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troupe plus nombreuse '; mais, soit désordre, soit difficulté de suffire à tous les postes, soit enfin négligence volontaire, cette garde ne lui fut pas envoyée 2.

Durant la nuit du 16 septembre 1792, pendant que de faux gardes nationaux se tenaient en observation sur la place de la Révolution et dans les rues voisines, des brigands armés, au nombre de 40, montèrent, au moyen de cordes, par les potences des réverbères qui donnent sur la place 3, brisèrent les fenêtres et entrèrent dans le garde-meuble. Ils se précipitaient de la galerie sur la place lorsqu'on les arrêta.

On trouva dans leurs poches une grande quantité de diamants, entre autres le riche hochet du Dauphin; malheureusement, ceux qui réussirent à s'échapper en emportèrent un nombre encore plus considérable. C'est ainsi qu'une grande partie de ces diamants passa dans des mains que l'autorité fit depuis d'inutiles efforts pour découvrir.

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« On attribua ce nouvel événement aux hommes qui avaient << secrètement ordonné les massacres. Cependant ils n'étaient « plus excités ici ni par le fanatisme, ni par une politique sanguinaire; et, en leur supposant le motif du vol, ils avaient « dans les dépôts de la Commune de quoi satisfaire la plus grande « ambition. » Marat et ses amis lancèrent de leur côté des insinuations contre la probité de Roland qui, en qualité de ministre de l'intérieur, avait le garde-meuble sous sa responsabilité. Cette accusation resta sans portée. « On a dit qu'on fit cet « enlèvement pour payer la retraite du roi de Prusse 6, ce qui est << absurde, et pour fournir aux dépenses du parti, ce qui est plus << vraisemblable, mais ce qui n'est nullement prouvé 7.

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1. Celle qui factionnait habituellement était incapable, en cas d'attaque sérieuse, d'opposer une résistance efficace. Elle se tenait à l'intérieur, et c'est ce qui explique l'audace du coup de main du 16 septembre 1792.

2. Moniteur universel, année 1792.

3. Au coin de la rue Saint-Florentin.

4. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. III.

5. Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, t. IV.

6. Frédéric-Guillaume II, neveu et successeur du grand Frédéric.

7. Quelques-uns des voleurs et leurs complices furent arrêtés et jugés par le tribunal du 17 août. Les débats prouvèrent que ce vol avait été tout simplement commis par des individus sortis récemment des prisons et qui avaient voulu fêter leur délivrance par une audacieuse déprédation. Plusieurs condamnations à mort furent prononcées, parce que, d'après les déclarations

Au reste, ajoute Thiers, le vol du garde-meuble doit peu influer sur le jugement qu'il faut porter de la Commune et de ses chefs. Il n'en est pas moins vrai que, dépositaire de valeurs immenses, la Commune n'en rendit jamais aucun compte ; que les scellés apposés sur les armoires furent brisés, sans que les serrures fussent forcées, -ce qui indique une soustraction et point un pillage populaire, - et que tant d'objets précieux disparurent à jamais.

Une partie fut impudemment volée par des subalternes tels que Sergent, surnommé Agathe', à cause du bijou précieux dont il s'était paré; une autre partie servit aux frais du gouvernement extraordinaire qu'avait institué la Commune. C'était une guerre faite à l'ancienne société et toute guerre est souillée de meurtre et de pillage.

Après ce vol, le garde-meuble disparut et les bureaux de l'administration de la Marine prirent sa place. Les considérations qui motivèrent cette substitution furent, sans nul doute, d'une part, la centralisation et le développement, devenus nécessaires, des différents services de ce département ministériel, de l'autre, le désir d'éloigner du centre de Paris, où venait s'abattre de préférence la tourmente révolutionnaire, les débris encore précieux du garde-meuble.

Ce n'est donc pas à Napoléon Ier, ainsi que l'ont écrit plusieurs historiens, qu'il faut attribuer l'installation complète et définitive du Ministère de la Marine sur la place Louis XV, mais bien à la Convention nationale. Elle y fut faite en effet dans les derniers mois de l'année 1792, quelques heures avant la mort du dernier roi de France, acte sanglant mais prévu depuis longtemps.

Et que pouvait-on espérer après la violation des maisons particulières, après les sinistres journées de septembre! Il ne restait plus qu'un crime à commettre, la Commune le réclama de la Convention qui lui livra la tête de Louis XVI.

Le malheureux roi quitta le Temple le 21 janvier 1793, sous

du jury, le vol devait être considéré comme le résultat d'une conspiration tendant à spolier la République à force ouverte. Huit au moins des condamnés furent exécutés entre le 16 octobre et le 11 novembre 1792. (MortimerTernaux, Histoire de la Terreur, t. IV.)

