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l'acide carbonique, l'oxyde de carbone, le méthane ou grisou, et encore quelques gaz accessoires (azote, argon, etc.).

Mais, dans ces expériences, c'est surtout l'HYDROGÈNE qui, avec l'acide carbonique, venant ensuite comme degré d'abondance, est dégagé en quantité prépondérante, comme le montrent certains granits, d'où cet élément gazeux a été dégagé à proportion de plus de 77 % des gaz produits.

L'hydrogène, d'ailleurs, ne résulte pas seulement des émanations directes gazeuses de la roche sous l'influence de la chaleur au rouge; il est encore produit corrélativement par la réaction chimique qui, faisant apparaître l'eau de constitution de la roche surchauffée, la fait aussi se décomposer en ses deux éléments dont l'un, l'oxygène, se combine avec les silicates ferreux de la roche (péridot, hyperstène, pyroxène, biotite, augite, etc.), qui le fixent en se transformant en silicates ferriques ou ferroso-ferriques, tandis que l'hydrogène, libéré, s'ajoute à celui émanant directement à l'état gazeux de la roche portée au rouge.

Il semblerait que la très infime proportion d'eau de constitution que la chaleur parvient à faire dégager des roches «< cristalliniennes » ne puisse amener des réactions bien importantes. Et cependant il n'en est rien, comme on va le voir.

Les expériences de M. Gautier ont montré que 1 kilogramme de granit porté au rouge produit 10 grammes d'eau, dont 7 à 8 grammes vers le rouge, et produit aussi un volume de gaz égal à sept ou huit fois celui de la roche. Un mètre cube de granit, pesant 2 664 kilogrammes, donnera donc, dit M. Gautier, 26 640 litres d'eau; un kilomètre cube en fournira donc 26 640 000 tonnes, soit plus de 26 millions de mètres cubes. Les gaz directement dégagés de ce kilomètre cube de roches échauffées produisent, à leur tour, 7 milliards de mètres cubes de gaz combustibles, qui, produits à la température du rouge, occupent alors un volume triple (1).

(1) Une réflexion, d'ordre restrictif, s'impose ici, au sujet de l'application du raisonnement de M. Gautier à des volumes rocheux aussi considérables que des kilomètres cubes de roches cristalliniennes qu'affecteraient d'importants phénomènes d'élévation de température. Une forte et uniforme élévation de température d'une masse profonde telle qu'un kilomètre cube de roches cristalliniennes ainsi influencé ne peut guère se comprendre sans trop de difficultés, semble-t il, que s'il s'agit de masses cristalliniennes s'étendant sur de nombreux kilomètres d'étendue souterraine, mais avec des épaisseurs affectées relativement peu considérables. Il ne semble pas que la chaleur émanant de masses ignées mises, par glissement ou par effondrement, en contact avec des roches cristallines, puisse affecter celles-ci sur des

Que l'on juge de l'effort colossal des pressions internes ainsi obtenues par le simple échauffement des roches; n'y trouve-t-on pas réellement, comme le préconise M. van Ertborn, la merveilleuse amplification du dispositif des « compresseurs à air » prêt, sous cette forme grandiose, à faire foisonner le gaz léger injecté dans la masse lavique de toute cheminée volcanique voisine et à en diminuer en même temps la densité, de manière, grâce aux contrepressions internes développées tant par cette différence de densité que par l'action élévatoire et propulsive des gaz injectés, à en forcer irrésistiblement l'ascension jusqu'aux cratères et bouches d'émission superficielles?

Mais revenant aux gaz exhalés directement par le granit et tablant sur la proportion de 70 % d'hydrogène que contiennent ces gaz pour le dégagement fourni par ce type de roche, on arrive, avec M. Gautier, à conclure que 1 mètre cube de granit fournira encore 700 litres d'hydrogène. Le kilomètre de roche dont la production d'eau de constitution a été calculée tantôt, comme s'élevant à 26 millions de mètres cubes, fournira encore comme résultat de ses 7 milliards de mètres cubes de gaz, 5 293 millions de mètres cubes d'hydrogène. Arrivé à la surface de la colonne lavique du volcan et par combinaison avec l'oxygène de l'air, cet hydrogène donnera naissance au même volume de vapeur d'eau. Celle-ci, à raison de 0,806 par litre, constituera ainsi un apport supplémentaire de 4 266 000 tonnes d'eau. Avec les 26 millions de tonnes obtenus par dégagement de l'eau de constitution, le kilomètre cube de roche granitique aura ainsi produit environ 31 millions de tonnes d'eau. « C'est, dit M. Gautier, la masse d'eau qui coule en

épaisseurs très fortes. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner ce qui se passe à l'extérieur du volcan, alors que la lave se montre si peu conductrice qu'elle est déjà figée et refroidie à la surface, tandis que, intérieurement, la coulée conserve, pendant des périodes prolongées, sa température de fusion.

