Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre; 330 Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l'ont pris, Dans ses murs relevés couronner votre fils. ANDROMAQUE. 335 Seigneur, tant de grandeurs ne nous touchent plus guère : PYRRHUS. Et le puis-je, Madame? Ah! que vous me gênez! 340 345 350 Ah! qu'un seul des soupirs que mon cœur vous envoie, S'il s'échappoit vers elle, y porteroit de joie ! Auroit-elle oublié vos services passés ? Troie, Hector contre vous révoltent-ils son âme? Sa mort seule a rendu votre père immortel. Il doit au sang d'Hector tout l'éclat de ses armes, PYRRHUS. Hé bien, Madame, hé bien, il faut vous obéir : ANDROMAQUE. Hélas! il mourra donc. Il n'a pour sa défense Je prolongeois pour lui ma vie et ma misère2; 360 365 370 375 1. Grimoald, dans Pertharite, irrité des refus de Rodelinde, lui fait des menaces semblables: Mais enfin sur ses pas j'irai revoir son père. PYRRHUS. Allez, Madame, allez voir votre fils1. 380 Peut-être, en le voyant, votre amour plus timide Ne prendra pas toujours sa colère pour guide. Pour savoir nos destins, j'irai vous retrouver. Madame, en l'embrassant, songez à le sauver 2. 1. Var. Nos cœurs.... PYRR. Allez, Madame, allez voir votre fils. (1668-76) 2. Préville, dans ses Mémoires, fait cette remarque : «< Quelques acteurs, dans ce vers de Pyrrhus à Andromaque : Madame, en l'embrassant, songez à le sauver, emploient la menace, quand au contraire le pathétique, l'intérêt, la pitié en marquent l'esprit. » Voyez ces Mémoires, page 131, dans la Collection des Mémoires sur l'art dramatique, Paris, 1823. Baron, qui joua avec tant de snccès le rôle de Pyrrhus, interprétait ce vers de la manière que veut Préville, comme on le voit dans les Anecdotes dramatiques de l'abbé de la Porte. « Baron, dit-il, employait, au lieu de la menace, l'expression pathétique de l'intérêt et de la pitié. semblait même, par le geste touchant avec lequel il accompagnait ces mots en l'embrassant, tenir Astyanax entre ses mains et le présenter à sa mère. » FIN DU PREMIER ACTE. ACTE II. SCÈNE PREMIÈRE. HERMIONE, CLÉONE. HERMIONE. Je fais ce que tu veux. Je consens qu'il me voie : Mais si je m'en croyois, je ne le verrois pas. CLÉONE. Et qu'est-ce que sa vue a pour vous de funeste? HERMIONE. C'est cet amour payé de trop d'ingratitude CLÉONE. Ah! dissipez ces indignes alarmes . Il a trop bien senti le pouvoir de vos charmes. Vous croyez qu'un amant vienne vous insulter? 385 390 395 400 Il vous rapporte un cœur qu'il n'a pu vous ôter. HERMIONE. Dans ses retardements si Pyrrhus persévère, A la mort du Troyen s'il ne veut consentir, CLÉONE. Hé bien, Madame, hé bien! écoutez donc Oreste, HERMIONE. Si je le hais, Cléone! Il y va de ma gloire, CLÉONE. Fuyez-le donc, Madame; et puisqu'on vous adore.... HERMIONE. Ah! laisse à ma fureur le temps de croître encore; CLÉONE. Quoi? vous en attendez quelque injure nouvelle? HERMIONE. Pourquoi veux-tu, cruelle, irriter mes ennuis? 410 415 420 425 430 |