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trop longues à détailler, mais qui se résument en ceci : c'est que, probablement, il n'y aura plus d'eau dans le courant des Boscherons, puisque le pavage est destiné à empêcher son alimentation directe, et que, s'il en reste, elle ne vaudra rien quand même, car il y a d'autres causes de contamination, notamment des prairies absorbantes, qu'on ne propose pas de daller. Il y aurait en outre sur la rive droite de l'Eure tous les ruisseaux se perdant dans le sol, d'après M. Dollfus. Ce fait serait très important, déclare M. Dienert dans la séance du 9 juin, mais il ne serait pas exact. « M. Dollfus a été probablement abusé pas le jeu de nombreux biefs de moulin. » Voilà deux affirmations difficilement conciliables, et il nous semblerait étrange qu'un géologue pratiquant comme M. Dollfus pût prendre des biefs de moulin pour des bétoires.

Pour ces mêmes sources dans la vallée de l'Eure, on a cité un fait à l'appui « de l'hypothèse qu'elles reçoivent des infiltrations directement de la rivière ». Il y a deux puits forés donnant une eau légèrement jaillissante; un jour, un des barrages de la rivière se rompt et les puits cessent de jaillir; le barrage est réparé et les puits jaillissent de nouveau. Pour une hypothèse, c'est une hypothèse bien confirmée.

y a lieu de remarquer que ces derniers détails s'appliquent non à des sources déjà utilisées, mais à des sources dont le captage est en perspective. On se rappellera que M. Bechmann posait comme norme pour l'appréciation de la qualité des sources à capter, la comparaison avec les sources déjà en service; il prétendait poser la question ainsi : Les sources nouvelles valent-elles les anciennes? Une réponse affirmative devait, d'après lui, faire décider leur acquisition; mais la Commission a été d'avis que c'était plutôt une raison pour s'abstenir. Il est certain que le service technique s'est trop uniquement préoccupé de la question de quantité et seulement d'une façon tout à fait accessoire de la question de qualité. La Commission nommée précisément pour accomplir la besogne difficile de remédier à la mauvaise qualité hygiénique des sources déjà captées, ne pouvait décemment pas se laisser faire et reprendre les errements si regrettables des ingénieurs. On examine donc d'un peu plus près, et bien des renseignements sont acquis par une étude même sommaire. Le service technique avait jeté son dévolu sur les eaux du val d'Orléans (Loiret); des achats de terrains, paraît-il, avaient même été faits, et l'affaire aurait été bâclée sans l'opposition très décidée de la Commission, qui a exigé de nouvelles études. Ces études viennent d'être terminées, et leur conclusion est que « les eaux du val d'Orléans sont des eaux de rivière qui ont circulé

dans le calcaire de Beauce. Elles sont rafraîchies et dégrossies. Leur teneur bactériologique et leur teneur en matières organiques présentent de grandes variations. Elles sont louches au moment des crues de la Loire. Elles ne sauraient donc être livrées pour l'alimentation sans épuration. »

Ce qu'il y a d'important, c'est l'affirmation qu'il peut y avoir de l'eau sortant spontanément de terre, c'est-à-dire des « sources »>, nécessitant une épuration préalable. Pourtant ce principe ne serait pas nouveau, même à Paris et pour le service technique, car M. Bechmann rappelle (p. 28) que déjà en décembre 1900 la Commission technique avait insisté sur la nécessité de prévoir le moyen de stériliser ou, à défaut, de filtrer ces eaux. Ces déclarations sont fort nettes, mais je me croyais certain de les entendre pour la première fois. J'ai donc repris le e volume des travaux de la Commission, où il y a des extraits des procès-verbaux de cette Commission technique et où le val d'Orléans est fréquemment cité; je n'y ai trouvé aucune mention de filtrage à cette époque.

Plusieurs des sources mentionnées comme captables offrent des particularités douteuses. On discute s'il faut prendre les sources de Cailly ou celles de Hondouville. Les premières sont dans la région de l'Eure, à proximité des deux puits intermittents, circonstance qui fait hésiter la Commission. C'est M. Janet qui signale les sources de Hondouville. Seulement leur captage est évalué grosso modo par M. Bechmann à 10 000 000 de francs, chiffre réduit à la séance suivante à 6 000 000 de francs, après une visite sur les lieux, visite qui a montré que ces sources prennent naissance au milieu d'un village et à proximité d'un cimetière, circonstances qui les met immédiatement hors concours.