Des phénomènes pouvant se produire dans quelques mètres ou décamètres d'épaisseur de granit et s'appliquer aisément à quelques centaines de mille mètres cubes plus ou moins << latéraux » de cette roche, peuvent ne plus se trouver justifiés si l'on voulait étendre le calcul à des masses profondes qui seraient affectées sur des épaisseurs « kilométriques », voire mème simplement « hectométriques ».

Il est hors de doute d'ailleurs que c'est bien avec l'interprétation rationnelle ci-dessus que l'entend M. Gautier, lorsqu'il étend à un kilomètre cube de granit les résultats fournis expérimentalement par l'échauffement au rouge de minimes quantités de la même substance. Pendant l'impression de la présente note, ceci m'est d'ailleurs confirmé par l'auteur, qui m'écrit que, quand il parle d'un kilomètre cube de granit, il ne veut en effet nullement dire un cube d'un kilomètre de côté, mais vise le volume d'un kilomètre cube, s'appliquant à une couche aussi mince qu'on voudra, pourvu qu'elle soit assez étendue.

1903. PROC.-VERB.

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douze heures à Paris dans le lit de la Seine, avec le débit moyen de 694 mètres cubes à la seconde (1). »

Voici comment conclut la note du 5 janvier 1993 de M. Gautier :

On voit que pour expliquer l'origine de l'eau des volcans, la nature des gaz qu'ils rejettent, et la violence des phénomènes éruptifs, il n'est nécessaire, ni de faire intervenir la pénétration des eaux de la mer jusqu'au feu central, ni d'invoquer les réactions internes qui peuvent encore s'y produire, réactions fort hypothétiques, car elles ont probablement atteint leur état d'équilibre définitif depuis les milliers d'années que les matériaux terrestres sont portés à l'incandescence. Mais il suffit, pour qu'il se produise des éruptions gazeuses d'eau et de gaz combustibles caractérisant les volcans, que les dépôts de roches sédimentaires, toujours décroissants sur les continents et croissants sur le fond des mers, se répartissent inégalement à la surface du globe et que les formes internes se modifient ellesmêmes lentement ou brusquement sous l'effet de ces pressions, pour que les strates profondes se réchauffent de quelques centaines de degrés au contact des parties centrales encore fondues qui pénètrent à travers toutes leurs fissures.

Le dégagement des gaz volcaniques avec leur composition et leur pression formidable sera la conséquence nécessaire de ce simple réchauffement.

De même que j'ai cru devoir, dans l'intérêt même de l'ingénieuse hypothèse émise par M. van Ertborn, en modifier certaines données, et me suis trouvé amené à remplacer son facteur essentiel vapeur d'eau par l'élément gaz hydrogène et autres gaz combustibles, de même aussi

(1) Un cube de 1 kilomètre de côté n'est. en somme, dit M. Gautier, qu'une masse bien petite dans l'immense volume des couches terrestres, ou vis-à-vis du cubage des Alpes, ou simplement comparé à quelques-uns des effondrements historiques, tels que celui du Grand-Ruun, près du golfe de Cutch, dans l'Inde, qui, en 1819, engloutit dans la mer un volume de plus de 20 kilomètres cubes.

Cela est exact assurément, mais si l'engloutissement dans la mer de 15 ou 20 kilomètres cubes de roches est peu de chose dans la grandeur de certains phénomènes d'ordre tectonique, il est beaucoup moins facile d'imaginer que de pareils cubes puissent être, dans toute leur épaisseur, portés aux températures élevées nécessaires aux réactions dévoilées par les expériences de laboratoire. Pour y arriver, il faut laisser entièrement de côté, comme c'est d'ailleurs dans la pensée de M. Gautier, la notion de volumes cubiques de forte épaisseur, pour n'appliquer le raisonnement qu'à des volumes dont l'une des surfaces aurait un développement considérable et dont l'épaisseur affectée resterait relativement minime: tels les volumes adjacents aux surfaces souterraines de contact, de faille, de glissement, de chevauchement, etc., soit précisément là où, en effet, ont le plus de chances de se produire, tant les phénomènes de décollement, d'effondrement, etc., que les phénomènes calorifiques dus au frottement ou à l'influence de voisinage de roches sous-jacentes, à températures élevées, ou mème ignées.

je compte ultérieurement chercher à apporter certains correctifs à l'exposé des considérations touchant les éléments d'ordre tectonique ou plutôt géomorphologique, invoqués par M. A. Gautier, pour expliquer les phénomènes d'élévation de température qui doivent être l'occasion des dégagements gazeux et aqueux des roches profondes cristallines.

