ACTE IV. SCÈNE PREMIÈRE. BÉRÉNICE, seule. Phénice ne vient point? Moments trop rigoureux, 955 Titus, l'ingrat Titus n'a point voulu l'entendre: 960 SCÈNE II. BÉRENICE, PHÉNICE. BÉRÉNICE. Chère Phénice, hé bien! as-tu vu l'Empereur? PHÉNICE. Oui, je l'ai vu, Madame, Et j'ai peint à ses yeux le trouble de votre âme. 1. « Je me souviens, dit Voltaire, d'avoir vu autrefois une tragédie de Saint Jean-Baptiste, supposée antérieure à Bérénice, dans laquelle on avait inséré toute cette tirade pour faire croire que Racine l'avait volée. » J. RACINE. II 27 J'ai vu couler des pleurs qu'il vouloit retenir. Vient-il? BÉRÉNICE. PHÉNICE. 965 N'en doutez point, Madame, il va venir. Mais voulez-vous paroître en ce désordre extrême? Remettez-vous, Madame, et rentrez en vous-même. Laissez-moi relever ces voiles détachés, Et ces cheveux épars dont vos yeux sont cachés. 970 Souffrez que de vos pleurs je répare l'outrage. BÉRÉNICE. Laisse, laisse, Phénice, il verra son ouvrage. PHÉNICE. 975 Pourquoi lui faites-vous cet injuste reproche? 1. Après ce vers, la Harpe, Geoffroy et M. Aimé-Martin ne mettent qu'une virgule. Les deux derniers en placent une aussi après le vers 976, où la Harpe a un point d'interrogation. Nous suivons la ponctuation de toutes les anciennes éditions. Nous suivons également ces éditions en écrivant Et, et non Eh! au commencement du vers 973. 2. Dans les anciennes éditions, rameine : voyez ci-dessus, p. 395, note 3. SCÈNE III. TITUS, PAULIN, SUITE. TITUS. De la Reine, Paulin, flattez l'inquiétude. PAULIN. O ciel! que je crains ce combat! 985 Grands Dieux, sauvez sa gloire et l'honneur de l'État. Voyons la Reine. SCENE IV. TITUS, seul. Hé bien! Titus, que viens-tu faire? 990 Bérénice t'attend. Où viens-tu, téméraire? 1. Ou le théâtre reste vide, ou Titus voit Bérénice: s'il la voit, il doit donc dire qu'il l'évite, ou lui parler. (Voltaire.) « Il est clair, dit la Harpe, que le théâtre reste vide. » L'abbé de Villars (p. 28) reproche à Racine « de ne s'être pas mis en peine de la liaison des scènes et d'avoir laissé plusieurs fois le théâtre vide. » Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir? Tout se tait; et moi seul, trop prompt à me troubler, Et qui sait si sensible aux vertus de la Reine, 1010 1015 1020 1. Les éditions de 1687 et de 1697 ont l'ancienne orthographe succee; celles de 1671 et de 1676 portent sucée. 2. Dans l'édition de 1768 ce vers se lit ainsi : Ah! lâche, fuis l'anfour, et renonce à l'Empire. La Harpe et Geoffroy, cette occasion, prodiguent d'incroyables injures à l'ancien éditeur (Luneau de Boisjermain). Il nous paraît bien cependant qu'il ne s'agit ici que d'une faute d'impression. 1025 Au bout de l'univers va, cours te confiner, SCÈNE V. BÉRÉNICE, TITUS. BÉRÉNICE, en sortant. 1035 Non, laissez-moi, vous dis-je. En vain tous vos conseils me retiennent ici : Il faut que je le voie. Ah, Seigneur! vous voici. TITUS. N'accablez point, Madame, un prince malheureux. 1045 1. C'est le mot de Titus que Suétone (Titus, chapitre vIII) nous a conservé: Amis, j'ai perdu ma journée : » « Recordatus quondam super cœnam quod « nihil cuiquam toto die præstitisset, memorabilem illam meritoque laudatam « vocem edidit: Amici, diem perdidi. |