Il s'agit donc d'acheter les sources de Cailly, mais la plupart des membres estiment qu'on devrait les étudier plus sérieusement. M. Bechmann répond qu'il ne s'agit pas de l'amenée possible de cette eau de source à Paris, mais du principe de son acquisition, qui s'impose impérieusement. La marche à suivre serait, d'après lui, la suivante : Commençons par acheter, nous aurons alors le temps d'étudier tout à l'aise et de voir si on peut oui ou non capter. M. le conseiller municipal Navarre n'a pas bien compris ce raisonnement; cet homme simpliste croit que si la Ville achète des sources, c'est pour les utiliser; sinon, dit-il, c'est une perte sèche. Mais M. Bechmann fait remarquer qu'il est à craindre que les prétentions des propriétaires ne s'élèvent considérablement quand ils apprendront que les eaux ont été étudiées

et reconnues bonnes; il convient qu'en les achetant avant des études plus complètes, on court un risque, mais on paiera moins cher. M. Navarre doit avoir senti toute la force de cette argumentation, mais il a trouvé de suite un biais. « Alors, s'est-il écrié, laissons croire que nous n'en voulons pas! » La discussion continue assez confuse et elle est résumée d'une façon imprévue par le préfet de la Seine, président, qui déclare comprendre parfaitement les hésitations de la Commission, d'autant plus que la question d'acquisitions n'est pas de son domaine, cette question étant liée à des considérations qui échappent à sa compétence (p. 24). Et le compte rendu met « Assentiment », et la séance est levée.

Il a également été question des sources de la Haute-Seine et de l'Aube; les expériences de M. Dienert ont dès maintenant prouvé que certaines sources sont en relation avec la Seine et « que la source de la Gloriotte communique avec les égouts de Chatillon, on ne peut rien conclure encore quant à leur captage ». On comprend sans plus que j'ai tenu à citer textuellement; ce serait un peu trop fort; mais la phrase est incorrecte et il doit y avoir une erreur typographique.

Deux autres procédés mis en avant l'année passée ont occupé la Commission dans le courant de 1903. Le chimiste Adolphe Carnot, membre de l'Institut, directeur de l'École des Mines, a proposé de purifier les eaux de la Loire en les filtrant à travers les épaisseurs de graviers d'alluvion de la vallée. Les difficultés techniques signalées par M. l'ingénieur Babinet et les observations de M. Janet sur la constitution géologique ont fait écarter ce projet. On n'a même pas voulu faire un essai sur une petite échelle avec un filtre de 25 mètres carrés de ces graviers, le coût de l'expérience étant évalué par M. Carnot de 15 à 20,000 francs. Je me demande comment on aurait constitué ce filtre. Le sable se tasse tout seul et l'on peut réaliser avec lui très aisément les conditions de son gisement naturel; mais avec des cailloux et des galets, cela ne va plus.

M. Carnot a cependant fourni plusieurs arguments. Quand le Dr Cornil lui fait observer que la membrane superficielle des filtres à sable, composée d'algues et de microbes, intervient pour une large part dans la filtration, M. Carnot déclare qu'on pourrait laisser se former cette couche dans le gravier si on la juge utile. Seulement il oublie que les algues et les microbes ont aussi leur mot à dire, qu'ils sont personnages parfois assez fantasques et qu'ils pourraient refuser de se former dans l'épaisseur des couches de galets, malgré la déclaration d'utilité publique d'une telle formation.

Une autre objection est la question de température: les eaux vont être chaudes en été. Ici aussi M. Carnot a trouvé une solution « très simple et assez efficace, en protégeant les terrains d'épandage contre les rayons du soleil en été par des rangées de peupliers orientées de l'Est à l'Ouest, donnant par conséquent passage aux vents dominants de l'Ouest, qui activeraient l'évaporation et, par suite, la réfrigération de l'eau » (p. 30). L'idée des peupliers réfrigérateurs a incontestablement le mérite de la nouveauté.