Pour le moment, je me bornerai à objecter que l'extrême lenteur des phénomènes d'ablation continentale et de sédimentation marine qui pourraient, par leur importance, influer comme source de modification de pression sur l'écorce terrestre et réagir dans les profondeurs pour y amener des modifications d'équilibre, n'est guère favorable à ce que seuls de tels facteurs puissent être mis en corrélation avec l'histoire et avec l'évolution, parfois très rapide, des manifestations volcaniques.

A cela M. Gautier pourrait répondre que cette lenteur est cependant conciliable, jusqu'à un certain point, avec l'évolution si brusque des phénomènes volcaniques. Ceux-ci, en effet, ne se produisent que quand l'action des gaz réactionnels a acquis une pression suffisante pour provoquer les phénomènes d'émission ou de projection au dehors. Le phénomène peut être lent et continu dans sa cause, tout en nous surprenant par sa brusquerie, ses manifestations ne nous étant perceptibles que par la destruction de certains obstacles à l'expansion des fluides et des matières internes.

Il y aurait toutefois à fournir, comme motifs originaires des phénomènes calorifiques invoqués, bien d'autres facteurs, appelés à agir plus énergiquement sur les modifications d'équilibre interne des compartiments et voussoirs de l'écorce terrestre pouvant entrer en activité de mouvement et provoquer, en profondeur, les phénomènes de réchauffement. L'étude de ce point de vue, qui paraît pouvoir être traitée comme un corollaire confirmatif des vues de M. Stübel, sera reprise ultérieurement et je compte développer tout spécialement l'examen de cette question dans le mémoire destiné à amplifier la présente communication. Mais, dès aujourd'hui, je tiens à faire remarquer que l'ensemble de vues nouvelles qui se basent, d'une part, sur les recherches et expériences de MM. Gautier et Brun, d'autre part, sur le processus d'action des compresseurs à air des puits artésiens, évoqué par M. van Ertborn, s'applique également bien à n'importe laquelle des vues générales que l'on pourrait adopter pour la genèse et la constitution. de l'écorce terrestre dans ses rapports avec les magmas en fusion.

Quelques remarques complémentaires vont brièvement en fournir la

preuve.

Le géologue qui, malgré tant de bonnes raisons à opposer à ces vues, est encore partisan d'un feu central communiquant directement avec les cheminées volcaniques, et qui considère l'écorce terrestre comme une masse dépourvue de foyers périphériques et subissant, dans toute son épaisseur, à la façon de la couche corticale d'une pomme ridée, les effets et les plissements de la contraction multiséculaire, interprète donc cette écorce comme ayant continué jusqu'à nos jours à subir, dans toute sa masse, une série d'efforts tangentiels ayant fait coïncider avec les plis dus à la contraction la localisation d'immenses fractures et failles traversant de part en part ladite écorce.

La figure classique ci-après (1) représente la synthèse de ce système. On y voit le pli, fracturé et faillé, séparer une région haute d'une région basse, différenciation qui est le résultat de l'action tectonique qui a amené le pli ici représenté comme ayant affecté tout l'ensemble de l'écorce terrestre entourant un noyau central igné, mais qui, il importe de le remarquer, peut aussi ne représenter qu'une fraction de l'épaisseur de cette écorce, fraction mise en contact par-dessous, soit avec une zone ignée, telle qu'un des foyers périphériques les plus supérieurs du système Stübel, soit avec une masse ignée unique, circumcentrale, entourant un noyau de constitution quelconque.

Par suite tout simplement des altitudes inférieures de la dépression, celle-ci est envahie par les eaux marines, ou autres, qui s'y accumulent en a a', tandis que la région haute b b' représentera la section transversale du pli, qui se prolonge (normalement au dessin) sous forme d'une chaîne montagneuse côtière ou littorale. Les cassures alors, principalement réunies d'après les lois de la mécanique, sur le flanc abrupt C, serviront d'amorce et de guide tout indiqués à l'intrusion des laves et du magma fluide D, lesquels, arrivés au jour en d, d' et d', y créeront des exutoires du réservoir igné D, c'est-à-dire des volcans et des bouches éruptives.

(1) Décalqué, dans ses éléments principaux, d'après le tracé classique que rééditent l'un après l'autre divers manuels, le dessin ci-après présente le manque de proportion habituel des figures schématiques de ce genre. En effet, par rapport à l'épaisseur de la croûte terrestre, qui doit être évaluée à plus de 60 kilomètres, la profondeur des mers, s'étendant en a a', et la hauteur de la chaîne montagneuse dont les sommets sont en bb' se trouvent considérablement exagérées. Mais la mise au point du dessin d'après des proportions normales en rendrait moins saisissant le côté démonstratif. D'ailleurs, le défaut de proportion s'amoindrit considérablement lorsqu'on considère le magma igné représenté comme un foyer périphérique, inclus au sein de l'écorce terrestre, dont la partie supérieure, alors seule représentée ici, ne constituerait plus qu'une minime fraction.

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