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tous les avantages qu'il était possible de s'en procurer en faveur du bien public. Elles sont obligées en conséquence de faire une attention particulière aux hommes qui circulent chez elles, de recueillir les discours qu'ils peuvent tenir contre le gouvernement, les complots et les projets qu'ils peuvent avoir au préjudice de la sûreté et de la tranquillité publique', et si elles découvrent que quelques-uns d'eux ont commis un vol, un assassinat ou d'autres crimes, elles sont obligées de les dénoncer à l'inspecteur ou aux officiers de la sûreté qu'elles doivent faire avertir sur le champ en tâchant de retenir ces sortes de gens jusqu'à leur arrivée. Si elles ne peuvent pas les faire rester chez elles, elles doivent employer tous les moyens possibles pour savoir qui ils sont, leur demeure, ou se procurer au moins des renseignements capables d'en faciliter la découverte. Il en est de même de tous les gens suspects et dangereux qui les fréquentent. Pour peu qu'il soit reconnu qu'elles aient manqué à ces devoirs qui leur sont très-étroitement imposés, elles sont arrêtées et punies par une détention plus ou moins longue dans une maison de force. Elles sont d'ailleurs gratifiées lorsqu'elles ont donné quelque avis utile. Dans le nombre de celles qui sont arrêtées et enfermées pour d'autres cas, il s'en trouve quelquefois qui obtiennent leur liberté à la faveur des découvertes qu'elles font, et dont elles donnent avis aux inspecteurs de la sûreté sur le compte d'autres femmes enfermées avec elles, auteurs ou complices de différents crimes. La même chose arrive aussi à l'égard des hommes détenus dans les maisons de force.

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Il ne s'agit, sous ce titre, que de ceux où l'on risque de l'argent pour en gagner. Ils sont de deux espèces, savoir les jeux de hasard, et les jeux appelés de commerce. Les premiers sont sévèrement défendus par les ordonnances, même dans les sociétés ordinaires, parce que, n'étant point bornés, ils intéressent la for

1. Louis XV se faisait communiquer chaque jour la liste des personnes qui étaient entrées dans les mauvais lieux, et cette chronique scandaleuse faisait ses délices. (Cf. Peuchet, Mémoires tirés des archives de la police, passim.)

tune des particuliers, et que l'entêtement peut conduire un joueur, quelque riche qu'il soit, à se ruiner en un instant. Les jeux de commerce sont ceux qui sont assujettis à des règles et à des combinaisons, et dans lesquels il entre peu de hasard; ils ne sont néanmoins que tolérés.

Il y a à Paris, pour ceux qui ne sont point répandus dans les sociétés, des endroits que l'on nomme Académies de jeux, où sont admis tous ceux qui veulent jouer aux jeux de commerce. Ces Académies sont sous l'inspection immédiate de la police, et ne peuvent se former sans la permission du magistrat; elles sont expressément défendues autrement.

Les maîtres de ces Académies reçoivent une rétribution de ceux qui vont jouer chez eux. Ils doivent rendre compte exactement à l'inspecteur chargé de cette partie des gens qui fréquentent leurs Académies, et apporter la plus grande attention à découvrir et à dénoncer ceux qui pourraient commettre des friponneries en jouant [ou] en faisant jouer quelqu'un de malheur. Les fripons qui sont découverts dans ces endroits sont arrêtés et mis en prison, et ensuite exilés de Paris.

Si la tolérance de ces endroits, où sont reçus ceux qui veulent jouer, paraît d'abord devoir entraîner quelques inconvénients, elle en prévient en même temps une infinité d'autres ', elle empêche qu'il ne se tienne à l'insu de la police des assemblées de la même espèce dans beaucoup de maisons inconnues ou suspectes; que le goût des jeux de hasard, qui ne manqueraient pas d'y être introduits, ne devienne plus général; elle évite la ruine et la perte des citoyens et la plupart des malheurs et des désordres que cette passion peut entraîner.