Le deuxième projet est la suralimentation artificielle de couches de sable, d'après la méthode de l'ingénieur suédois Richert. C'est M. Léon Janet qui a recommandé ce système et indiqué un endroit favorable à son application. Il a surtout insisté sur la possibilité de faire de l'irrigation intermittente et de régler l'alimentation de façon à ne jamais noyer entièrement le sable; il estime que l'air toujours présent en abondance détruira alors par oxydation la matière organique, ce à quoi l'un des membres, M. Schloesing, paraît tenir beaucoup. M. Janet voudrait arranger les choses « de telle sorte que l'eau coulât verticalement en contournant chaque particule sableuse sans remplir les vides existant entre les grains », ce qu'il nomme « le filtrage à sec ». L'expression est paradoxale, pour une idée très raisonnable. Mais M. Janet n'a-t-il pas quelque peu négligé les actions de capillarité? Ce qu'il veut obtenir, c'est une masse de sable imbibé d'eau, mais non jusqu'à saturation; il est à prévoir qu'une telle masse retiendra énergiquement toute cette eau; en fait, de nombreux essais ont démontré qu'il en est réellement ainsi, par exemple les essais de F. H. King en Amérique et ceux tout récents de Spring. Si tant est que M. Janet veuille travailler « à sec », ce ne sera pas seulement son filtrage, mais aussi son drainage qui sera à sec. S'il veut obtenir quelque chose, il devra donner assez d'eau pour noyer au moins les couches profondes, où il poussera ses galeries captantes.

Le système Richert n'est jusqu'ici appliqué qu'à Gothembourg, où les conditions locales paraissent tout spécialement favorables à sa bonne marche. On remarquera, en effet (figure p. 330 du 5o volume de Montsouris et Techn. san., 1er octobre 1902, p. 117), que la couche arénacée aquifère repose dans une cuvette rocheuse et est surmontée de couches argileuses imperméables qui empêchent les infiltrations directes de la rivière. Le sable vient affleurer sur l'un des bords de la cuvette rocheuse, à une altitude suffisante pour assurer une bonne imprégnation par gravitation. Le bassin est en somme fermé et l'eau irriguée ne peut se perdre.

M. Janet signale que Amsterdam a songé à employer ce procédé. L'ingénieur en chef M. Penninck a, en effet, fait des propositions préliminaires dans ce sens; mais la Commission spéciale (MM. Van Hasselt. Lindley, Saltet), dans son rapport du 17 mai 1902, après mûr examen, n'a pas cru pouvoir le recommander, à cause de son coût élevé. Si à Gothembourg les puits captants sont à 200 mètres du bassin d'infiltration, il faudrait pour Amsterdam seulement 50 mètres; pour une plus grande distance, l'eau ne passerait plus assez rapidement en quantité suffisante, à cause de la finesse du sable et du peu de pression (hauteur du terrain) qu'on peut donner. Il y a aussi à tenir compte de la perte inévitable par écoulement latéral dans le sous-sol, quand la couche filtrante n'est pas en bassin fermé; cette quantité perdue augmente le coût, quand il faut pomper l'eau à infiltrer, et assez haut, comme ce serait le cas pour Paris.

Un grand avantage du procédé serait la fraîcheur de l'eau ; à Gothembourg, elle a 8o en été et 10° en hiver, preuve d'un long séjour dans le sol.

M. Bechmann a visité Gothembourg en juillet 1902. Nous avons rarement l'expression de son opinion sur les diverses installations qu'il va voir; mais ici il a fait un rapport, fort sommaire, puisqu'il n'y a que quatre pages. « Cette ville a du moins le très réel mérite d'avoir fait une première application, et fort réussie, d'un nouveau principe qui paraît susceptible d'en trouver d'autres lorsqu'on rencontrera les circonstances locales très particulières qui sont la condition nécessaire de ce filtrage naturel. » C'est à peu près ce que nous venons de dire, sauf que nous avons indiqué quelques-unes de ces conditions.

Néanmoins, « l'amélioration obtenue est sans grand intérêt pour l'alimentation même de la ville de Gothembourg, puisque, la distribution étant unique, les eaux des diverses provenances y sont indifféremment mélangées ». Nous avouons ne pas comprendre l'objection. Que peut bien faire le sort ultérieur de l'eau sur l'efficacité d'un procédé d'épuration? L'importance accordée au mélange des eaux est une de ces singulières idées des hygiénistes français, et l'on peut d'autant plus s'étonner de l'entendre dans la bouche de M. Bechmann, que c'est lui-même qui en fait ressortir l'extravagance, tout en faisant des travaux coûteux pour satisfaire cette fantaisie de quelques crieurs.

Les machines sont admirablement tenues, mais « le laboratoire. d'essais, confié au chef d'usine, simple mécanicien qui a, paraît-il, acquis quelque habileté dans les manipulations chimiques et bactériologiques, laisse par contre une impression assez médiocre ». N'ayant

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