Police et de son administration, des principales règles qui établissent l'ordre, des points de vue qui sont entrés dans leur établissement et de ceux qui dirigent la manutention'; en un mot ces éclaircissements doivent comprendre dans un même tableau tout ce qui appartient le plus essentiellement aux lois, au gouvernement et à l'exercice de la Police.

Il s'agissait surtout de présenter les procédés de la Police tels qu'ils sont en usage à Paris d'une manière assez claire pour être facilement saisis par les personnes qui sont le moins à portée de les connaître.

Cette partie très-considérable et très-importante de la manutention, n'ayant été traitée dans aucun ouvrage, demandait la

1. Gestion, direction, administration. — « J'ai laissé à un homme sûr la manutention de mes affaires » (Dictionn. de l'Acad.).

2. C'est là ce qui donne tant de valeur au mémoire : son auteur connaissait le Traité de la Police du commissaire de la Mare et tous les ouvrages classiques sur la matière; aucun d'eux ne traite la question au point de vue historique et pratique.

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