L'inspecteur doit faire des recherches très-exactes pour savoir toutes les maisons où il pourrait arriver que l'on jouât à des jeux de hasard. Il a, à cet effet, des gens dans différents quartiers pour l'aider à faire ces découvertes dont il doit rendre compte aussitôt au magistrat.

Lorsqu'il apprend que quelques particuliers donnent à jouer sans permission pour en tirer profit, soit à des jeux de hasard,

1. Ce n'est pas sur M. de Sartine que doit retomber le blâme d'avoir institué les maisons de jeu. Une délibération du conseil et l'obtention de lettres patentes plaçaient cette immorale institution au-dessus et en dehors de son pouvoir. (Horace Raisson, Histoire de la police de Paris, p. 143.)

soit même à des jeux tolérés, il se transporte avec 2 commissaires dans les maisons de ces particuliers au moment où ceux-ci s'y attendent le moins; il saisit, en présence des commissaires, les dés, cartes et ustensiles qui servent à ces jeux, ainsi que l'argent qui se trouve sur les tables. Tout cela est constaté par un procèsverbal dressé par les commissaires, de l'ordonnance desquels les particuliers qui tiennent ces académies sont assignés au tribunal du magistrat, qui les condamne en 3,000 livres d'amende, qui est la peine prononcée par les ordonnances, et ordonne, en outre, la confiscation de l'argent et autres choses qui ont été saisies au profit de l'hôpital des malades appelé Hôtel-Dieu.

La plupart des dénonciateurs des jeux de hasard sont euxmêmes des joueurs ordinairement invités à toutes les parties considérables, ou ils sont ce que l'on appelle banquiers'. Ils tiennent le fonds du jeu avec l'argent de ceux qui veulent s'y intéresser. Ces banquiers sont le plus souvent d'une classe que l'on appelle à Paris chevaliers d'industrie, sur lesquels on veille très-particulièrement. Comme ils craindraient d'être punis s'ils se trouvaient dans ces parties clandestines sans en donner avis, ils ne manquent pas d'en avertir l'inspecteur. Cet avis leur tient lieu de permission, c'est-à-dire qu'il les met à l'abri de ce qu'ils auraient à craindre s'ils agissaient d'une autre manière.

Les commissaires qui sont spécialement chargés de la police des jeux font des visites la nuit dans les endroits où l'on donne à jouer et particulièrement dans les jeux de billard. Ils sont assistés de l'inspecteur, qui arrête les crocs et autres gens suspects qui s'y trouvent; ils empêchent aussi que l'on n'y joue à des heures indues.

1. Il y avait des banquiers affidés à la police; on ne se rappelle pas qu'aucun d'eux ait jamais donné lieu à une plainte fondée. Ils rendaient à la police soit une somme fixe, soit une somme proportionnée aux bénéfices. Les sommes et deniers ainsi reçus étaient tenus dans une caisse particulière. » On les destinait aux malades, aux « vénériens,» aux pauvres de toute sorte et notamment aux pauvres honteux. (Souvenirs historiques de Le Noir, publiés par Peuchet dans les Mémoires tirés des archives de la police, tome III, P. 41.)

2. Ancienne variante du mot escroc.

ARTICLE IX.

-

DES USURIERS CONNUS SOUS LE NOM
DE PRÊTEURS SUR GAGES.

Le mot usure signifie, dans le droit français, tout intérêt illicite et défendu par les lois.

Cette matière ne concerne point directement la police. Le soin de punir les usuriers suivant les lois regarde les tribunaux ordinaires, c'est-à-dire ceux qui sont établis pour exercer la justice civile et criminelle.