1. Sergent, beau-frère de Marceau, mourut au mois de juillet 1847. Il recevait de Louis-Philippe une pension annuelle de 1800 francs.

l'escorte d'un brasseur, Santerre', de deux prêtres défroqués, Claude Bernard 2 et Jacques Roux 3, ces deux derniers délégués de la commune de Paris, et arriva place de la Révolution où l'attendait l'échafaud dressé entre les Champs-Élysées et le piédestal de la statue de la Liberté !

Pendant que Louis XVI achevait tranquillement sa dernière prière, sa terrible escorte se partageait la besogne. Santerre prit le commandement des sections pendant que Jacques Roux et Claude Bernard montaient à l'hôtel de la Marine. Ils allèrent retrouver les commissaires du gouvernement Lefèvre et Momoro 5, les commissaires du pouvoir exécutif Sallais et Ysabeau", chargés avec eux d'assister au supplice du condamné et d'en dresser le procès-verbal officiel.

On sait le reste. La mort de Louis XVI n'était que le prélude d'un nouveau massacre. La Révolution continua son œuvre d'extermination et de trouble général jusqu'au moment où un homme s'imposa par son génie militaire à la France fatiguée et épuisée.

A partir de 1793, l'hôtel du ministère de la Marine n'est plus mêlé à aucun événement politique. L'administration centrale de la Marine y développe son organisation, améliore les emménagements intérieurs de l'hôtel, augmente le nombre insuffisant de ses bureaux soit par des acquisitions d'immeubles, soit par des constructions nouvelles, et il nous faut arriver à la Commune de 1871 pour le voir jouer un rôle, mais, cette fois, un rôle essentiellement militaire.

1. Célèbre révolutionnaire, surnommé le père du faubourg (Saint-Antoine), qui mourut en 1809.

2. Ancien vicaire de l'église Sainte-Marguerite. Nommé membre du Conseil de la Commune en 1792, il fut décapité en 1794.

3. Ancien prêtre attaché à la paroisse Saint-Nicolas de Paris, surnommé le prédicateur des sans-culottes. Condamné à mort en 1794, il se frappa de cinq coups de couteau en entendant son arrêt. Il expira à Bicêtre.

4. Lefèvre-Guineau, physicien distingué, mort en 1829. Il fut membre de la Commune de Paris, membre de l'Institut, inspecteur général des études de l'Université impériale, membre du Corps législatif en 1807 et en 1813 et député en 1815; son opposition politique le fit destituer en 1824.

5. Imprimeur et graveur distingué, surnommé le premier imprimeur de la Liberté. Ce fut lui qui, chargé de l'organisation des fêtes publiques, trouva la devise: Liberté, Egalité, Fraternité. Il fut décapité le 24 mars 1794.

6. C'est ainsi que Thiers écrit ce nom. Mais il est à supposer qu'il s'agit ici de Sallé de Choux, qui fut, en 1789, député aux Etats généraux. 7. Prêtre défroqué, mort en 1823.

En effet, ainsi que le dit M. Maxime du Camp dans un article très intéressant', ce monument, par les matériaux résistants dont il est composé, il est entièrement construit en pierres de taille,— représente une sorte de forteresse facile à défendre. Il occupe en outre une position stratégique importante en cas de guerre dans Paris, car il domine la place de la Concorde, commande le pont et une grande partie de la rue de Rivoli, découvre les ChampsÉlysées et se dresse entre deux rues parallèles, la rue Royale et la rue Saint-Florentin, qui peuvent lui servir de dégagement.

Pour toutes ces considérations, les insurgés devaient l'occuper et le défendre énergiquement. Destiné à l'incendie pour assurer une retraite prévue d'avance, il en fut préservé par l'arrivée des troupes régulières et sauvé d'une ruine complète.

Charles DUPLOMB.

1. Revue des Deux-Mondes, année 1878.

TABLE DES MATIÈRES.

La Police de Paris en 1770. Mémoire inédit composé par
ordre de G. de Sartine sur la demande de Marie-Thérèse et
publié par M. A. Gazier.

Chartes et autres titres du monastère de Saint-Florent près
Saumur, concernant l'Ile-de-France, de 1070 à 1220 environ,
publiés par M. P. Marchegay..

L'école et la population de Saint-Prix (canton de Montmo-
rency) depuis 1668, par M. A. Rey. . .

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Pages.

I

132

158

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Histoire de Senlis pendant la seconde partie de la guerre de
Cent Ans (1405-1441), par M. J. Flammermont .

180

Le trésor anglais à Paris en 1431 et le procès de Jeanne
d'Arc, par M. S. Luce . .

298

Notice sur un couteau du XIe siècle conservé à la Biblio-
thèque nationale, par M. R. de Lasteyrie

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308

Notice sur l'hôtel du Ministère de la Marine, par M. Ch.
Duplomb..

316

Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.

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