La police se borne à assurer à l'emprunteur, en payant au terme convenu ce qu'il doit, suivant les conditions du prêt, la restitution des effets qu'il a donnés en gage à l'usurier pour sûreté de la dette, dont celui-ci ne donne jamais de reconnaissance. Comme ces effets sont toujours d'une valeur beaucoup plus considérable que le principal et les intérêts, les prêteurs sur gages, avant l'établissement de cette partie, employaient tous les moyens qu'ils pouvaient imaginer pour éloigner eux-mêmes leur paiement, afin d'avoir le prétexte de profiter plus longtemps de l'intérêt énorme qu'ils se faisaient payer, et de consommer ainsi la valeur du gage; ou bien sur le fondement qu'ils n'avaient pas été satisfaits à l'échéance précise du paiement, ils supposaient avoir vendu les effets, ou en disposaient réellement, et n'en tenaient compte que sur un pied fort au-dessous de leur véritable valeur, en sorte que, outre les intérêts, les emprunteurs essuyaient encore une perte très-considérable sur ces nantissements.

L'impossibilité d'établir la preuve de ces exactions et de ces infidélités rendant les lois insuffisantes contre la plupart de ces usuriers, il a fallu avoir recours à des moyens particuliers pour arrêter ce brigandage. La difficulté d'abolir les usuriers étant à peu près la même que celle d'empêcher les gens qui ont besoin d'eux d'y avoir recours, on a considéré qu'une tolérance conditionnelle, c'est-à-dire assujettie à des règles capables de prévenir les abus auxquels il s'agissait de remédier principalement, était le seul et le meilleur parti qu'il y eût à prendre. On leur a donc laissé la liberté d'exercer leur usure, c'est-à-dire d'exiger tel intérêt qu'ils jugeraient à propos, pourvu que cet intérêt fût convenu d'accord avec les emprunteurs et à condition de ne faire leur métier que sous les yeux de la police, en observant les règles qui leur furent prescrites.

Règles auxquelles sont assujettis les prêteurs sur gages.

Le commerce du prêt sur gages se fait ordinairement par le ministère de courtiers qui ont à leur disposition des gens qui veulent faire valoir leur argent à gros intérêts; ils les appellent leurs bourses. Les courtiers sont tenus d'avoir des livres pour inscrire 1o les noms de ceux qui empruntent; 2° les sommes prêtées; 3o la nature des effets mis en gage; 4o et les noms de ceux qui ont prêté et chez qui doivent se trouver les effets. Ces courtiers sont assujettis à porter tous les huit jours leurs livres à l'inspecteur, qui en prend un relevé qu'il transcrit sur un registre. Si la bourse prête elle-même, sans le ministère d'un courtier, elle est assujettie aux mêmes formalités.

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Par ce moyen l'on trouve constaté : la nature de l'effet mis en gage, — le montant de la somme prêtée, — le nom de celui à qui appartient l'effet ou qui l'a mis en gage, et l'endroit où on peut le réclamer. Par ce moyen le prêteur ne peut pas demander plus forte somme que celle qu'il a prêtée, à la réserve des intérêts sur lesquels on ferme les yeux. Par ce moyen, enfin, le prêteur ne peut pas disposer de l'effet mis en gage sans avoir mis l'emprunteur en demeure de le retirer et sans le faire ordonner en justice.

Faute par les prêteurs sur gages de se conformer aux règles que l'on vient de rapporter, le magistrat les punit en les faisant arrêter ou même en les faisant enfermer; quelquefois même, suivant la gravité des circonstances, on leş abandonne à la justice ordinaire, s'il y a des preuves suffisantes pour leur faire leur procès. Il y a un commissaire nommé par le magistrat, auquel il renvoie les plaintes qui lui sont portées contre les prêteurs sur gages, et qui est chargé de régler les contestations qui peuvent s'élever entre eux et les emprunteurs sur les conventions qu'ils ont faites ensemble; et lorsqu'il ne peut pas les concilier, il en fait son rapport au magistrat, qui décide lui-même les difficultés dont il s'agit.

Un inspecteur de police est aussi chargé dans cette partie de découvrir ceux qui font le métier de prêteurs sur gages, et en cas que ceux qu'il parvient à connaître refusent de se conformer aux règles qu'ils doivent suivre, il en rend compte au magistrat, qui emploie l'autorité pour les y contraindre. Cet inspecteur tient un registre où sont inscrits tous les usuriers de cette espèce.

MÉM. V

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